Afrique subsaharienne

La police camerounaise accuse un jeune d’homosexualité

Par Erin Royal Brokovitch – L’auteur de cet article est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.

Yaoundé 1

Yaoundé, la capitale du Cameroun (Photo de Wikipedia)

Depuis lundi le 17 novembre, A.H, 22 ans, est placé en garde à vue, après que le dénommé Serge lui ai tendu un piège. Il est environ 3 heures de l’après-midi lorsqu’A.H se rend au deuxième rendez-vous qu’il a avec un correspondant de trois mois sur Facebook.  Samedi le 15 novembre était en fait la première fois que les deux se rencontrent. Ce jour, il est sensiblement 10 heures du soir. La rencontre sera brève.

Le piégeur, Serge, donne donc à nouveau rendez-vous à A.H ce lundi après-midi. Une fois sur place, il demande à A.H sa pièce d’identité pour vérifier son identité.  A.H lui donne néanmoins, une ancienne carte d’élève. C’est alors que Serge l’entraine au commissariat le plus proche, au 14ème arrondissement à Ekounou, à Yaoundé.

Il y accuse A.H de harcèlement sexuel.

Telle une bande de charognards, les policiers se ruent sur ce cas et mettent ‘’le rouleau compresseur anti homosexuel’’ en marche. Le téléphone d’A.H est saisi, l’enquêteur et le commissaire ne se privent pas d’espionner les messages d’A .H pour détecter des preuves de son homosexualité. Le commissaire va même jusqu’à entrer dans le répertoire d’A.H pour appeler ses contacts, en se faisant passer pour un gay ! Tout ceci pour forcer des preuves de ce dont on accuse A.H

Humanity First logo

Humanity First logo

Il questionne A.H en le forçant presque d’admettre qu’il est homosexuel. La famille d’A.H apprendra de Serge quelques heures plus tard, qu’il a avoué aux policiers qu’il est homosexuel, qu’il le pratique depuis quatre ans, et que sa famille est au courant.  Ceci compromet dangereusement sa défense, du point de vue du militant de l’association Humanity  First Cameroon  qui suit ce cas.

Or, après qu’A.H soit placé en garde à vue, autour de 7 heures du soir, l’on s’entretient avec lui, et il révèle qu’il n’a absolument pas avoué quoi que ce soit, au contraire, il a nié en bloc tous les faits à lui reprocher.

A l’évocation du conseil de l’avocat Maître Michel Togué, l’on est tenu très à l’écart par l’enquêteur du dossier, l’officier de police Komono Joseph, qui refuse systématiquement que l’on puisse s‘entretenir avec la victime A.H.

A.H, un jeune homme sans problème, passe ainsi la nuit en cellule parce que les policiers « ripoux » ont flairé le cas qui va leur rapporter gros, comme ils en ont l’habitude, quand il s’git d’une affaire impliquant un homosexuel.

Mardi le 18 novembre, c’est à une véritable machination de l’unité du 14ème arrondissement que l’on assiste.  Ayant, en effet, obtenu, avec la famille d’A.H, la promesse de désistement de Serge, lorsque cette hypothèse est évoquée devant l’enquêteur, il refoule les deux parties et leur demande d’ « aller loin avec ces histoires ». Il demandera par la suite à la maman d’A.H que quand bien Serge se désisterait, qu’en est-il du ministère public ?

Le ton de l’acharnement des policiers est ainsi donné. Même si Serge va au bout de son désistement, le parquet se constituera en partie civile pour poursuivre A.H, car, comme l’enquêteur dit à la maman d’A.H, « votre fils est homo, c’est très grave ».

Lorsque l’avocat arrive au commissariat autour de midi, il a d’abord, après échange avec l’enquêteur qu’au vu de la promesse de désistement du plaignant, l’impression que l’affaire sera rapidement réglée. L’on l’invite à tempérer son enthousiasme, fort des éléments observés par nous, et par la famille depuis le matin. Effectivement, quelques minutes plus tard, on assistera avec effarement, à un réel show de violation grave de la loi auquel se livreront les policiers de cette unité.

