Human Rights Watch rapporte:
(Rabat, le 4 mars 2015) – Deux hommes accusés d’activités homosexuelles consensuelles purgent actuellement des peines de prison au Maroc à l’issue d’un procès qui semble avoir été inéquitable, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et Aswat, un groupe marocain de défense des minorités sexuelles.
[Un court compte rendu du procès et de la peine sont apparu dans l’article de ce blog: «Al Hoceima Maroc : Peine de prison réduite» ]
Le Tribunal de première instance de la ville méditerranéenne d’Al-Hoceima a déclaré les deux accusés coupables de sodomie, à l’issue d’un procès très court qui s’est tenu cinq jours seulement après leur arrestation le 13 décembre 2014. Ils ont été jugés coupables sur la base d’« aveux » faits, selon la police, lors de leur détention mais qu’ils ont ensuite rétractés devant le juge. Le tribunal n’a appelé aucun témoin à la barre. Une Cour d’appel a confirmé le verdict le 30 décembre.
Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord pour Human Rights Watch
« La combinaison de ces trois éléments – un État qui applique des lois sur la sodomie, un système judiciaire qui prive le prévenu d’un procès équitable et les préjugés sociaux liés à l’homosexualité – constitue une formule infaillible pour nuire à des vies humaines », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
La Cour d’appel d’Al-Hoceima a confirmé le verdict de culpabilité pour commission d’un « acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe » (article 489 du code pénal) et « outrage public à la pudeur » (article 483), mais a réduit les peines des deux hommes, de trois ans de prison et une amende à six mois pour l’un et à un an pour l’autre, ce dernier ayant été également reconnu coupable de tentative de corruption (article 251).
Human Rights Watch a documenté une tendance de la part des tribunaux marocains à violer le droit des accusés à un procès équitable en s’appuyant sur leurs aveux pour les déclarer coupables, tout en s’abstenant d’enquêter sérieusement, voire d’enquêter tout court, quand ces accusés rétractent leurs aveux en affirmant qu’ils leur ont été extorqués sous la contrainte, ou qu’ils ont été falsifiés. De nombreux prévenus ou leurs avocats ont affirmé à Human Rights Watch que la police avait intimidé les accusés pour les forcer à signer leurs dépositions sans les lire.
La loi marocaine pénalise ce qu’elle appelle les actes « impudiques ou contre nature » entre personnes du même sexe, termes qui sont d’ailleurs utilisés dans les rapports de police et dans les documents judiciaires pour faire référence plus généralement à l’homosexualité.
La Constitution marocaine de 2011 stipule, dans son article 24, que « toute personne a droit à la protection de sa vie privée ». Ce droit, qui était absent dans la précédente constitution, devrait conduire à l’abolition de la loi qui criminalise les relations sexuelles consentantes entre personnes majeures de même sexe, ont affirmé Human Rights Watch et Aswat.
Le 13 décembre, vers 23h00, un groupe de gendarmes a arrêté une voiture qui circulait de manière erratique sur une route côtière dans la province d’Al-Hoceima, selon le rapport de police rédigé après l’incident. Alors que les gendarmes s’approchaient de la voiture, le plus jeune des passagers aurait agité un bras comme s’il voulait leur dire quelque chose.
Quand les gendarmes ont séparé les deux hommes pour les interroger, selon le rapport, ils ont observé que le plus jeune « montrait des signes d’homosexualité (déviance sexuelle) dans ses mouvements, sa façon de parler et son comportement. » Il aurait affirmé que l’autre homme, plus âgé, avait tenté de le violer. Le conducteur aurait nié cette accusation et affirmé que les deux hommes s’étaient seulement livrés à des «caresses », toujours selon le procès-verbal de la police. Le procès-verbal ajoute que l’aîné des deux hommes a alors proposé aux gendarmes de leur donner 970 dirhams (US$ 100) qu’il avait dans sa poche s’ils accepteraient de les laisser partir. Les gendarmes ont alors emmené les deux hommes au poste de police d’Imzouren pour les interroger davantage.
L’accusé le plus âgé est un élu local âgé d’une cinquantaine d’années, l’autre est un étudiant d’une vingtaine d’années.
…
La criminalisation des pratiques homosexuelles entre adultes consentants est contraire au droit international en matière de droits humains. Le PIDCP, que le Maroc a ratifié, interdit les violations du droit à la protection de la vie privée. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a condamné les lois qui répriment les pratiques homosexuelles consensuelles comme constituant des violations du PIDCP. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a affirmé que les arrestations pour pratiques homosexuelles consensuelles constituaient, par définition, des violations des droits humains.
« Si le Maroc aspire réellement à être un leader régional dans le domaine des droits humains, il devrait montrer la voie en décriminalisant les pratiques homosexuelles », a conclu Sarah Leah Whitson.
Pour plus d’informations, voir l’article complet de Human Rights Watch, qui comprend des informations sur:
- Le harcèlement policier.
- La répudiation des défendeurs de leurs «aveux».
- Interrogation par la police, sans présence d’un avocat.
- L’acceptation de la cour des «aveux» malgré une règle de la cour que les aveux obtenus par la «violence ou de coercition ne doit pas être considéré comme une preuve. »
- Les plans pour un appel.
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