Afrique subsaharienne

Le Collectif Free du Sénégal : 1 an de lutte contre les LGBTphobies au Sénégal !

A l’occasion de l’anniversaire du premier article de 76crimes portant sur les activités du Collectif Free du Sénégal, nous partageons avec notre lectorat une récente interview donnée par Bouba-Saliou Tandjigora* auprès de l’ardhis**. Depuis les Antilles françaises où il s’est établi, Bouba-Saliou revient sur un an d’activisme et de militantisme tout azimut, au Sénégal ainsi qu’à l’extérieur des frontières de son pays natal. Ce faisant, nous relayons également son appel à un soutien financier international.

Pour aider le Collectif Free du Sénégal : https://www.collectif-free-senegal.org/faites-un-don/

Pour soutenir la pétition en ligne du Collectif Free du Sénégal en faveur d’un Sénégal inclusif et sans discrimination : https://allout.lgbt/senegalhumanrightsfrfbo

Propos recueillis par Christophe Caulier.

Article publié le 22 Septembre 2021 sur le site internet de l’ardhis***

Dans quelles circonstances est né le Collectif Free Sénégal ?

Depuis 2017, la situation de la communauté LGBT sénégalaise n’a pas cessé de se dégrader. L’ONG islamique Jamra a multiplié les campagnes LGBTphobes. Le collectif Ànd Sàmm Jikko yi (Ensemble pour la protection des valeurs) de Babacar Mboup a invité les Sénégalais à éliminer tous les gays qu’ils croiseront… Une grande marche homophobe a été organisée en 2019, une autre l’a été le 23 mai 2021 à l’occasion de laquelle les manifestants ont appelé les autorités à lutter contre la communauté LGBT notamment par le biais d’une nouvelle loi criminalisant l’homosexualité. Des pétitions contre nous ont également circulé…

Avec d’autres activistes et universitaires, nous avons voulu nous engager, et l’idée de ce collectif a germé. Cette idée s’est concrétisée en août 2020. Nous avons pensé à un collectif, parce que la création d’une association impose l’obtention d’un récépissé auprès du ministère et, du coup, cela expose beaucoup les membres aux homophobes de Jamra ou de l’État. C’est aussi pour cela que le collectif se positionne comme défenseur des droits humains pour les communautés vulnérables et pas explicitement pour les LGBT — même si, aujourd’hui, les personnes de la communauté LGBT sont parmi les plus persécutées au Sénégal…

En septembre 2020, dix homosexuels ont été arrêtés à Touba, tabassés et violentés, exposés sur la place publique… Notre collectif a fait entendre sa voix, et nous les avons aidés autant que nous avons pu et nous les avons relocalisés pour les mettre en sécurité. Depuis, le collectif n’a pas cessé de grandir et de se faire connaître dans la sous-région, et maintenant au niveau international.

Quelles autres actions ont été menées ?

Très rapidement, un refuge a été créé, dans un lieu tenu secret, avec le soutien d’une ambassade et de l’association Adheos. Actuellement, ce refuge peut accueillir 18 personnes pendant deux mois avec une prise en charge globale, dans le domaine médical notamment. Depuis septembre 2020, 106 personnes ont été accompagnées d’une façon ou d’une autre. Parmi elles, une a été relocalisée en Europe, deux l’ont été en Côte d’Ivoire et quatre en Mauritanie. Et dans le cadre de son programme Free Asile, le collectif accompagne également des réfugiés LGBT mauritaniens, libériens, béninois, gambiens, maliens, guinées… déplacés au Sénégal par le HCR.

En octobre 2020, nous avons joué notre rôle en accompagnant vingt-quatre personnes arrêtées à l’occasion d’un mariage gay organisé entre amis. Nous avons mené des interventions judiciaires et organisé des visites carcérales.
Le collectif Free Sénégal a créé en novembre 2020 une plateforme, Génération 2021, qui fédère quinze associations LGBT appelant à la mobilisation et à l’élaboration de nouvelles stratégies de lutte. Nous essayons notamment de médiatiser la situation au moyen de campagnes de presse, notamment par le biais du site 76 crimes.

Enfin, cette année, une commission a été créée, exclusivement dédiée à la communauté lesbienne sénégalaise qui est particulièrement peu représentée dans la sous-région. Quatre places sont donc à présent réservées pour la prise en charge des femmes.

À quoi va servir l’argent récolté ?

Localement, nous ne sommes pas très soutenus, pas même par l’Alliance nationale des communautés pour la santé (ANCS). Ponctuellement, nous avons reçu quelques aides internationales pour certains de nos programmes – ambassades, AdheosSolidarité internationale LGBTQI (SIL), organismes internationaux —, mais de nombreux partenariats arrivent bientôt à terme. Nous avons donc à présent des besoins très urgents, notamment pour le refuge. Nous devons payer les factures, acheter de la nourriture, des matelas, des serviettes, des draps de lit, des produits pour l’hygiène, des traitements médicaux pour ceux qui sont malades… et accueillir les personnes qui frappent à la porte. En plus, nous ne pouvons pas toujours faire venir les personnes en danger dans notre refuge, alors nous devons financer leur mise à l’abri dans la zone où ils se trouvent.

Pour l’accompagnement judiciaire, nous avons un partenaire, mais le budget alloué est pour l’instant de 1 million de francs CFA (environ 1 520 euros), or les frais judiciaires sont très élevés…

À moyen terme, nous espérons également renforcer le personnel, recruter un agent de sécurité pour le refuge, mais aussi œuvrer à la réinsertion des jeunes — tout le monde ne peut pas financer un voyage pour quitter le pays ! Nous avons des victimes qui étaient élèves en terminale ou en formation professionnelle, et qui voudraient continuer, mais sans fonds, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour la réinsertion professionnelle. Actuellement, nous proposons déjà des formations en informatique, mais nous espérons pour plus tard acheter des machines, financer des connexions internet…

* Pseudonyme

** Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour

***https://ardhis.org/soutien-au-collectif-free-senegal/

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