Le fil des événements :

Maître Togué, se rappelle qu’il ne s’est pas entretenu avec la victime  A.H et revient sur ses pas pour le faire. Il va alors vers l’enquêteur Komono Joseph pour demander à rencontrer son client. L’enquêteur donnant l’impression d’accéder à cette requête légitime, l’oriente vers les éléments chargés de surveiller la cellule pour que l’on lui permette de discuter avec son client.

Rendu vers la policière qui détient les clés de la cellule, cette dernière s’oppose à Maitre Togué, que c’est à l’officier Komono Joseph d’instruire qu’elle ouvre la cellule. L’avocat lui fait comprende que c’est effectivement cet officier qui demande que l’on lui donne accès à son client, la dame se braque. Tous repartent donc vers l’officier.

Coup de théâtre, il déclare désormais à l’avocat, « qu’il ne s’occupe pas des cellules ».

Maître retourne avec la dame vers son secteur, et insiste, fort de la loi, à rencontrer son client. L’élément lui oppose alors que le commissaire a donné l’instruction de ne permettre en aucun cas, que le détenu A.H précisément ne communique avec personne.

L’avocat fait valoir la loi et le droit pour un détenu de discuter avec son avocat. Un autre officier présent révéle alors « qu’il peut arriver qu’un commissaire force la loi », et fasse régner sa volonté dans son unité. Finalement, Maitre Togué, ne rencontrera pas son client A.H.

L’officier admet et assume une violation du code de procédure pénale camerounais. Comprenant que « ce sera plus chaud » qu’il ne le pensait, il s’en réfère au procureur avec lequel il est en pourparlers depuis. Par cette scène, l’intention du commissaire et des autres éléments de cette unité de manipuler ce dossier à leurs fins, est désormais très claire.

Quelques minutes plus tard, Serge, l’accusateur se ramène avec sa lettre de désistement. Coup de théâtre encore, l’enquêteur Komono Joseph, essaie de l’en dissuader, en voulant influencer sa décision. Il lui dit entre autres choses, que la partie de la défense a fait venir un avocat pour « faire pression sur le dossier ». Serge est alors embarrassé. Il revient demander des explications au militant de l’association, aux cotés de la famille d’A.H.

L’enquêteur se sera enfermé pendant plusieurs minutes avec le plaignant Serge. Il aura tenté une énième confrontation, visiblement pour extirper un élément de faute qui l’amènerait à retourner l’issue de l’affaire, face à la volonté de Serge de se désister. Finalement, Serge déposera sa lettre de désistement, mais avant de s’en aller, l’enquêteur tentera une ultime fois de lui retourner le jugement, en discutant avec lui pendant qu’il le raccompagne. Une telle courtoisie entre un enquêteur et le plaignant en dit long sur les motivations de la police…

Toute cette machination a finit de confirmer les attitudes bizarres de la police camerounaise dont les éléments se comportent comme une réelle mafia. Car en effet, au lieu d’être les garants de la loi, les forces de police agissent comme un vrai gang, quand il s’agit surtout d’affaire concernant l’homosexualité. Ceci, en tordant le cou à la loi qui ne condamne que l’acte sexuel avéré et établi entre deux personnes de même sexe. Profitant alors de la loi répressive pour l’exploiter à leurs fins mercantiles.  Or, comme dans d’autres cas, il n’a jamais été question du moindre acte sexuel entre A.H et son bourreau Serge. Peu importe pour la police.

Attendons alors voir l‘issue de cette affaire, quand on sait aussi que la police a évoqué de demander auprès de l’opérateur de téléphone, le listing des conversations entre A.H et Serge, pour démontrer l’homosexualité et le harcèlement d’A.H.  A voir l’acharnement du commissaire, l’avocat estime à raison, qu’il voulait en faire, « l’affaire du siècle ».

En attendant, A.H passera une deuxième nuit en cellule.

Dure, dure, la vie des homosexuels au Cameroun !

3 réflexions sur “La police camerounaise accuse un jeune d’homosexualité

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