par Albert Ogle
Rédaction en français par Mike Nicholson et Denis LeBlanc
Dans la rubrique RGOD2, qui est apparu d’abord au San Diego Gay & Lesbian News, le chanoine Albert Ogle discute:
- Les défis de l’apprentissage de la langue française,
- Le meurtre du journaliste-militant francophone Éric Lembembe, il y a un an, et
- Stratégies pour défendre les droits humains des personnes LGBTI et francophones en Afrique, y compris notre nouveau blog, 76 crimes en français (actuellement en version bêta).
Le français était ma matière la plus dédaignée à l’école. De 11 à 16 ans, comme anglophone, j’ai eu du mal à maîtriser un autre monde et culture. Je bégayais aussi. Il m’était assez difficile de parler l’anglais cohérent. Dans les années 1970, on enseignait le français avec les bandes audio expérimentales et les diaporamas et aussi pour obliger que les étudiants lisent à haute voix dans la salle de classe – ma plus grande crainte!
C’était assez pénible de lire à haute voix dans ma propre langue, encore plus un autre ! Je redoutais et détestais ces moments dans la semaine où je devais assister à la classe de français. Mlle McGuggan était peut-être la pire enseignante que Dieu pourrait nous avoir envoyé. Pourquoi est-ce que les autorités éducatives permettent que des personnes clairement mal à l’aise autour des enfants deviennent enseignantes ? Elle n’aimait pas les enfants, sauf quelques favoris qui allaient en vacances de ski, de Belfast aux Alpes françaises. Alain était son favori, et Albert était sa croix.
McGuggan commençait souvent sa classe de 35 minutes en ouvrant toutes les fenêtres de la salle et nous dire qu’on puait! Cela n’encourageait point un environnement de pédagogie respectueux – c’était le contrôle par l’humiliation qui pourrissait l’âme. Elle était vraiment très détestable! De tous mes professeurs, elle était le défi ultime. Je me demande si elle aurait vu l’avenir elle-même, si elle aurait été un peu plus compréhensive et gracieuse, puisque certains de ses élèves les plus difficiles ont effectivement appliqué ce qu’elle leur a enseigné au monde réel. Pourtant, c’était assez traumatisant d’être en sa présence que j’ai échoué l’examen « O Level » en français à l’âge de 16 ans.
Dans le système pédagogique britannique à l’époque, avec un tel échec à un niveau élémentaire, il serait difficile d’être considéré pour une université et de faire quelque chose de ma vie. Si je pourrais aller à l’université, je serais le premier de ma famille pour pouvoir faire ainsi. McGuggan était ma « bête noir » et mon apprentissage du français devenait une sorte d’étirement spirituelle, sur laquelle mon avenir et celui des autres dépendrait. Je ne le voulais pas et ne le savais pas, à l’époque.
Défis
Donc, tout simplement passer l’examen de français «O Level» étais devenu un défi énorme et bouleversant pour Albert de 16 ans. Si je ne pouvais pas faire preuve de compétence dans une autre langue, il aurait été difficile d’être considéré pour l’université. Ma solution était de m’immerger dans la culture française. Alors un ami d’école et moi sommes partis pour une aventure de deux mois à Troyes, près de Paris. Ian a trouvé un emploi chez un marchand de fruits et vin pendant que j’ai fini dans une usine de chaînes. Yves, le patron d’Ian étai très grand et heureux chef français qui était très gay. Nous étions trop jeunes de le savoir, mais moi, je le savais.
Alors qu’Ian était entouré de la meilleure cuisine de la région, je coupais des chaînes en métal toute la journée. Les soirées, c’était avec une communauté œcuménique française qui s’appelait Copainville qu’on s’occupait. C’est là où j’ai rencontré mon premier. Nous célébrions la communion autour d’une table et c’est là que connu mon premier prêtre-ouvrier (un autre Yves) qui travaillait la semaine à Paris et les week-ends, il se rendait à sa communauté de jeunes spirituellement vivante. Ils ont envoyé des missionnaires de la paix et de la réconciliation «deux par deux» à toutes les zones troublées du monde … même en Irlande du Nord.
Ma première véritable introduction aux réformes du catholicisme provenant de Vatican II était à Copainville et c’était SUPER ! J’y ai fait la connaissance de deux des missionnaires de Copainville dans ma communauté locale qui se déchiraient en raison de la violence sectaire. Je devais améliorer mon français et aller à l’université, et ils m’ont présenté à cet autre monde incroyable. Je ne serais jamais arrivé en France si je n’avais pas échoué l’examen «O Level» en français. Ce qui commence avec notre plus grande faiblesse ou avec un sujet que nous redoutons peut souvent devenir notre force et nous transporter vers un autre monde. À la fin de l’été, Ian et moi avons fait une expérience multiculturelle et œcuménique incroyable et nous sommes rentrés à l’école une semaine plus tard, bronzés. J’ai aussi passé l’«O Level» français, à mon grand étonnement. Nous avons tous grandi cet été là, à l’étranger, mais je ne me rendais toujours pas compte comment formateur ce serait.
