Amériques

Haïti : Bilan de l’année 2022 pour l’APVID (Province du sud)

Pour la première fois, 76crimes va à la rencontre d’une organisation du sud d’Haïti, l’APVID, située aux Cayes, près d’un an après le séisme qui avait secoué la région en août 2021. Jean-Mardy Ketler, son responsable, ainsi que Camélia, une femme transgenre, nous livrent une interview, quant à leurs impressions et sentiments sur l’année écoulée.

Les Cayes sont situées tout au sud de la péninsule de Tiburon à 200 kms de Port-au-Prince, au large de la Jamaïque (Source : OCHA)

76crimes : « Présente toi ».

Jean-Mardy Ketler (photo courtesy JMK)

Jean-Mardy Ketler : « J’ai 36 ans je vis dans la région des Cayes, à la campagne, dans le sud d’Haïti. Je suis le directeur exécutif de l’association des professionnels victimes de différents types de discriminations (APVID).

On est une organisation fondée en 2015 et nous sommes des personnes d’extraction rurale vivant à l’extérieur de la capitale. De ce fait, à l’échelle du pays, on est un peu isolés, qui plus est dans un contexte de pénurie de carburant en Haïti.

APVID a été fondée car il y avait des discriminations à l’emploi, notamment dans le secteur privée, à l’encontre des personnes LGBTI. Notre action est complémentaire de celle de l’Union des personnes luttant contre la discrimination et stigmatisation (UPLCDS), qui est l’autre organisation LGBTI située aux Cayes.

Du fait de notre isolement géographique, l’on capitalise beaucoup sur les synergies avec d’autres organisations de défense des droits humains du pays (organisations féministes, organisations de prévention de santé sexuelle) et l’on organise des activités de sensibilisation.

A l’échelle locale, l’on a rejoint le Regroupement des Personnes Luttant Contre la Discrimination et pour l’Egalité (RPLCDE) ».

76crimes : « Quels ont été les faits marquants de l’année 2022 ? »

Photo de « Léger » prise durant sa détention provisoire (photo courtesy APVID).

Jean-Mardy Ketler : « Le jeune Léger (pseudonyme) âgé de 17 ans, un employé de maison, a été pris à parti par un individu adulte qui a commencé à lui donner des coups de ceinture – « boug-a di li pa té vlé wè masisi » (il ne voulait pas voir de pédé dit-il) en créole – en raison de son orientation amoureuse et de son identité de genre. Ça a eu lieu en mai dernier.

Bien mal lui en prit, puisque Léger s’est défendu et l’a frappé en retour. Seulement, Léger étant plus chétif, c’est lui qui a davantage souffert de blessures durant la rixe. Pourtant, c’est aussi lui qui passera 12 jours de détention provisoire avant d’être relâché sous caution, grâce à notre partenaire de la fondation Sérovie, en coordination avec l’UPLCDS.

Pour nous, ce verdict n’a pas été équitable étant donné que la première personne à avoir donner des coups n’a pas été inquiétée et a été relâchée au bout de 24 heures de détention, seulement.

D’autre part, le montant de la caution, 50000 gourdes, n’est pas à la portée de toutes les bourses en Haïti, puisque cela représente près de 500 dollars américains.

Enfin, le jugement a été biaisé je pense, en raison de l’influence politique de l’avocat de la partie adverse, plaignante, qui représentait le défense. Léger de son côté a été soutenu par un avocat de la plateforme de l’Office de Protection des Citoyens (OPC), sans grand succès, mais au moins, était-il défendu ».

Camélia (photo courtesy Camélia)

Camélia : « Toujours dans le courant du mois des fiertés LGBTI, un autre incident est survenu, mettant aux prises 4 personnes trans dont moi-même à 4 agresseurs, dans une discothèque des Cayes.

Lors de la soirée IDAHOBIT (journée internationale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie) du 17 mai, pour un motif vraiment véniel, une bière renversée sur une table, une rixe éclate et 1 puis 4 individus prennent en chasse mon groupe d’amies qui était venu se divertir. Au total, deux victimes ont été hospitalisées pour des contusions et des blessures légères, dont mon amie Maria-Dolorès (pseudonyme) qui souffre d’asthme sévère, tandis que les agresseurs ont pris la fuite sans se voir inquiéter par la justice, en dépit de la plainte que j’ai déposée ».

76crimes : « Quelles conclusions tirez-vous pour l’année 2022 ? »

Des habitants cherchent d’éventuels survivants dans les décombres d’une maison, samedi 14 août aux Cayes, en Haïti. STRINGER / REUTERS

Jean-Mardy Ketler : « Après le séisme d’août 2021, on a pu reprendre nos activités durant l’année 2022, car l’on a comptabilisé ni de morts, ni de blessés parmi nos membres, même si les dégâts matériels dans la région ont été très importants. L’on a même reçu un soutien modeste émanant d’une organisation étrangère.

Ainsi, en dépit du climat politique et social délétère qui règne en Haïti, nos activités ont été ponctuées par deux moments clefs en 2022 : IDAHOBIT en mai, puis la journée internationale de lutte contre le sida, le 1er décembre.

Je relève en outre, que les préjugés et les stéréotypes négatifs à l’encontre des personnes LGBTI, refluent aux Cayes, signe que le travail de longue haleine de sensibilisation, paye. Cependant, les moyens humains et matériels, manquent encore et l’on aimerait pouvoir obtenir un local si possible, l’an prochain.

Aussi, le travail à mener afin d’être davantage visible est encore immense, notamment à l’extérieur des frontières d’Haïti. Par trop souvent, je déplore le fait que les bailleurs ne connaissent que Port-au-Prince et y concentrent l’essentiel de leurs moyens et de leurs activités, alors que c’est précisément là que tout est bloqué, en raison de l’insécurité ».

Si vous souhaitez soutenir APVID, vous pouvez écrire et laisser un message à l’adresse électronique suivante : apvidcayes111@gmail.com.

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