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Sénégal: Les homophobes paradent à Dakar

Frédéric Hay de l’association ADHEOS (Association d’Aide, de Défense Homosexuelle, pour l’Égalité des Orientations Sexuelles), ainsi que Saliou Tandjigora (pseudonyme), activiste LGBT vivant à Dakar et sympathisant du Collectif Free du Sénégal livrent une interview pour 76crimes, à l’heure où une pétition réclamant une surpénalisation de l’homosexualité au Sénégal et 5 ans d’emprisonnement circule sur les réseaux sociaux, à l’initiative d’une coordination islamiste baptisée «And Samm Jikko Yi».

Alors que les homophobes paradent en divers endroits du Sénégal en semant parfois le chaos, Frédéric et Saliou nous donnent leurs points de vue.

La demande d’ADHEOS exigeant l’interdiction du territoire européen aux auteurs de la pétition homophobe figure ci-dessous :

http://www.adheos.org/adheos-demande-l-interdiction-de-territoire-francais-et-europeen-des-complices-de-l-extremiste-salafiste-senegalais-ababacar-mboup-pour-appel-public-a-la-haine-des-homosexuels

Les personnalités visées sont les suivantes :

Serigne Babacar Sy Mansour (Khalife Générale Tidiane),

Imam Dame Ndiaye (Président Association islamique du Sénégal),

Imam Moustapha Gueye,

Dame Mbodji (Président syndicat enseignant au Sénégal),

Imam François Mbodjian (Imam Zone Sud Bignona),

Cheikh Rhim Seck (Khalife Général Tianaba),

Omar Diagne, Cledor Sène (Président du mouvement Nouvelle Vision),

Assane Diouf (a priori rapatrié par le Gouvernement des USA pour terrorisme),

Cheikh Omar Diagne,

Cheikh Bekay Bekay (Khalife des Khadres). 

Pour aider le Collectif Free du Sénégal : https://www.collectif-free-senegal.org/faites-un-don/

Pour soutenir la pétition en ligne du Collectif Free du Sénégal en faveur d’un Sénégal inclusif et sans discrimination : https://allout.lgbt/senegalhumanrightsfrfbo

Propos recueillis au téléphone le 20 Mai 2021 par Moïse MANOEL

  1. Frédéric Hay, a demandé l’interdiction d’entrer dans l’espace européen, de leaders d’opinion homophobes sénégalais, pensez-vous être efficace jusqu’à présent ?

Logo d’ADHEOS (L’Association d’Aide, de Défense Homosexuelle, pour l’Égalité des Orientations Sexuelles)

« Nous observons que nos demandes semblent être prises en compte par les autorités françaises et européennes. Nous ne souhaitons pas que des individus islamistes ou pronant toute forme de radicalisme puissent répandre le poison de la haine parmi les diasporas établies ici en France. Il est de notre devoir que de protéger les communautés LGBTI et la communauté nationale des agissements dangereux d’individus fanatiques et homophobes dont nous souhaitons qu’ils restent à l’extérieur des frontières de la France.

Au delà de la France, par ces demandes de sanctions et par cette politique d’entrave à la circulation de leaders d’opinion homophobes, nous voulons également soutenir les associations de défense des droits humains du Sénégal, ainsi que les communautés LGBTI locales. On a quand même affaire à des individus qui incitent activement à brimer, agresser, voire à tuer leurs propres concitoyens, sous couvert d’islam, de traditions et de valeurs culturelles sénégalaises, ce qui est proprement abject, répugnant et insultant pour le Sénégal.

En tout cas, nos actions ont un impact certain. Pour preuve, le 20 Avril dernier, nous demandions l’interdiction d’entrée d’Ababacar Mboup, dans l’espace européen, document à l’appui, puisque nous avions fait traduire une vidéo d’une table-ronde, où il réclamait l’exécution des personnes LGBTI au Sénégal. Peu de temps après la diffusion de notre communiqué, l’auteur de cette publication à retirer le contenu en ligne de cette vidéo qui était hébergée sur la plate-forme de YouTube ».

2. Ne pensez-vous pas donner du grain à moudre aux islamistes quant à une éventuelle ingérence occidentale dans le vie politique et sociale d’un pays comme le Sénégal ?

Lors de la Marche des Fiertés de La Rochelle qui s’est tenue le 22 Mai 2021, Souleymane Diouf (pseudonyme), le leader du Collectif Free du Sénégal a sensibilisé les membres de la communauté LGBTI rochelaise, quant au recul des droits humains dans son pays d’origine

« L’extrémiste, l’islamisme, l’intégrisme et le fanatisme sont des questions et des enjeux internationaux de sécurité collective qui nécessitent d’être pensées à l’échelle nationale, pancontinentale et surtout internationale. Le radicalisme religieux de quel que obédience qu’il vienne et le projet totalitaire qui lui est consubstantiel doivent être contrecarrés ici et ailleurs, au Sénégal, comme au Mali, au Sahel comme en Europe. Un ennemi reste un ennemi et toute personne incitant au génocide des personnes LGBTI au Sénégal doit être combattu politiquement, avec vigueur et détermination.

