Dépourvus de contrats de travail depuis fin Décembre 2021, les médiateurs de la santé qui accompagnent les malades du VIH/SIDA tirent la sonnette d’alarme, au détour d’une interview accordée à 76crimes, quant à cette situation de précarité. « Pendant ce temps, c’est tout le travail de suivi des malades qui en pâtit au Sénégal », déplore le charismatique porte-parole et responsable du Collectif Free, Souleymane Diouf (pseudonyme).

Propos recueillis au téléphone par Moïse MANOEL, le Jeudi 18 Février 2021.
1. Quelle est la situation actuelle des médiateurs de la santé au Sénégal ?
Souleymane Diouf : « Leurs contrats de prestation de service n’ont pas été renouvelés depuis le 31 Décembre 2020. Depuis presque 2 mois, ils n’ont plus de salaires et ils attendent que leurs contrats soient reconduits. Cette situation touche tout le Sénégal et bien que les médiateurs de la santé aient désigné un délégué dans le cadre d’une coordination professionnelle l’an passé pour pouvoir les représenter en cas de conflit du travail, ils n’ont toujours pas à ce jour de syndicat pour venir prendre leur défense, tandis que l’Etat sénégalais, lui, ne se mouille pas. Le coup est d’autant plus rude à encaisser pour les plus jeunes de la profession que nombre d’entre eux y avaient décroché là leur premier emploi dans le secteur formel ».
2. Quel impact que cela a sur les malades ?
Souleymane Diouf : « Justement, nous sommes inquiets, car les médiateurs ont un impact positif sur la diminution de l’incidence du VIH/SIDA auprès des populations-clefs. Avec des médiateurs en moins, c’est toute la chaîne de l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH qui souffre, alors que pendant ce temps, les malades ont toujours besoin de prendre leur traitement. Du point de vue de la prévention et du dépistage également, c’est catastrophique, car au final, encore une fois, ce sont les populations vulnérables qui vont en payer les pots cassés : travailleuses du sexe, usagers de drogues, hommes homosexuels etc… Les autorités sanitaires du Sénégal auraient dû se saisir de cette question depuis longtemps déjà, mais elles ne le font pas, car les métiers du travail social en santé restent insuffisamment considérés, contrairement aux corporations des médecins et des infirmiers ».

3. Quelles sont les conditions de travail des médiateurs en santé au Sénégal ?
Souleymane Diouf : « Leurs contrats de travail stipulent 3 jours de travail, mais ils en effectuent souvent 5, du lundi au vendredi, car le travail de médiateur implique des déplacements longs dans des régions et des zones parfois reculés du pays. D’ailleurs ils prennent eux-mêmes en charge leurs frais de transport, alors que leurs salaires sont indexés à 85 000 francs CFA seulement, sans couverture médicale complémentaire. Les médiateurs, dont nombre ont 10 à 12 ans d’expérience sont très investis dans leurs missions, car ils sont le plus souvent issus des publics-clés et des populations vulnérables, concernés par la pandémie du VIH. Alors que la COVID-19 fait rage depuis l’an passé, l’on note que les salaires des professionnels des soins médicaux et infirmiers ont été bonifiés en raison de leur exposition au virus, alors que les travailleurs sociaux de la santé sont restés à l’écart de ces augmentations. Pourtant le coronavirus lui ne fait pas de distinction ».
4. Samba, raconte-nous ton quotidien depuis que ton contrat n’est pas renouvelé.
Samba Sagna (pseudonyme) : « J’ai une quarantaine d’années et je viens de Ziguinchor en Casamance. En ce qui touche à ma situation actuelle, elle se dessine en pointillés. Déjà en tant que personne LGBTI, au sein de ma famille, ce n’est pas simple. De plus, ici en Afrique, nous vivons entre gens de plusieurs générations au sein du même foyer, ce qui implique un certain nombre de devoirs. Par exemple, dans ma famille, chacun doit s’acquitter d’une contribution numéraire relative aux dépenses ménagères. Ne pouvant rien donner présentement, ma situation empire et je suis conscient que cela ne pourra durer indéfiniment. Ne souhaitant être une bouche à nourrir en plus, dans l’attente d’y voir plus clair quant à mon contrat de prestation de service, je vis d’expédient et de la débrouille ».
5. Et toi Habiba, en tant que mère de famille, comment traverses-tu cette période ?
Habiba Diawara (pseudonyme) : « J’ai une cinquantaine d’année et je viens du Nord du Sénégal. Je suis médiatrice depuis plus de 10 ans et chaque année, c’est un peu la même histoire qui se répète pour nos contrats de travail, sauf que cette fois-ci, ça dure beaucoup plus longtemps et nous sommes peut-être une centaine de personnes à vivre cette situation. En ce moment, ça fait deux mois que je ne paye plus mon loyer et au-delà du mois de février, pour moi, la situation deviendra intenable. D’ailleurs, la propriétaire passe me rendre visite chaque semaine pour savoir quand je puisse régler ma dette locative. Avec mes enfants, c’est compliqué également, mais pour l’instant, j’ai pu trouver une amie pour m’avancer de l’argent, afin de payer à manger à mes progénitures. Pour moi, il est très amer que de devoir en arriver là, parce que nous ne sommes pas valorisés dans nos rôles de médiateurs sociaux, en lien avec les publics discriminés dont nous sommes en charge ».
L’A.N.C.S. (Alliance Nationale des Communautés pour la Santé) n’a pas répondu à nos sollicitations.
Les personnes et organisations souhaitant contacter le Collectif Free du Sénégal peuvent écrire à l’adresse de courriel suivante : contact@collectif-free-senegal.org.
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