Afrique subsaharienne

RD. Congo : le député Mutamba lève l’ambiguïté autour de la question du rétablissement de l’esclavage

Constant Mutamba Tungunga

Dans une récente vidéo en date du 11 avril sur le réseau social X, Constant Mutamba qui souhaite voir criminaliser l’homosexualité en République Démocratique du Congo précise ses intentions. Il réaffirme notamment son désir de voir les homosexuels incarcérés de 5 à 10 ans de prison et lève ainsi l’ambiguïté autour de la question du rétablissement de l’esclavage pour les personnes LGBT+ qui avait nourri de multiples inquiétudes, autant que de l’incompréhension.

Pour 76crimes, un journaliste, un juriste et un directeur d’association ont accepté de livrer leurs impressions.

Vous pouvez signer une pétition contre cette loi ici.

Moyo Pambou (journaliste kinois sous pseudonyme) : « Constant Mutamba est un jeune député de 35 ans qui a de l’avenir devant lui. D’ailleurs, il est arrivé 6ème parmi les 26 candidats à s’être présentés lors de la dernière campagne des présidentielles de décembre 2023 (NDLR : son score a été de 0,2% des suffrages exprimés).

Mutamba et ses soutiens sur les réseaux sociaux avancent l’idée d’un complot homosexuel contre la société congolaise qui prendrait la forme d’un contrôle total de l’appareil productif et politique du pays, puisqu’en échange d’une promesse d’emploi, les jeunes congolais seraient contraints de s’initier à l’homosexualité la plus avilissante, au point où plus aucun secteur de la société ne serait épargné par ce « fléau social ».

La mise en servitude est rapidement évoquée pour réprimer l’homosexualité

Dans ce contexte la proposition de loi criminalisation de l’homosexualité viserait à « protéger » la société congolaise, tout en apportant des opportunités professionnelles aux jeunes chômeurs, privés de travailler dignement à cause des personnes LGBT+ qui biaisent les processus de recrutement au profit de membres de leur communauté, notamment dans les entreprises étrangères, mais aussi au sein des institutions et des entreprises publiques.

Dans l’opinion congolaise, la majorité des gens applaudissent des deux mains cette initiative et louent le courage, l’audace et la détermination d’un politicien perçu par certains comme brillant et ambitieux. De toute façon, il est risqué de contredire cette proposition de loi en public pour les défenseurs des droits des personnes LGBT+. Aussi, personne n’ignore également les obstacles auxquels Constant Mutamba sera confronté, dès qu’il est question de toucher à cette communauté. En effet, certains caciques du parti au pouvoir sont eux-mêmes des homosexuels ».

Lors de sa dernière intervention sur X, Mutamba associe la lutte contre l’homosexualité à la bonne gouvernance et assure que l’homosexualité est la cause de la « dislocation des familles » (minute 17’00) qui « divorcent », ainsi que la source des « faillites d’entreprises » à travers le pays (minute 21’56). Il poursuit en assurant que le fait de placer les homosexuels en « détention » (NDLR : et non en situation d’esclavage comme pouvait le laisser entendre l’emploi du mot « servitude » dans sa proposition de loi) doit servir à régénérer la « méritocratie » (minute 18’00) en République Démocratique du Congo.

Mandou Beaupein (juriste ayant préféré opter pour un pseudonyme) : « J’ai lu la proposition de loi de Constant Mutamba et j’y vois une gesticulation homophobe de la part d’une personne qui souhaite être désignée ou perçue à Kinshasa, comme le chef de file de l’opposition, face à Félix-Antoine Tshisekedi, l’actuel président de la république.

Le fait d’instrumentaliser la question LGBT+ permet d’agiter et d’exciter la population, afin de grimper en popularité à peu de frais. C’est une stratégie populiste classique, hélas déjà maintes fois éprouvée en de nombreux pays, avec le soutien des Églises et des cultes en général.

(Source @ConstantMutamba sur X)

Concernant la « servitude pénale », il s’agit en République Démocratique du Congo du vocable judiciaire employé pour pouvoir désigner la peine à de la prison ferme, par opposition à la peine de prison avec sursis. Néanmoins en regard des intentions du député qui est à l’initiative de cette proposition de loi, il n’est pas surprenant que l’usage du mot « servitude » ait crée toute une commotion auprès de la communauté des observateurs des droits humains.

En tant que juriste, cette proposition de loi est totalement à contre-courant des récentes lois adoptées contre les violences basées sur le genre. Je pense notamment aux articles 174p, 174u et 174w de l’ordonnance de loi N°23/023 du 11 septembre 2023 modifiant et complétant le décret belge du 30 janvier 1940 de notre code pénal.

Aussi, au Congo, nous avons l’article 16 de la loi 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la santé publique qui proscrit toute forme de discrimination dans le domaine de la santé. Autant de garde-fous qui devraient empêcher que cette proposition de loi ne soit examinée au parlement comme ce fut déjà le cas face à de pareilles initiatives en 2010 et 2014″.

En attendant, Jérémie Safari, qui dirige Rainbow Sunrise Mapambazuko, une association de défense des droits des personnes LGBT+ à Bukavu, dans le Sud-Kivu, observe que « la proposition de loi de Constant Mutamba n’a pas encore été déposée au parlement », tout en se tenant prêt « à réagir aux côtés d’autres organisations de la société civile congolaise si besoin », car l’instigateur de cette offensive homophobe « semble très engagé ».

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