Moyen Orient / Afrique du Nord

Maroc: Agression anti-gay, condamnation, arrestations

RFI Afrique rapporte:

Après une double agression homophobe au Maroc, les réseaux sociaux s’enflamment

La ville Beni-Mellal au carte de Maroc (Carte de skyrock.com)

La ville de Beni-Mellal, sur la carte du Maroc et du territoire de l’ancien Sahara occidental espagnol  (Carte de skyrock.com)

Au Maroc, c’est en train de devenir « l’affaire de Beni Mellal ». L’agression de deux homosexuels, dans cette ville de l’est du royaume, provoque l’indignation. La vidéo circule sur Internet depuis quelques jours. Ce qui choque, outre la violence des images, c’est aussi le fait que les victimes sont poursuivies par la justice.

L’agression a eu lieu début mars, mais les images ont commencé à circuler plus tard sur Internet. Sur la vidéo, deux hommes nus, les visages en sang, sont frappés, insultés et traînés jusque dans la rue. Des images violentes, que la plupart des sites d’information en ligne ont d’ailleurs choisi de décrire sans les montrer.

Mais au-delà de cette violence, ce qui fait réagir de nombreux internautes marocains, c’est le sort réservé par la justice aux victimes. L’un des hommes agressés a été condamné à une peine de prison plus lourde que celle de son principal agresseur. L’autre homme battu doit comparaître ce lundi 4 avril au tribunal, pour homosexualité.

Cette affaire relance donc le débat sur la criminalisation de l’homosexualité au Maroc. Une pétition en ligne réclame l’abrogation de l’article 489 du Code pénal. Cet article  prévoit une peine allant jusqu’à trois ans de prison pour « un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe ».

« Banalisation de la violence contre les homosexuels marocains »

Des écrivains et éditorialistes marocains prennent la parole. Sur Facebook par exemple, une tribune de Leïla Slimani, titrée « Si j’avais été un homme à Beni Mellal », a beaucoup circulé. L’auteure de Dans le jardin de l’ogre se demande ce qu’elle aurait fait si, au lieu de naître dans un quartier bourgeois de Rabat, la capitale, elle était née homosexuelle dans la petite ville de Beni Mellal.

Leila Slimani (Photo de liberation.fr)

Leila Slimani (Photo de liberation.fr)

Leïla Slimani se demande aussi ce qu’elle aurait fait si, au lieu d’avoir des parents qui lui ont appris « qu’aucune religion ne justifie la haine et la violence », elle était  persuadée dès l’enfance qu’il fallait « enfermer les débauchés, les adultérins, les femmes non mariées et non vierges et les homosexuels ».

Sur Liberation.fr, chez l’écrivain Abdellah Taïa, qui se décrit comme homosexuel et musulman, révolté face à la « banalisation de la violence contre les homosexuels marocains dans leur pays ».

« Le silence assourdissant des responsables politiques marocains » rend l’écrivain encore plus triste et inquiet, écrit-il. (En lire plus.)

Telquel.ma rapporte le 4 avril:

Indignation au procès de l’agression homophobe de Beni Mellal

Capture écran de YouTube, photo modifiée par bladi.net

Capture écran de YouTube, photo modifiée par bladi.net

Le procès d’une des deux victimes de l’agression homophobe de Beni Mellal, ainsi que celui de quatre de ses agresseurs présumés, a été reporté au 11 avril, a annoncé le juge le 4 avril dernier,  dans une salle bondée du tribunal de 1ère instance de Beni Mellal, comme nous [la journaliste Kaouthar Oudhiri du magazine Tel Quel, NDLR]  l’avons constaté sur place.

La victime de l’agression est accusée d’ « homosexualité« , alors que les présumés agresseurs sont pour leur part poursuivis pour « agression avec arme blanche, attaque sur le domicile d’autrui durant la nuit, et prise d’images d’une personne nue et sa publication sur Internet » ,  selon l’avocat de la défense.

La deuxième victime que l’on pouvait apercevoir sur la vidéo de l’agression avait pour sa part été condamnée à 4 mois prison ferme et à 500 dirhams d’amende.

« Je critique foncièrement l’article qui pénalise l’homosexualité. La victime n’est pas responsable de son orientation sexuelle. Ma ligne de défense versera dans le sens de l’abolition de cet article« , nous assure Me Ibrahim Hassala, l’avocat d’une des victimes de l’agression.

Une heure avant l’ouverture du procès, une association locale – l’association Coalition pour la dignité pour les droits de l’homme — a pour sa part  mobilisé devant le tribunal une centaine de personnes dont les familles des présumés agresseurs.

