L’alerte généralisée est sonnée pour obtenir la libération des détenus de Kondengui
Auteur : Erin Royal Brokovitch

Trois avocats(de gauche à droite: Michel Togué, Alice Nkom et Saskia Ditisheim (Photo de Saskia Ditisheim)
Depuis quelques jours, la communauté LGBT Camerounaise, et particulièrement celle de Yaoundé, vit à nouveau le traumatisme de la persécution orchestrée par les forces de maintien de l’ordre.
C’est à un véritable branle-bas que l’on assiste depuis le 1 octobre, au sujet des 7 personnes arrêtées de façon illégale et placées en détention à la brigade du quartier Kondengui.
Le mouvement activiste camerounais s’est mobilisé depuis lors pour éviter que le pire — c’est-à-dire l’emprisonnement au prétexte d’homosexualité — ne se produise.
Mercredi soir, le 1 octobre, un membre de l’association Humanity First Cameroon, saisi par l’ami d’un détenu, prévient le responsable des droits humains de cette association.
Un signalement de ce cas est envoyé illico presto aux autres associations LGBT camerounaises, aux partenaires internationaux, et aux avocats.
Tous les sept sont accusés de la prostitution et l’homosexualité. Pourtant, tous n’ont pas été appréhendés de la même façon.
L’un d’eux, connus dans la communauté sous le pseudo Naomi, et cinq autres furent en effet arrêtés au domicile d’un ami.
Premier vice de procédure, car du point de vue de la constitution camerounaise, le domicile est inviolable.
L’autre connu sous le pseudo Dolorès n’est pas parmi ceux qui sont appréhendés dans la maison. Suite à l’appel de son ami Naomi, il se précipite pour lui apporter à manger. C’est alors que l’officier qui le reçoit le met aux arrêts, arguant qu’il est lui aussi homosexuel, parce qu’il porte sur lui des vêtements féminins.
Autre vice de procédure, car au-delà, des conditions de l’arrestation, sur quelle référence légale se fonde l’accusation ? L’identité de genre n’est pas condamnée par la loi camerounaise.
Maintenant les sept restent détenus.
Encore un autre vice de procédure, parce que dans le code de procédure pénal en vigueur au Cameroun le détention ne doit pas excéder 48 heures.
L’avocate Saskia Ditisheim, présidente de l’association Avocats sans frontières suisse, dit à propos de ce cas :
« La police n’a pas hésité à commettre une infraction en violant le domicile prive d’un suspect et en préparant minutieusement son coup de filet. C’est véritablement une chasse aux sorcières qui doit cesser car elle est insupportable.
« Aux côtés de Me Alice Nkom et Me Michel Togué, nous avions obtenus en janvier 2013, l’acquittement de deux des sept personnes arrêtées [le 1 octobre]. Cette nouvelle arrestation est intolérable . Nous demandons leur relaxe immédiate ».
Comme pour d’autres cas, entre temps on découvert que la motivation de l’homophobie, et ne pas le loi, sous-tend les arrestations. Bien que l’intimité de même sexe en flagrant délit est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison, l’homosexualité n’est pas illégale en vertu de la loi camerounaise.
Mais souvent la police et les tribunaux continuent à agir comme si l’homosexualité était elle-même illégale. Deux exemples parmi beaucoup d’autres: le cas de Roger Mbede, condamné à trois ans de prison pour avoir envoyé un texte amoureuse à un homme de sa connaissance, et les cas de Dolorès et Naomi, qui avaient été condamnés à cinq ans de prison après que le juge les a déclarés comme étant homosexuels parce qu’ils ont bu la liqueur Baileys (un verdict annulé le janvier 2013).
Encore maintenant, cette justice se déploie au forceps à vouloir incriminer des personnes sans problème, et démontrer le crime où il n’existe pas.
Le lendemain le 2 octobre, sur place à la brigade de Kondengui, alors que des militants demandent à les rencontrer, en donnant notamment le nom de Dolorès que l’on aperçoit, l’officier demande si s’il s’agit d’une femme ou d’un homme.
Poursuivant, il demande « si l’on cautionne le fait qu’une personne s’accoutre ainsi ». Il est bien embêté lorsque l’on lui demande si c’est donc en effectivement en vertu de leur apparence que Dolorès et les autres sont détenus.
Un autre phénomène confirme aussi l’acharnement que les forces de l’ordre ont contre les homosexuels :
À chaque fois que Dolorès parait, des commentaires méprisants fusent de la bouche des officiers.
Pour eux, les homosexuels sont des bêtes de cirque dont ils bafouent la dignité pour amuser la galerie.
Cet après-midi là, dès que Dolorès parait, on entend des rires moqueurs. Un officier qui dit à un autre: « C’est un homosexuel, c’est un homme ! ». « Franchement le monde va mal ».
Ou quand c’est plus dur « Il doivent être déférés, c’est intolérable ».
En compagnie de deux avocates, collaboratrices de Me Michel Togué, l’on quitte la brigade de gendarmerie, le 2 octobre, les avocates ayant obtenu un rendez-vous avec le commandant, le lendemain, à 9 heures du matin.
Pourtant, le 3 octobre, aux premières heures de la matinée, les détenus sont déférés au tribunal de première instance d’Ékounou à Yaoundé.
L’on aura appris un peu plus tôt d’un des détenus, que les officiers leur ont demandé la somme de 200.000 FCFA (environ 421 dollars US) pour être libérés.
Après moult tractations des avocats auprès du procureur de ce tribunal, l’on obtient le renvoi des accusés vers la brigade vendredi, le 3 octobre, en fin d’après-midi.
Depuis lors, ils y sont toujours détenus, pour complément d’enquêtes.
Face à la profonde inquiétude provoquée par cette nouvelle affaire, la communauté des activistes LGBT camerounais souffle après cette décision.
Mais la vigilance demeure pour obtenir la relaxe de ces pauvres personnes, qui n’ont commis pour seule crime que d’exister. Exister comme ils ont été crées. Sans faire le moindre mal à personne.
L’auteur de cet article est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.
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