Trouver sa force par sa faiblesse
Ma plus grande faiblesse (apprendre une langue et culture différente) allait devenir ma plus grande bénédiction, et j’ai eu besoin de plusieurs années pour arriver à cette conclusion. En tant qu’Irlandais, je me suis retrouvé de retour en France plusieurs fois, et même mon cousin le plus proche en est fini à Paris pour y travailler pour Louis Vuitton ! Donc, j’ai découvert une raison plus personnelle pour laquelle j’ai dû supporter le professeur de français Mlle McGuggan et pour laquelle elle a dû supporter les enfants comme moi. Donc j’ai découvert une raison plus personnelle pour laquelle j’ai dû endurer la professeure de français Mlle McGuggan et elle a dû souffrir des enfants comme moi.
Dans ma vie, on a témoigné la création de l’Union Européenne, et les Irlandais et les Français ont découvert que nous avons plus en commun que nous avons appris à l’école. Donc, pendant des années, visiter la France et pratiquer la langue française est devenu une grande partie de ma vie. J’aime la France, j’ai visité plusieurs régions, fait des balades à vélo en Provence, aux champs de bataille et aux musées de la paix en Normandie. J’ai visité le siège de l’UNESCO à Paris et un certaine année, j’étais consultant expert pour l’UNESCO au sujet du patrimoine mondial . . . quelque chose que je n’aurais jamais imaginé à 16 ans et, que mon professeur bizarre de français n’aurait jamais imaginé non plus ! Pourtant, je ne devais pas entièrement réaliser le sens de tout cela, jusqu’à récemment.
Une communauté LGBTI francophone perdue
Le 14 juillet a marqué le premier anniversaire de l’assassinat tragique d’Éric Lembembe du Camfaids. Il était un des principaux francophones africains du mouvement LGBTI au niveau international, et le destin nous a réunis en 2012 lorsqu’il a été choisi par le Comité Consultatif de la Fondation de Saint Paul pour représenter le Cameroun à la Conférence Internationale du SIDA en 2012 à Washington, DC.
L’ambassade américaine au Cameroun ne lui accorde pas de visa et donc il ne pouvait pas y participer. Au lieu de cela, Lembembe et mon bon ami Colin Stewart ont collaboré sur 34 articles et, comme collègue journaliste, il a exposé beaucoup de corruption et d’injustice dans son pays. Son expertise professionnelle lui a aussi coûté sa vie. Les journalistes travaillant encore dans une des professions les plus dangereuses de la planète.
La réponse du gouvernement camerounais reste très décevante. L’assassinat d’Éric reste non-résolu et il n’y a aucune volonté politique au Cameroun ou en Afrique pour consacrer beaucoup plus de temps et de ressources à résoudre ce mystère. L’ancien Archevêque Catholique était également autorisé à accuser la communauté gay de crimes contre l’humanité dans son sermon de Noël 2013, sans aucun recours du Vatican. Malgré nos plaintes écrites formelles déposées auprès du Conseil Pontifical pour la Famille au Vatican et au Nonce Apostolique au Cameroun, il n’y a pas eu de réponse, ni de commentaire sur la mort d’Éric, ni de la collusion de l’Église concernant la propagande contre la communauté qu’Éric servait au nom du Christ.
Eric était un Catholique pratiquant et son assassinat est aussi important que n’importe quel archevêque salvadorien ou missionnaire religieux. Ce genre de sacrifice ne quitte jamais la mémoire collective des fidèles, même si la victime est gay. Le Vatican et le gouvernement camerounais sont des partenaires silencieux dans une hypocrisie qui se fera connaître un jour. De même, en tant que chef religieux, mon conseil à tous ceux qui aiment et respectent Éric, c’est d’essayer d’aimer les questions. Il n’y a pas de réponses, même un an plus tard.
Une courbe d’apprentissage difficile
Au cours de la dernière année, Colin et un autre ami journaliste qui s’appelle Andy Kopsa et d’autres ont tous été entraînés dans cette tragédie internationale et nous avons beaucoup appris du travail d’Éric et de son sacrifice ultime. Camfaids nous a demandé de faire la récolte de fonds pour son enterrement. J’étais déconcerté que plusieurs organisations qui font partie du réseau international des droits humains n’ont pas répondu à notre appel.
La porte donc s’est ouverte à un monde dont je connaissais peu – l’Afrique francophone— et un encore plus petit monde — celui des Africains francophones LGBTI. Avec d’autres partenaires, nous avons recueilli l’argent pour qu’une délégation du Cameroun participe à la Commission des droits de l’homme et des peuples de l’Union Africaine afin de tenir le gouvernement camerounais responsable de sa négligence dans l’enquête sur l’assassinat d’Éric. Plus tard, la communauté camerounaise nous a invités à faire le lien entre l’oppression des LGBTI et la subordination des femmes par les religieux conservateurs lors d’une conférence internationale sur les droits sexuels.
Le problème de traduction reste un obstacle sévère pour les militants et les organisations francophones pour rester au courant de questions affectant les politiques et stratégies du VIH.
