Thierry Essamba, l’athlète suspendu de l’équipe du Cameroun en mai 2014, se bat en vain pour relancer sa carrière.

Thierry Essamba, le coureur dans le 110 mètres haies le plus rapide de tous les temps au Cameroun. (Photo de Thierry Essamba)
Championnats d’Afrique centrale organisé par le Cameroun, nous sommes le 8 aout à Yaoundé, quand le pauvre Thierry Essamba essuie un autre revers. L’on lui interdit une fois encore de prendre part à la compétition, au vue de sa radiation en 2014 de l’équipe nationale. Il confie avec des mots qui arrachent le cœur :
« Je me suis demandé si je n’étais plus Camerounais, j’avais tellement mal. Entendre l’hymne national retentir au stade, entendre ces paroles ‘O Cameroun, berceau de nos ancêtres,’ j’avais l’impression qu’on m’avait retiré du Cameroun, J’ai coulé les larmes. Je me suis senti exclu de ce pays que j’aime tant » .
Depuis que le Directeur technique national de l’athlétisme camerounais, Michel Nkolo, avait chassé Thierry de stade le 25 mai 2014, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Beaucoup d’événements y compris dans la vie privée du pauvre. Il est passé par une expulsion du domicile familial, a tenté de se suicider pour cause de dépression suite à une mauvaise campagne menée par une amie proche racontant à qui voulait l’entendre que Thierry est homosexuel et abuse des petits enfants. Au Cameroun, beaucoup de gens croient qu’être homosexuel signifie être un abuseur d’enfants, ce que Thierry n’est pourtant pas.
Se battant contre la fatalité que l’on lui veut lui imposer de cesser sa carrière, d’arrêter de pratiquer sa passion, Thierry a poursuivi les entrainements depuis tout ce temps. Il s’est battu pour son destin, en s’invitant à des compétitions pour faire ses preuves et espérer que sa légitimité de grand athlète soit restaurée au sein de l’équipe nationale du Cameroun.
Cette année, il a ainsi pris part à cinq compétitions, dont le meeting interclub, ou la finale départementale. Toutes des compétitions nationales.
Le fruit de toute cette détermination était là, puisqu’il a réalisé cette année, un autre record : 14,3 secondes, le meilleur chrono au Cameroun dans le 110 mètres haies au dernier meeting interclub en juillet 2015. Le précédent record national de 14,31 secondes a été fixé par Francis Kaméni en 1990.
En effet, il a réalisé un temps de 14,00 secondes comme minima de présélection pour les Jeux de la Francophonie en 2013, mais cela n’avait pas été officialisé par la Fédération camerounaise d’athlétisme. Thierry lui-même confie: « Le problème est même venu avec le DTN, Michel Nkolo. Le secretaire-général de la Fédération lui a demandé d’homologuer mon record, mais il refuse. Je ne sais pas le problème qu’il a avec moi » . On comprend que Michel Nkolo s’acharne sur Thierry à cause de son homophobie.
En 2013, Thierry a remporté une médaille d’or pour le Cameroun dans les championnats d’Afrique centrale à Brazzaville, au Congo, en remportant les 110 mètres haies avec un chrono de 15,92 secondes.
Thierry est passionné d’athlétisme, il est talentueux, comme le démontrent ses performances, mais son péché c’est d’être homosexuel, selon les dirigeants de la Fédération camerounaise.
Ce jour du 8 aout 2015, c’est encore le Directeur technique national Michel Nkolo qui donne l’interdiction que Thierry ne puisse compétir. Des officiels l’approchent dans la chambre d’appel de la course, et lui font comprendre qu’il ne peut pas courir, et que l’ordre vient du DTN. Lorsque Thierry approche ce dernier quelques instants plus tard, il le refoule tout bonnement, en lui disant qu’il n’a pas de temps.
L’on se souvient que Michel Nkolo avait déclaré en 2014 faire du cas de Thierry une affaire personnelle et que celui-ci ne pourrait plus jamais courir sous les couleurs du Cameroun tant que lui, Michel Nkolo, vivra.
C’est à ce stade que la carrière de Thierry, qui pourtant a encore de belles perspectives devant elle, est toujours bloquée. Il souhaite toujours aussi pouvoir être invité à ces compétitions internationales et y trouver un club.
En janvier, il avait bénéficié d’un aide d’un organisme international de protection des droits humains qui lui permis de se reloger, en payant une avance de loyer de six mois dans un studio. Pour aménager et avoir des frais de subsistance pendant six mois, le temps qu’il puisse rebondir sur le plan professionnel et sportif. Le temps que couvrait cette aide est passé, mais les perspectives sont toujours floues pour Thierry, son horizon sombre parce que pessimiste.
Mais sa passion pour l’athlétisme demeure entière et sa détermination à être un grand champion international, intacte.
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