C’est d’ailleurs pour cela qu’ADHEOS et plusieurs autres organisations ont déposé un recours afin que le Sénégal soit retiré de la liste des pays dits sûrs, par le Conseil d’Etat. En effet nous demandons que les demandes d’asile de personnes sénégalaises, béninoises et ghanéennes soient examinées avec la plus grande attention, en tenant compte de la dégradation du climat politique dans ces pays. Il s’agit de pays démocratiques, certes, mais de démocraties fragiles, en termes de respect des droits humains, notamment pour les personnes LGBTI. Actuellement, quand le pays est dit sûr, le traitement de la demande d’asile est expéditive et se solde souvent par une réponse défavorable de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) ».

3. Saliou Tandjigora, vous êtes un activiste sénégalais, pouvez-vous nous dire quelle est l’ambiance au Sénégal à la veille de cette marche homophobe ?

« Avec l’entrée en vigueur du code de la presse qui a été modifié récemment, on n’entend guère parler de cette marche, sauf sur Xalat Tv, qui est une chaîne YouTube, très suivie en wolof. Dans l’article 18 du code de la presse remanié, il est stipulé qu’il est interdit de discriminer les gens quel que soit leur orientation amoureuse ou leur identité de genre.

Logo de la Marche homophobe

Ensuite d’un point de vue politique, les instigateurs de la pétition homophobe visant à surpénaliser l’homosexualité sont un attelage hétéroclite de personnes de la société civile qui essaient de mettre la pression sur la classe politique. Parmi eux, on trouve pele-mêle : Abdou Karim Gueye (polémiste), Omar Diagne (économiste), Ababacar Mboup (théologien), Dame Mbodj (enseignant syndicaliste), Cledor Sene.

Dans ce contexte, un sujet comme l’homosexualité est pour eux un bon vecteur pour tester leur popularité dans l’opinion qu’ils essayent de travailler sur ces sujets depuis longtemps. Les ressorts sont toujours les mêmes : exhalter le nationalisme, détester de la France, clamer un ersatz de panafricanisme, en adossant tout ça à du virilisme dont l’homophobie est l’un des exutoires préféré, à défaut d’avoir à proposer des solutions constructives et alternatives aux maux qui rongent la société sénégalaise, tels que le chômage des jeunes ou le pouvoir d’achat, par exemple.

Dessin de presse de Jewrine

La classe politique sénégalaise y compris Ousmane Sonko, rechigne à signer une pétition populiste, démagogique et irresponsable. Elle n’est pas très désireuse d’ouvrir une boîte de Pandore sur le champ des droits humains qui puisse déboucher sur une chasse aux sorcières, alors elle botte en touche et s’accroche au statu quo actuel. Même le Khalife des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké renâcle à apposer sa signature à un tel document. Par contre, les autres confréries religieuses du pays et les autres imams ont donné leur approbation à la pétition (finalement, le 23 Mai 2021 Ousmane Sonko et le Khalife des Mourides Serigne Mountakha Mbacké ont adoubé la pétition du collectif islamiste « And Samm Jikko Yi » N.D.L.R).

Au niveau de la population sénégalaise, cette marche est accueillie diversement. Des individus, et des chefs religieux sont très prompts à jeter leur fiel sur les personnes LGBTI. Ceci étant au Sénégal, il existe aussi une majorité silencieuse et la façon dont les questions sexuelles sont politisées dans l’espace public par les homophobes ne plaît guère. Pour d’aucuns, l’homosexualité relève avant tout de la sphère privée de chacun et il ne saurait être question que l’Etat ne s’immisce dans l’intimité des individus, afin de s’enquérir qu’ils aillent au paradis ou non ».

Les medias et organisations souhaitant s’adresser au Collectif Free du Sénégal peuvent écrire à l’adresse électronique suivante : contact@collectif-free-senegal.org.


Image de manifestants scandant leur haine des personnes LGBTI, lors de la manifestation contre l’homosexualité organisée à Dakar, le 23 mai 2021

Résumé de quelques observations et propos chocs tenus au cours de la marche hostile aux homosexuels, grâce à la contribution de Saliou Tandjigora. Le résumé original a été reformulé à des fins de presse sans occulter ni l’essence ni le fond des propos tenus par les divers protagonistes mentionnés ci-dessous :

