Auteur : Erin Royal Brokovitch
L’auteur de ce commentaire est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.
Le 24 mai dernier, l’athlète Thierry Essamba était suspendu de la fédération camerounaise d’athlétisme suite à des rumeurs sur sa prétendue homosexualité. Trois mois après que son cas ait suscité l’émoi, Thierry a aujourd’hui le sentiment d’être seul face à lui-même.
« J’ai de plus en plus le sentiment que le ciel me tombe sur la tête, que tout se referme sur moi. »
A entendre Essamba dire ces mots, à le regarder souffrir de sa situation dans son être sans que l’on ne puisse rien faire, on se demande quel crime les homosexuels ont commis pour subir autant de souffrances ?
Lorsque l’affaire de Essamba éclate, il va chercher conseil et soutien auprès de l’association Humanity First Cameroon, une association camerounaise de prévention du sida et de la défense des droits de l’homme.
Les militants de cette association dénoncent publiquement cette choquante injustice commis contre lui. Les réactions sont immédiates. Elles viennent de toutes parts, de tous les coins du monde. A ce moment, l’espoir renait dans l’esprit de Essamba. Il réalise que l’élan de solidarité qui se manifeste vis-à-vis de lui peut donner un nouvel horizon à sa carrière.
Les militants des droits, et les personnes sensibles à sa situation, à travers le monde, mettent leurs réseaux en branle. Les représentations diplomatiques demandent des explications sur son cas.
Il y avait une opportunité de participer aux jeux gays aux Etats-Unis ce mois d’août, mais rien n’a finalement abouti; rien de concret ne se dessine.
Le temps est passé, un mois, deux, puis trois mois déjà, Essamba a le sentiment résigné d’être seul, face à son destin.
« Qu’est-ce qui n’a pas marché ? » se demandent-on du coté des militants. « On bouscule toujours pour aider Essamba à courir de nouveau, mais nos moyens d’actions restent limités », confient-ils.
Trois mois après la sanction, la crainte, c’est surtout que le cas de Essamba ne tombe pas dans les oubliettes. Ce serait un scénario traumatisant. Que ce soit pour la communauté des personnes sensibles à de telles injustices, ou pour la victime elle-même.
En effet, au niveau du Cameroun, la messe est dite. Il est utopique, voire impossible de voir Essamba à nouveau réhabilité au sein de l’équipe nationale. Car la fédération d’où provient la sanction est indépendante du ministère camerounais des sports et de l’éducation physique. Par conséquent, elle est souveraine dans ses pouvoirs.
La passion de Essamba c’est courir. C’est à cela qu’il a consacré sa vie depuis 18 ans.
Une action judiciaire le ramènera t-il sur les pistes ? On peut en douter. En tous cas, cette option couteuse en argent et en énergie, Essamba et ses soutiens ont préféré ne pas y recourir. Son souhait c’était, ça reste et ça demeure de pouvoir continuer à courir sous d’autres cieux.
Et cela parait nécessaire quand on voit dans quelle situation Essamba est depuis quelques temps.
Ce qu’il faut dire, en parlant pudiquement, c’est que le pauvre traverse une période sombre. Les événements ont un impact fort sur son lui, sur sa santé tant bien physique que mentale.
Lorsqu’au début du mois de juillet, il apprend que ses coéquipiers voyagent pour les jeux du Commonwealth en Ecosse, jeux dont il fut privé, il commence à sombrer dans la dépression.
Ses proches décrivent une personne découragée, dégoûtée par la vie. Et comme un malheur ne vient jamais seul, sa famille qu’il voulait tenir à l’écart de ce scandale l’a découvert il y a quelques semaines. Plutôt que de soutenir le malheureux dans cette épreuve, les jugements fusent de partout dans la famille. L’on estime que Essamba mérite sa suspension, parce que, selon eux, tout ce que l’on a toujours raconté à son sujet est vrai. A observer l’environnement familial, il se dégage une froideur dans les rapports. On perçoit bien que Essamba doit désormais, en plus, justifier son appartenance auprès de sa famille.
Rien n’y fait ! Essamba est sommé par sa famille, de libérer le foyer familial d’ici le mois de septembre.
Son plus proche ami raconte que Essamba lui a confié « qu’il est sur le point de craquer ».
C’est dans cet état déprimé qu’il appelle encore Humanity First Cameroon pour une aide psychologique. Un entretien est organisé avec Anne-Marie Manga, chercheuse en psychologie, qui a souvent apporté un soutien aux bénéficiaires de l’association et autres LGBT. Elle décrit une personne profondément affectée.
Essamba accuse le coup par rapport à tout ce qui lui tombe sur la tête. Malgré tout, il veut poursuivre sa passion. Continuer à courir.
Alors, tous autant que nous sommes, selon nos possibilités, aussi minimes soient-elles, Essamba nous lance un cri du cœur. Il fonde tous ses espoirs sur la communauté de personnes qui veulent tordre le coup aux injustices homophobes qui n’en finissent pas de faire des ravages.
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