Jérémie Safari, qui est le directeur général de Rainbow Sunrise Mapambazuko, nous relate la violence ordinaire, banalisée et inquiétante vécue par les personnes LGBTI dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), dans une assez large indifférence collective, aussi bien au niveau local, qu’à l’échelle de la société civile internationale.
La fin de l’année 2022 n’a pas été de tout repos et une nouvelle fois, les communautés LGBTI de l’Est de la RDC n’ont pas connu de trêve des confiseurs.
Le calvaire d’une femme trans, Mercedes* et de son compagnon.
« Mercedes est une femme trans activiste qui vivait de menus expédients dans des conditions très humbles, à Uvira, une cité de 600 000 âmes qui borde le lac Kivu. »
D’abord arrêtée à Bukavu en tant que travailleuse du sexe par des policiers véreux et ne pouvant verser un bakchich, elle est ensuite envoyée en prison et violée par des codétenus en septembre 2022.
A sa sortie de détention en novembre, elle rencontre et s’engage auprès de Rainbow Sunrise Mapambazuko, où elle découvre brutalement sa séropositivité, tout comme celle de son nouveau compagnon, Sidney*, au détour d’un test de dépistage rapide.
Par la suite, loin de se laisser abattre, Mercedes devient bénéficiaire d’un micro-crédit à l’aide de l’appui d’une fondation philanthropique américaine. C’est là l’occasion d’un nouveau départ dans sa vie, qui la voit rejoindre Uvira, en décembre, où elle devient vendeuse de divers plats et mets préparés en bord d’artère passante.
Pourtant, en début de soirée, le 15 décembre dernier, les vies de Mercedes et de Sidney frôlent la tragédie quand 6 malfrats enfoncent la porte de leur demeure et les passent violemment à tabac, en les enjoignant de quitter Uvira au plus vite.
Blessés et ayant trouvé refuge à Bukavu auprès de notre équipe, nous sommes en recherche d’une solution pérenne de relocalisation de ce couple.


Le cauchemar d’Evita* et de Carmen*, un couple lesbien en danger.
Le 12 décembre dernier à Walungu, une localité de 60 000 habitants d’une région plus vaste de 400 000 âmes, un couple lesbien a été pris pour cible à son domicile, accusé de vouloir implanter l’homosexualité dans la région.
Evita a été grièvement blessée violée et menacée de mort par 5 hommes, avant d’être hospitalisée durant plusieurs jours. Le domicile conjugal a également été cambriolé et dépouillé de l’ensemble de ses biens de valeur : TV, radio. Mais les choses n’en sont hélas pas restées là.
Le surlendemain, les mêmes hommes surgissent et attaquent cette fois-ci Carmen qui a survécu et a dû trouver refuge à Bukavu, où notre organisation la soutien, elle, ainsi que sa compagne qui la rejointe.
Le poids de l’indifférence envers l’Est de la RDC
Les points communs a toutes ces affaires, sont que les victimes ne déposent pas plainte, en raison du coût de la procédure judiciaire en RD. Congo. De facto, si l’on ne souhaite pas que la plainte soit classée, il faut toujours pouvoir se payer un avocat, ici. Or seule une infime minorité de la population peut se le permettre.
Enfin, les victimes que l’on reçoit pâtissent du peu d’intérêt que suscite les violences commises envers les personnes LGBTI, dans l’Est de la RDC. On a parfois l’impression que toute l’attention du pays ne se porte que sur sa capitale, la bouillonnante Kinshasa. Pourtant les réseaux sociaux attestent que les violences LGBTphobes ici ne manquent pas ».

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*pseudonyme
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