Ils appelaient à la libération des présumés agresseurs. « Il n’est pas envisageable que des personnes qui appellent à la lutte contre le vice se fassent arrêter alors que des homosexuels peuvent eux ne pas être inquiété en plein jour« , a assuré un des manifestants présents sur les lieux.

Bladi.net ajoute:

Lynchage à Beni Mellal : lancement d’une campagne pour la dépénalisation de l’homosexualité au Maroc

La localisation du Maroc

La localisation du Maroc

Sous le hashtag #stop489, une association espagnole de défense des homosexuels vient de lancer une campagne pour la dépénalisation de l’homosexualité au Maroc. Le chiffre 489 renvoie à l’article 489 du code pénal marocain qui punit de trois ans de prison toute personne coupable de « relation contre nature ».
Cette campagne fait suite à la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo de deux jeunes à Beni Mellal, dans le centre du Maroc. Accusés d’homosexualité, les deux victimes ont été lynchées par un groupe de jeunes après que ces derniers ont fracassé la porte de leur domicile.

L’association « Lambda DDHH Valencia » dénonce « la cruauté dont fait preuve la société marocaine à l’encontre la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et trans) », et particulièrement « le manque total d’humanité de la part de la justice marocaine qui punit les victimes » mais qui laisse en liberté les agresseurs.

Pour Lambda DDHH Valencia, « l’homophobie est vécue chaque jour dans les rues marocaines. Les homosexuels sont obligés de cacher leur orientation sexuelle et beaucoup souffrent d’attaques de leurs entourages, voire même leurs familles. »

L’association fait état de nombreux départs d’homosexuels marocains à l’étranger, notamment en Espagne, pour être eux-mêmes et aimer celui ou celle qu’ils veulent aimer.»

Au Maroc, les associations se mobilisent également. Le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (Mali) ainsi que l’association locale Aswat ont dénoncé cet acte comme une sévère régression des droits des homosexuels.

La violation de l’article 489 du code pénal marocain est punie d’une peine de prison de six mois à trois ans et d’une amende de 200[187] à 1.000 dirhams [EUR 18.26 à 91.30, NDLR], à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque commet un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe.

Et Le Monde Afrique rapporte:

Une équipe de Canal+ brièvement interpellée au Maroc

Martin Weill, l'envoyé spécial du Petit Journal, ici à Rio de Janeiro | capture d'écran Canal Plus

Martin Weill, l’envoyé spécial du Petit Journal, ici à Rio de Janeiro | capture d’écran Canal Plus

Ils enquêtaient sur un sujet encore tabou au Maroc : les droits des homosexuels. Des journalistes de Canal+ ont été interpellés dimanche 3 avril dans le royaume, ont rapporté lundi des médias locaux et un militant des droits humains. Selon le site en ligne Qushq, l’équipe de l’émission Le Petit Journal  était arrivée dimanche dans la ville de Beni Mellal (Centre), où devait se tenir le lendemain le procès de deux homosexuels et de leurs six agresseurs.

Selon un journaliste de Canal+, le reporteur Martin Weill et son cadreur, qui préparaient ce sujet sur les droits des homosexuels, avaient déjà tourné à Casablanca et à Rabat. L’équipe de Canal+ a été arrêtée par la police à Beni Mellal, lorsqu’elle a commencé à filmer des séquences dans le quartier où résidaient les deux homosexuels. Un responsable de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) à Beni Mellal, Abdel Rahim Hajji, a confirmé l’arrestation des journalistes.

Une source officielle citée par le site Media 24 a précisé que l’équipe du  Petit Journal  avait été interdite de filmer car elle ne possédait pas l’autorisation spéciale nécessaire pour les équipes de télévision étrangères non accréditées au Maroc. Aucune confirmation n’a pu être obtenue auprès des autorités. Toujours selon un journaliste de Canal+, l’équipe n’avait en effet pas demandé d’autorisation, « qui ne s’obtien[nen]t quasiment jamais, ou bien trop tard ».

C’est pour cette raison qu’ils ont été arrêtés et ont passé une douzaine d’heures à la préfecture de Beni Mellal, avant d’être confiés à la police de l’aéroport de Casablanca. Ils ont passé la nuit sous surveillance à Casablanca. Le site Média 24 a affirmé, pour sa part, citant des personnes accompagnant l’équipe de Canal+, que les journalistes avaient été interrogés après leur interpellation. (En lire plus)

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