Afrique subsaharienne

Sénégal : polygamie, homosexualité, à qui profite la polémique autour de la dernière sortie de Mediapart ?

Notre confrère de Mediapart, Clair Rivière, a rédigé lundi dernier un article détaillé consacré au programme politique, économique et social du nouveau chef de l’Etat sénégalais, Bassirou Diomaye Faye. A cet effet, il a retranscrit des propos tantôt élogieux tantôt critiques issus des témoignages de divers militants ou universitaires rencontrés sur place.

Toutefois, en dépit d’un article journalistique tout à fait équilibré, de nombreuses personnes n’ayant pas eu accès à cet article payant se sont déchaînées sur la fin de la phrase d’accroche en dessous du titre : « Mais son ambiguïté sur la place des femmes et des homosexuels interroge ». Une polémique brûlante avec des relents anti-français, qui illustre le caractère éminemment sensible des questions en lien avec les rapports de genre et l’homophobie au Sénégal. Pour 76crimes, Sadio Dupuy Des Islets (pseudonyme), un défenseur des droits humains, nous livre son analyse.

A gauche, Absa Faye, au centre Bassirou Diomaye Faye et à droite, Marie Khone Faye

Sadio Dupuy Des Islets : « Les réactions de la presse sénégalaise à l’article de Mediapart ont donné lieu à un amalgame préjudiciable entre la défense de la polygamie et le rejet l’homosexualité au Sénégal, dans une sorte de confusion dans l’opinion publique entre les deux débats qui se télescopent, mais qui n’ont rien à voir.

Quelques réactions sur X suite à la publication par Edwy Plenel de l’article de Clair Rivière

Plus exactement, la polygamie polygyne ne se traduit pas nécessairement par une menace prévalent sur la liberté des femmes, dans la mesure où il s’agit d’une pratique patriarcale minoritaire qui ne concerne qu’un ménage sénégalais sur 3 en 2018 (35,8% selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie du Sénégal). De plus, elle est loin de correspondre à une contrainte systématique faite aux femmes devant prendre pour époux un homme plus âgé. Sans nier qu’il puisse exister des cas où les femmes se voient forcer contre leur gré de vivre une situation de polygamie, ce qui demeure inacceptable, il serait totalement caricatural d’y voir une norme. En ce sens, je trouve qu’il y a un biais féministe et un peu raciste à voir dans la bigamie du nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, une oppression faites aux femmes, dans la mesure où ses deux épouses consentent à cette union, avec libre-arbitre et de façon éclairée.

On retrouve un peu les mêmes travers avec la question du voile islamique en France dans l’espace public, quand certaines féministes y voient un signe de perte de liberté envers les femmes, ainsi qu’un symbole de soumission au patriarcat, là où d’autres revendiquent la liberté de pouvoir le porter. A mon niveau, en tant que défenseur des droits humains, mon discours est sans ambigüité et je serai toujours du côté de la liberté et contre toute forme de diktat, surtout quand cela vient de l’étranger ou de l’international.

En revanche, la situation faite aux personnes LGBT+ au Sénégal n’a rien à voir avec le débat autour de la polygynie et les homosexuels au Sénégal vivent bel et bien une situation d’entorses extrêmement graves faites à leurs libertés fondamentales, comme celles de se voir ou de se réunir et de s’amuser même dans un cadre privé. D’ailleurs, l’article 319 alinéa 3 du code pénal stipule que quiconque aura commis un « acte impudique ou contre nature » avec un individu de son sexe, sera passible de 5 ans de prison et de 1,5 million de francs CFA d’amendes (2500 euros).

Enfin, on remarque que l’homophobie et le rejet du féminisme sont exploités à dessein par certains pour exprimer un sentiment anti-français, là où un simple correspondant de presse ne fait que retranscrire les mots et les phrases de ses interlocuteurs locaux. Quant aux autorités françaises et au Quai d’Orsay, ils ne disent mot et ne s’immiscent pas dans la liberté de la presse ».

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