J’ai beaucoup appris l’année dernière suite à cette rencontre avec les martyres LGBTI. J’étais très proche de l’histoire de l’assassinat de David Kato en Ouganda ; j’étais un des premiers occidentaux à faire un rapportage au SDGLN sur les événements y compris son enterrement. Mais l’assassinat d’Eric n’a jamais atteint le niveau de tumulte international de l’assassinat de David. Profitons de ce moment pour nous demander : pourquoi est-il ainsi ?
Qu’en est-il de l’Afrique francophone ?

Des militants de Camfaids rendent visite aux prisonniers LGBTI à la prison centrale de Yaoundé (Photo de Andy Kopsa)
Nous nous engageons pour assurer que l’Afrique francophone ait autant d’exposition et de ressources pour les questions LGBTI et pour la santé que par exemple, les organisations de l’Afrique de l’Est. Nous accueillons des partenariats avec des organisations comme REDHAC (qui soutient les défenseurs des droits humains dans neuf pays de l’Afrique centrale) et de Camfaids, qui réalise actuellement un ministère aux prisons, indispensable pour les personnes LGBTI incarcérées par le système de justice pénale et abusif du Cameroun. Nous travaillons avec les militants à la base et nous écoutons pour connaître leurs besoins. Nous discutons d’une nouvelle initiative avec Qualcomm, une des principales sociétés à San Diego, qui créerait un centre de ressources Web nommé en honneur d’Eric, en partenariat avec les organisations de la région pour aider la communauté francophone à se concentrer sur leur travail très difficile. Je n’avais jamais pensé que le français serait aussi important pour mon travail et mes valeurs, jusqu’à maintenant.
Donc, si vous vous retrouvez à l’école ou au travail ayant des difficultés avec une matière ou une personne ou encore une question que vous détestez totalement, soyez très prudent, s’il vous plaît, de ne pas sous-estimer ce que cela pourrait signifier pour votre vie et vos travaux. Cela est certainement vrai, par mon expérience. Je pensais que le français serait largement sans rapport dans ma vie et pour mes valeurs, mais à 16 ans ou même à 21 ans, je n’avais aucune idée de l’importance de cette autre langue. Je n’avais jamais pensé que je serais un pont important entre un mouvement naissant pour la justice, l’accès aux services de santé et la diminution de la pauvreté avec cette communauté internationale francophone.
Il y a quelques mois, notre blog – Erasing 76 crimes – sans subvention ni financement, est devenu bilingue, français-anglais . . . merci à Denis LeBlanc d’Ottawa au Canada et à Colin Stewart de la Californie aux États-Unis, de leur engagement à la communauté francophone négligée, particulièrement en Afrique. Il existe de nombreuses organisations avec plus de ressources que la nôtre, mais pour des raisons hors de ma compréhension, cela’est pas une priorité. A l’anniversaire de la mort d’Eric, nous pouvons tranquillement considérer : pourquoi? Nous pourrions aussi nous demander comment pouvons-nous passer à l’étape suivante? Si tout le monde fait cela, comment est-ce qu’on pourrait rendre disponible votre organisation et ses matériaux dans une autre langue, tel le français? Comment pourraient les Africains les plus négligées et les plus vulnérables qui parlent une langue autre que l’anglais se mettent au courant, par exemple, sur des questions comme le VIH? Comment en faire de plus par ces organisations les plus grandes – et qui ont le plus de ressources – avec des liens à la communauté francophone ?
L’intégration de la totalité de notre parcours de vie
Je détestais d’apprendre le français comme écolier. Mais si j’avais l’occasion d’embrasser ce gamin de 16 ans qui essayait courageusement d’être un meilleur être humain, que pourrais-je lui dire de mon point de vue et de mon expérience aujourd’hui, en tant qu’homme de 60 ans? Nous n’avons aucune idée comment nos forces et même nos faiblesses sont construites dans la grande économie de Dieu. Il peut prendre toute une vie pour le comprendre, mais je sais que Mlle McGuggan et moi étaient convoqués à une vie d’apprentissage à aimer ce qui nous avons détesté ou craint le plus. Vous ne savez jamais quand quelque chose que vous détestez ou dont vous avez peur peut être utile. Donc, il faut faire attention à qui et à quoi vous craigniez. Vous pouvez tout simplement vous préparer pour un avenir dont vous ne pouvez même pas imaginer.
Cette lutte mondiale pour l’égalité et la dignité LGBT exige que nous sortions de nos zones de confort et de voir la vie comme un processus d’apprentissage continu.
***
RGOD2, est écrit par le révérend Canon Albert Ogle de la cathédrale Saint-Paul à San Diego. Il regarde la foi et la religion d’un point de vue LGBTI. Ogle est connu autour du monde pour son travail de soutien des droits LGBTI et pour ses efforts de prévention du VIH. Il est président de la Fondation Saint-Paul pour la Réconciliation Internationale. Faire le CLIC ICI pour offrir un don à l’organisation.
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