Alors que la communauté internationale célèbre ce jour la journée de la visibilité des personnes trans, L., jeune transgenre de 16 ans, est détenue à la prison d’Ebolowa dans le Sud Cameroun depuis le weekend du 18 mars juste parce qu’elle est transgenre.
Par Erin Royal Brokovitch

La ville d’Ebolowa est dans le Sud Cameroun. (Carte de Wikipedia)
Dans la nuit du 14 mars, L. est invitée à sortir avec « sa sœur » qui est elle-même invitée à sortir avec son petit ami. Ce dernier se fait accompagné lui-même par un ami. Alors que la soirée avance, dans l’effervescence de l’ambiance, L. se voit faire la cour par le 04ème compagnon de cette escapade. Deux couples sont donc désormais formés.
À la fin de la soirée, le soupirant de L. lui propose de rentrer ensemble, du moins faire chemin tous les deux. Malheureusement, en cours de route, un incident survient : En effet alors que le soupirant s’arrête dans une échoppe pour effectuer un achat, L. reste l’attendre dehors se fait agresser. Dans la cohue, elle est déshabillée.
Son soupirant découvre alors à la faveur de cet incident que L. n’est pas la femme qu’il croyait avoir conquis. Enervé, il la conduit lui-même à la délégation régionale de la police judiciaire (DRPJ) du Sud, dans la ville d’Ebolowa.
L. y est déténue. Vu qu’elle est mineur, 16 ans, sans nouvelle de son entourage, l’on fait appel à une assistante sociale. Faute de garant pour la représenter, L. est maintenue à la DRPJ, puis conduite vendredi 17 mars chez le juge d’instruction. De là aussi, après avoir été entendu, elle est conduite comme issue fatale à la prison d’Ebolowa au cours de ce weekend du 18 mars.
Orpheline, L. vivait depuis dans une famille d’accueil où elle a été recueillie par son ancien employeur. Elle travaillait pour une période avec le monsieur pour des services de restauration et d’entretien. Parvenue à la fin de la période de collaboration et que L. devait repartir, n’ayant plus de famille, elle demande à être recueilli par ce monsieur qui se montre sensible et accepte lui offrir une famille d’accueil. Seulement, tout le monde a toujours su que L. est une fille, sous ses apparences, ses traits, son accoutrement qui a toujours été féminin. C’est en tant que fille qu’elle était membre de cette famille d’accueil, et que sa sœur l’a invité à l’accompagné ce jour de l’incident.
Saisi de cette affaire, via le réseau de point focal Droits humains, le conseiller juridique du projet Fonds Mondial, Maitre NDONGO Jathan s’est constitué pour la défense de L. Malheureusement, au moment où il est prévenu de ce cas et qu’il intervient, le pire s’est déjà produit, L. a déjà été conduite en prison. Néanmoins, il continue de suivre l’affaire.
Le 24 mars, il fait savoir qu’il a effectué une descente dans la ville où il a eu des séances de travail avec le juge d’instruction et L. elle-même. En perspective dans le suivi de ce cas, il est question qu’il redescende le 06 avril prochain jour de la comparution de L. devant le juge d’instruction.
Une affaire aussi touchante que troublante. La loi camerounaise ne condamne pas l’identité ou l’expression de genre. Comment comprendre l’instruction faite de cette affaire ? L’on peut bien se rendre compte que l’on est en face d’un(e) mineur(e) qui est persuadé(e) d’être une fille parce que c’est ainsi qu’elle se représente, et qu’elle s’assume dans son expression du genre comme tel.
Le questionnement de l’identité de genre est déjà résolu chez lui/elle quand on voit à quel point elle s’assume. Belle exemple d’affirmation de soi au demeurant, doit-on concéder.
Il ne reste plus qu’à espérer, et œuvrer pour que L. soit libérée, pourquoi pas, à l’issue de cette comparution du 06 avril devant le juge d’instruction. Mais surtout, que la communauté toute entière ait une pensée militante pour ce qui arrive à L. et la célèbre pour son affirmation en ce jour de la visibilité des personnes transgenres.
Erin Royal Brokovitch, l’auteur de cet article, est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.
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