Yaoundé, quartier Mimboman, situé dans l’arrondissement de Yaoundé 4, un jeune homme qui ne demandait qu’à gagner tranquillement sa vie, a vu son destin compromis par un voisin dangereusement homophobe.
Maxime, 26 ans, vivait dans une chambre au quartier Mimboman depuis cinq mois. Il gagnait sa vie en braisant du poisson. Il louait une chambre dans un camp aménagé à la façon de ces habitats où plusieurs maisons sont contigües. Parmi ses voisins étaient la famille élargie de son bailleur, et son bailleur lui-même.
Son destin bascule au mois de juin, quand Roger, un homme de plus de 40 ans, son voisin, qui est également le frère de son bailleur, surgit devant lui alors qu’il fait la vaisselle.
Roger le somme de libérer la chambre qu’il loue sans délais. Surpris par cette injonction, Maxime demande alors à Roger la raison, et la femme de ce dernier intervient, en disant mot pour mot :
« On va aller au commissariat dénoncer ce que tu fais dans ta chambre ».
Maxime confie que c’est depuis ce jour que ses relations de bon voisinage ont commencé à se dégrader.
Quelques jours plus tard, alors que Maxime rentre du marché en compagnie d’une voisine chez qui, dit-il, il a l’habitude de garder son poisson, pour défaut de frigo. C’est le mari de celle-ci qui lui révèle :
« Maxime, je ne savais pas que tu étais ici sinon je venais avec ton voisin Roger. Il dit que tu es pédé et que si tu nies il vas te prouver par A+B que c’est vrai ».
Compte tenu des pressions exercées sur lui par Roger, Maxime se décide à aller voir son bailleur pour expliquer la situation à son bailleur. Alors qu’il discute avec son bailleur, Roger débarque derrière lui et devient violent. Il menace de le battre. Il enchaine avec les insultes.
Prenant peur, Maxime s’enfuit et cherche à aller se refugier dans sa chambre. Jusque là, il est pris d’assaut par la femme et la fille de Roger. Ces dernières le bousculent en criant:
« Pédé oooh, pédé oooh, tu ne dors pas dans cette chambre aujourd’hui! ».
C’est une véritable émeute qui se crée avec l’afflux de la foule, et Maxime risque d’être lynché.
Pendant un mois, il résiste comme il peut, mais chaque jour, il doit essuyer un concert d’injures. Les voisins en question vont jusqu’à souvent le menacer de venir le débusquer dans ses lieux de regroupement avec ses semblables gays, et de lui « faire sa fête ». Entre temps, Roger ne faiblit pas dans son entreprise de menace. Au contraire.
Il se charge de faire pression sur la voisine de Maxime qui l’aide en conservant son poisson au frais. Roger indique à cette dernière, de cesser d’aider Maxime et la menace, si elle continue, d’aller raconter à la réunion dont ils sont membres, elle et lui, qu’elle héberge les homosexuels et fait la promotion de l’homosexualité.
Pire, c’est une véritable torture psychologique qui est infligée à Maxime. Son bailleur qui soutient l’attitude de son frère, lui suspend l’alimentation en énergie et lui interdit l’accès aux toilettes.
Roger ne s’arrête pas là. Il menace la dame qui loue à Maxime le local où il braise son poisson. Il lui dit de le chasser, faute de quoi, il rachetera tout l’espace.
Au bout d’un mois donc, devant tant d‘hostilité, Maxime est contraint de déménager. Son activité commerciale est stoppée, car la dame demande à Maxime de cesser de vendre à cet endroit.

Vue aérienne d’un quartier résidentiel dans le quartier Mimboman de Yaoundé au Cameroun. (Photo d’Afrique Presse)
Par la suite, Maxime prend contact avec l’association de défense des droits des LGBT Camfaids. Là-bas, on l’aide à porter plainte contre Roger, au commissariat du 16ème arrondissement à Mimboman.
Le jour de la confrontation, Roger ne se présente pas, mais se fait représenter par sa femme. Maxime essuie encore une frustration. Il demande à l’enquêteur en charge du dossier, Anicet Tama, comment gérer le refus de se présenter de Roger.
L’enquêteur lui déclare que tant qu’il n’apporte pas un certificat qui prouve qu’il n’est pas homosexuel, la confrontation n’aura pas lieu.
Maxime, conseillé par Camfaids, saisit donc un avocat. Mais il n’a pas les moyens de continuer la procédure judiciaire, car l’avocat demande 20.000 FCFA (environ $43) à Maxime pour mener les premières investigations. Comme il a perdu son commerce et vit en situation précaire, il ne peut pas payer.
Il est aussi devenu sans-abri. L’Association Affirmative Action, basée également à Yaoundé, l’accueille dans une chambre de refuge.
La vie de Maxime tourne aujourd’hui au ralenti. Lui qui avait son commerce vit comme un invalide. Les services des associations LGBT l’aident tant bien que mal à tenir et traverser cette situation.
Il a aussi pu bénéficier du soutien psychologique de la psychologue de l’association Humanity First. Mais sa vie continue de tourner en rond. Chaque soir, il redoute le lendemain, chaque matin, il ouvre les yeux, en se demandant comment rebondir, comment se reloger et reprendre une activité professionnelle, comment regagner son autonomie, sa dignité d’être humain.
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