Il y a une dizaine de jours, Jérémie Safari (directeur général) de l’organisation Rainbow Sunrise Mapambazuko nous informait des derniers développements des LGBTphobies dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Depuis, une timide solidarité s’est amorcée à l’égard des victimes et des militants LGBTI du Sud-Kivu. Vous pouvez d’ailleurs soutenir sa pétition ici.

Eustache vient de sortir du coma
« Eustache » (pseudonyme) est toujours hospitalisé depuis le 6 avril 2023 après qu’un individu de son voisinage a tenté de le tronçonner à la machette. Samedi dernier, le 15 avril, il a pu néanmoins bénéficier d’un scanner du cerveau. Les résultats sont rassurants et montrent qu’il n’y a pas eu de dommage cérébral. Hier, dimanche 16 avril, Eustache est sorti du coma artificiel où il avait été plongé. Actuellement, il est en surveillance post-opératoire, après avoir reçu de nombreux points de suture. Les médecins avancent même qu’il pourrait quitter l’hôpital d’ici la fin de semaine.
« Il faut déjà songer à sa sécurité pour la suite, à sa sortie de l’hôpital », dixit Jérémie Safari.
Son agresseur demeure libre
Concernant le volet judiciaire de cette agression, Jérémie Safari est moins optimiste. L’oncle de la personne qui a essayé de sectionner à coup de coutelas Eustache est un homme influent localement. Jérémie n’a pas encore engagé son organisation dans cette bataille judiciaire et puis il ne sait pas si la victime le souhaiterait, également. La victime est toujours convalescente, mais néanmoins, il faut déjà songer à sa sécurité pour la suite, à sa sortie de l’hôpital. C’est une question qui soulève une certaine anxiété et qui se pose avec une grande acuité.
Un silence inquiétant des organisations africaines
L’agression abjecte d’Eustache a été très peu commentée dans la presse congolaise et internationale et même en Afrique, elle n’a donné lieu à aucun communiqué de solidarité émanant d’une organisation africaine, quelle soit d’envergure nationale, sous-régionale ou continentale, francophone ou non.
« En Afrique, c’est toujours comme cela, les activistes ne s’intéressent qu’à ce qui se passe dans leur propre pays. Depuis des mois avec constance, nous dénonçons l’indifférence généralisée à l’égard de l’Est de la RDC », dixit Jérémie Safari.
Des réactions à l’international
Des députés de gauche de l’Assemblée nationale française ont cependant tenu à briser le silence assourdissant entourant l’agression d’Eustache, afin de marquer leur indignation et leur solidarité envers les populations de l’Est de la RDC, dont les personnes LGBTI+ en particulier, en butte à un cycle sans fin de violations des droits humains.


« Les congolais ne comprennent pas que la France se préoccupe des personnes LGBTI+ et non des agressions rwandaises à répétition contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Est de la RDC depuis 30 ans », dixit Yves Nsiala
Un journaliste congolais conspué
Le journaliste kinois, Yves Nsiala, qui a fondé le seul média congolais (Brève.cd) à avoir relaté l’agression d’Eustache, a été pris à partie par son lectorat, notamment sur whatsapp.
Yves Nsiala ajoute : « En RDC, les personnes LGBTI+ identifiées comme telles n’ont aucun droit de facto dans notre société. Les gens ici considèrent ça comme une perversion. Dans ce contexte, notre lectorat a été outré que nous relayons ce type d’information, assimilé à une propagande de l’Occident. Je l’ai fait avec courage, car il y a eu un communiqué de réaction de députés français, suite à cette attaque effrayante dont j’ai pu vérifier l’authenticité. Sans cela, je n’en aurais même pas parlé. Aussi, j’essaie de me mettre à la place de ces gens et je comprends bien que leur existence ici est très difficile. Néanmoins, traiter de ce type de sujet n’attire que des ennuis et des gens me soupçonnent même d’homosexualité, à présent. Je dois dire que c’est pénible à vivre, car les rumeurs d’homosexualité sont souvent assujetties à des menaces ».
Les 3 femmes transgenres et les 2 lesbiennes de Baraka en sursis
Ces 5 femmes ont dû quitter leurs biens incendiés dans la précipitation. Aujourd’hui leur situation est très délicate, car elles sont venues avec les vêtements qu’elles portaient sur elles et elles n’en ont pas d’autres, par exemple. Avec une organisation étrangère, l’on est engagé dans une réflexion pour leur faire quitter la ville. En attendant, elles restent cloîtrées toute la journée dans deux chambres distinctes d’une grande maison qui appartient à une amie engagée auprès de nos luttes.
« L’idée de les laisser seules aller s’acheter des fruits et des légumes sur le marché est presque exclue, c’est trop risqué », dixit Jérémie Safari
Vous pouvez écrire à Jérémie Safari en cliquant sur ce lien.
Vous pouvez soutenir Rainbow Sunrise Mapambazuko en faisant un don ici.
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