Oustaz Makhtar Sarr du collectif And Samm Djikko Yi (Unis pour la préservation des valeurs) dresse un bref rappel des mobilisations antérieures du collectif « non à l’homosexualité et à la franc-maçonnerie ». Selon lui le collectif a eu vent récemment d’un projet satanique visant à faire de Dakar, la capitale africaine des franc-maçons et des homosexuels. Le Sénégal étant une terre musulmane d’hommes pieux, le collectif ne pouvait faire preuve de passivité plus longtemps. Sarr a rappelé en outre que parmi ses hauts faits d’armes, le collectif était déjà parvenu par le passé, à faire censurer des clips jugés obscènes et à faire interdire de concert Rihanna au Sénégal. Aussi aujourd’hui, le collectif entend stopper net un complot franc-maçon pro-LGBTI, ourdi par des individus puissants tapis dans l’ombre des hautes sphères et des technostructures bureaucratiques de l’Etat sénégalais. De plus, Sarr ajoute dans une diatribe acerbe, que ce sont finalement les homosexuels et les défenseurs des droits humains souhaitant les voir protéger qui constituent eux-mêmes une menace et un trouble grave à l’ordre public. C’est pour cela, selon lui, qu’il advient de combattre les personnes LGBTI, sans relâche partout et en tout temps. Et si aujourd’hui un drapeau arc-en-ciel de la communauté LGBTI a été carbonisé en place publique en guise d’avertissement, demain, ce seront bel et bien les homosexuels eux-mêmes qui deviendront des torches incandescentes, si l’Etat ne surpénalise pas prochainement cette abomination, en continuant à faire la sourde oreille. A cet effet, le collectif ne se fera pas prier pour passer à l’acte.

Dr Boly Diop est le président de l’ordre des médecins du Sénégal. Il a déclaré que l’homosexualité est un trouble psychiatrique et psychologique. Pour lui, cela n’a aucun sens que d’adopter des lois devant servir à mieux protéger les personnes LGBTI, car il considère qu’il s’agit de malades mentaux qui ont besoin d’un traitement. Selon lui, l’homosexualité est un mal absolu doit être combattu « au péril de sa vie ».

Seyda Halima Kane est la porte-parole du Mouvement des femmes au sein du collectif And Sam Djikko Yi. Face à une foule galvanisée et surexcitée, elle en appelle chaque musulman à s’ériger en rempart contre les fléaux sociaux que sont l’homosexualité et la franc-maçonnerie, quitte à devoir en découdre avec l’Etat.

Abdou Faty et Dame Mbodj sont des représentants syndiqués du corps enseignant. Ils assurent qu’ils ne laisseront jamais l’Etat sénégalais et l’Unesco inculquer les valeurs de tolérance, de respect et d’inclusion de genre. Ils promettent de demeurer de zélateurs garants des valeurs traditionnelles, afin d’apprendre aux enfants à être homophobes dès leur plus jeune âge.

Abdou Karim Gueye est un polémiste d’extrême-droite. Il a prononcé un discours islamiste, avant de mettre le feu à un drapeau arc-en-ciel, sorti de son sac. Ce geste restera le clou du spectacle offert par les homophobes au cours de cette journée. Pour finir, il a aussi pris la défense d’imams incarcérés actuellement pour complicité d’association de malfaiteurs, en vue de commettre une entreprise terroriste et de porter atteinte à la sûreté de l’Etat sénégalais. En outre, il souhaite l’avènement au Sénégal d’une société similaire à l’Afghanistan des talibans où règnera la Charia ainsi que le port de la burqa pour les femmes.

Dr Abdoulaye Lame et Imam Galadio Ka, sont deux personnalités religieuses de premier plan qui se sont exprimés en arabe auprès de la foule, ce qui constitue une grande première dans l’histoire du Sénégal. Il n’y avait jamais eu jusqu’à lors de précédent en la matière, étant donné que le Sénégal n’est ni une société ni un pays arabe ou arabophone. (Pourquoi s’adresser à une foule majoritairement wolofophone et francophone en arabe ? Quels étaient les véritables destinataires de leurs discours ?) Quoi qu’il en soit, lorsqu’ils se sont exprimés en wolof, ils ont exigé des mesures intransigeantes et draconiennes à l’encontre des personnes LGBTI, accusées de tous les maux, avant d’exhorter les francs-maçons à cesser d’étendre leur influence sur la société sénégalaise.

Ababacar Mboup est le coordinateur du collectif « And Sam Djikko Yi ». Dans un discours aux relents génocidaires, il a dressé un état des lieux apocalyptique en mentionnant que la pétition exigeant la surpénalisation de l’homosexualité avait été signée par la plupart des khalifes des confréries religieuses du pays. Il a aussi demandé à ce que l’Assemblée Nationale s’exécute au plus vite quant à l’examen de pareille proposition de loi.

Enfin, Ousmane Sonko, président du principal parti d’opposition à Macky Sall, le PASTEF, était aussi présent au milieu de ce sinistre cortège, pour apporter son soutien aux doléances d’une foule homophobe en délire, le portant aux nues, sous les ovations.


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