Le 09 Octobre 2020, le journal en ligne haitistandard.com publiait : « Décès : l’homosexuel Maïkadou Rosier retrouvé mort en sa résidence ». Ce titre au ton au demeurant surprenant pour évoquer une tragédie, n’a pas manqué de faire réagir un confrère, en la personne de notre rédacteur et journaliste engagé en faveur des droits des personnes LGBT, Bruno Agar.
Je prends connaissance avec beaucoup de tristesse de la mort soudaine de Maïkadou Rosier, dont le Haiti Standard vient de se faire l’écho.
Je dois vous dire que j’ai été très surpris à la lecture de votre titre: « l’homosexuel Maïkadou Rosier retrouvé mort en sa résidence ». Pourquoi rajouter « l’homosexuel » avant son nom? Est-ce que vous précisez « l’hétérosexuel » lorsque vous publiez un article à propos d’une personne qui n’a pas rendu publique son orientation sexuelle? Est-ce que vous demandez une « attestation d’hétérosexualité » aux personnes à propos de qui vous écrivez afin de ne pas avoir de doute quant à l’orientation sexuelle que vous mentionnerez?
Préciser « l’homosexuel » devant son nom sert ici à exclure la personne dont vous parlez de la communauté des humains. « Il n’était pas un homme, pensez-vous, parce qu’il était un « homosexuel »… seulement un « homosexuel ».
Pire encore, la photographie publiée le 9 octobre est accompagnée de la légende « Le maquilleur et homosexuel Maïkadou Rosier », indiquant ainsi que « homosexuel » était son métier, comme on dirait « journaliste éditeur ». Ici, Maïkadou Rosier avait donc la profession d’homosexuel… C’est assez drôle, n’est-ce pas? Je ne crois pas qu’il s’agisse vraiment d’incompétence dans la rédaction de votre article. Non, soyons un peu honnête, il s’agit plus vraisemblablement d’homophobie.
La personne (« HS/Haiti Standard ») qui l’a rédigé doit être profondément homophobe, ou alors la haine des « homosexuels » (puisque c’est l’étiquette qu’il vous plaît d’utiliser) finit par transparaître jusque dans vos articles. Cela fait du mauvais travail, en fin de compte. Lorsque l’on s’appelle « Haiti Standard », le mot « Standard » vient signaler un niveau de qualité; il vient poser votre travail journalistique au-dessus du travail médiocre et dénué de précision factuelle qui fait vendre à l’aide de photographies de femmes dénudées et de gros titres sans valeur informationnelle. Mais je suppose que vous savez ce que vous faites en vous appelant vous-mêmes « Standard ».
Quand on est un « standard » sur la scène internationale de l’information, on doit avoir des valeurs. QUELLES SONT LES VÔTRES? Peut-être seriez-vous bien avisés de relire un peu le New York Times pour rappeler à votre bon souvenir à quoi ressemblent les standards internationaux du journalisme d’information. Je vous suggère même de lire les blogs 76crimes.com et 76crimesfr.com, ce dernier étant en français. Vous y trouverez le travail de journalistes bénévoles qui travaillent en réseau international afin de mettre à la disposition du public une information de la meilleure qualité, et en fonction de valeurs d’égalité et de justice et de respect, en particulier envers ceux qui en ont le plus besoin.
Sans ce travail en faveur de l’égalité de droits des minorités, et notamment des minorités sexuelles (ceux que vous appelleriez sans doute les « homosexuels »?), certains pays dans le monde restent coincés dans un état d’esprit arriéré qui empêche les progrès nécessaires en matières sociale et même économique. Si votre organe de presse entend se rendre utile en Haiti, alors aidez votre pays à avancer (faites penser vos lecteurs) et non à rester en arrière, là où se trouvent les injustices, la pauvreté, la souffrance. Battez-vous pour la lumière, et non les préjugés qui rendent aveugle à toute forme de justice.
Pour faire cela, il faut d’abord être honnête avec soi-même, reconnaître ses limites, et ensuite savoir où sont ses valeurs.
C’est ce que je me demande, AVEZ-VOUS DES VALEURS?
Et je pense encore à Maïkadou, dont la vie et le courage méritent d’être salués. Car il était un homme, et plus que beaucoup d’autres. Merci.
Dans l’attente de votre réponse,
Bien cordialement à vous,
Le 12 Octobre 2020,
Bruno AGAR
Bruno Agar est un membre du African Human Rights Media Network et est docteur civilisationniste de l’université Paris-Saclay au Centre Universitaire de Mayotte. Bruno s’intéresse aux problématiques médiatiques contemporaines, en particulier dans le contexte africain.
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