Amériques

Moi, lesbienne de Guyane

Netty N’Zila

Propos recueillis par Moise Manoel, correspondant à GUSOMA MEDIA

« Quand on est une femme noire lesbienne, pour être visible et obtenir un début de reconnaissance de notre militance, il nous faut travailler 2 fois plus que les hommes noirs et 8 fois plus que les hommes blancs », Netty N’zila.

Présidente de Gay-Attitude Guyane depuis 10 ans, Netty N’zila est une femme lesbienne noire, syndicaliste et ex-témoin de Jéhovah. Artiste et auteure de l’ouvrage Femmes d’horizon (publié aux éditions Homoromance), elle est née et réside en Guyane française depuis 46 ans.

Gusoma : Pourquoi avoir créé Gay-Attitude Guyane ?

Logo de Gay-Attitude Guyane

Netty N’zila : En Guyane française, il y a beaucoup d’hypocrisie, avec de nombreuses lesbiennes refoulées qui vous acceptent telles que vous êtes en privé, mais qui vous demande de ne pas trop vous afficher en public. C’est comme ça que m’est venue l’idée de fonder Gay-Attitude Guyane, avec une amie, afin de procurer des espaces récréatifs aux personnes LGBTQ+ du territoire. Il se trouve que nous sommes deux femmes noires à l’origine de cette organisation. Depuis 10 ans, nous tentons d’organiser des soirées ou des sorties entre personnes LGBTQ+. Mais, c’est difficile d’attirer, de faire venir et de souder cette communauté qui a tendance à fonctionner en cercles d’interconnaissance restreints. Nos soirées sont souvent organisées dans des villas dont nous ne préférons dévoiler les coordonnées, qu’au dernier moment.

Gusoma : Comment faire pour développer les rencontres communautaires ?

Netty N’zila : Déjà, partons du constat, actuellement, ce qui marche, c’est une soirée tous les 3 mois et une sortie à la plage à la même fréquence. Ce qui ne fonctionne pas en revanche, c’est l’organisation d’une soirée ou sortie toutes les semaines ou tous les mois. La cause peut être à rechercher dans le fait que se soit assez rapidement, les mêmes personnes que l’on rencontre, lors des soirées et cela se superpose au fait que très peu de personnes LGBTQ+ daignent s’assumer ouvertement y compris au sein d’espaces semi-privatifs où nous organisons des moments de convivialité dansante.  En tout cas, pour que les choses aillent mieux, pour que les gens sortent de l’isolement, il faut davantage de lieux récréatifs, tels que des bars.

Gusoma : Quelle est la situation des lesbiennes noires en Guyane française ? Et quelle est la place des femmes noires dans le milieu LGBTQ+, notamment dans la sphère militante ?

Netty N’zila : Très compliquée, si vous faites quelque chose de bien, vous êtes jugée en fonction de votre patronyme, si vous faites quelque chose de mal, vous êtes jugée en fonction de votre orientation sexuelle. En Guyane française, il n’existe pas un milieu LGBT très structuré, mais dans l’ensemble, nous sommes moins prises au sérieux que les hommes. Quand on est une femme noire lesbienne, pour être visible et obtenir un début de reconnaissance de notre militance, il nous faut travailler 2 fois plus que les hommes noirs et 8 fois plus que les hommes blancs. Néanmoins, il n’y a pas que des inconvénients et l’on peut délivrer un message positif pour inciter les personnes au sein des communautés noires à apprendre à s’accepter davantage dans leur orientation sexuelle. De plus, concernant les lesbiennes, nous avons pour l’heure un groupe d’entraide sur WhatsApp et quelquefois nous nous rencontrons en petit comité, à l’extérieur des réseaux sociaux, afin de se retrouver. D’ailleurs, nonobstant le nom de l’association et nos échanges avec les groupes gays, nous ne regroupons parmi nos adhérentes que des femmes. C’est peut-être notre force.

Gusoma : Que faire pour améliorer la visibilité des lesbiennes noires ?

Netty N’zila : C’est vrai que sur place, la visibilité des actions menées est souvent portée par des hommes. Pour changer cela, il nous faut nous les femmes nous mobiliser davantage, afin de changer les rapports de force, même si nous avons besoin de travailler avec les hommes pour changer les mentalités et lutter contre les homophobies et les transphobies. Les principaux obstacles à cette mobilisation des femmes lesbiennes résident selon moi, à l’intérieur même des communautés noires.


Publié le 22 octobre 2019, par GUSOMA, media afro-LGBTQ français fondé pour faire davantage entendre les voix afro-LGBTQ+ en France.

Source : https://gusoma-media.fr/2019/10/22/moi-lesbienne-de-guyane/



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