Amériques

La communauté LGBT+ boude la « Pride de Guadeloupe »

Hier, le samedi 22 juillet 2023 à 14H00 à Pointe-à-Pitre, se tenait la seconde marche des fiertés de Guadeloupe, à l’initiative de l’organisation « Ma différence LGBT+ » présidée par Lydie Siwsanker. Tout comme l’an passé, l’évènement a fait un flop avec 6 participants cette année-ci, contre 4 l’an dernier.

Derrière ce qui peut sembler insignifiant, 76crimes va essayer d’autopsier les raisons d’un tel échec, puisque visiblement les communautés LGBT+ locales sont aux abonnés absents.

Pour rappel, en Guadeloupe et dans les Antilles françaises, comme ailleurs sur le territoire national français, l’homosexualité est dépénalisée depuis 1982 et le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe sont légalisés depuis 10 ans. Enfin, les parcours de transition de genre sont totalement dépsychiatrisés depuis 2023 et la procréation médicalement assistée pour les femmes lesbiennes est ouverte depuis 2021.

Localement, une ligne d’écoute, baptisée Voix arc en ciel en faveur des personnes LGBT+ pour prévenir le suicide a été ouverte en 2019, avec le concours de l’association Amalgame Humanis.

L’an passé Pierrette Pyram (personne qui tient la banderole à droite de l’image) de l’association des Diivines lgbtqia+ avait fait le déplacement en Guadeloupe depuis Paris et avait prêté main forte à Lydie Siwsanker tout à droite avec deux autres sympathisantes de son organisation (@Olivier Duflo).

Ce samedi, les communautés LGBT+ de Guadeloupe étaient conviés par Ma Différence LGBT+ pour la troisième année de suite à une marche des fiertés dans les rues de Pointe-à-Pitre, entre le quartier populaire de Lauricisque et l’emblématique place de la Victoire proche du front de mer et âme culturelle de la ville.

En 2021, il y a eu le COVID, le défilé prévu le 14 août avait été annulé alors que la Guadeloupe était soumise à des couvre-feux à répétition qui finiront par embraser l’île en novembre de la même année.

C’est donc en 2022, le 6 août, que s’est tenue la première marche des fiertés de Guadeloupe dans un contexte post-COVID. Informée en amont sur les réseaux sociaux, Pierrette Pyram, qui préside les Diivines lgbtqia+ (une organisation de visibilisation et de mobilisation de lesbiennes afrodescendantes afro-caribéennes de Paris) avait fait le déplacement express depuis Paris et c’est en compagnie de 2 sympathisantes de son organisation qu’elle avait prêté main forte à Lydie Siwsanker qui autrement aurait paradé seule dans les rues de Pointe à Pitre ou aurait annulé l’évènement pourtant déclaré en préfecture.

Surprise, Pierrette Pyram, native de Guadeloupe, s’était alors confiée à 76crimes par téléphone : « j’étais étonnée que l’on soit si peu nombreuses et si nous n’étions pas là, la marche n’aurait probablement pas eu lieu. Mais dans un élan de sororité nous avions décidé de quand même battre la pavé, y compris sous la pluie, puisque nous étions déjà sur place ».

Instagram : @dominiquepouzolartiste

A l’époque, Lydie Siwsanker au micro de Guadeloupe la 1ère avance comme explication l’homophobie pour expliquer une si faible mobilisation pour un évènement situé en plein coeur du mois d’août : « Les personnes LGBT en Guadeloupe sont encore dans « l’effroi », dans la peur de s’assumer, de se montrer, dans la peur de représailles, ce n’est pas du tout évident de se montrer à visage découvert et de revendiquer ses droits ».

Des faits et des propos qui ont de quoi interroger.

Pourquoi Lydie Siwsanker ne s’associe-t-elle pas au reste de la communauté LGBT+ de l’île ? Comment est-ce possible que l’on puisse déclarer un tel évènement en préfecture sans se concerter avec d’autres associations et acteurs de la société civile locale ? Ou s’agit-il d’un coup d’éclat médiatique, d’un hold up sur la cause LGBT, qui émane d’une individue seule dont l’association est une coquille vide ?

A toutes ces questions, nous n’aurons pas de réponse, puisque Lydie Siwsanker ne répond pas à nos sollicitations téléphoniques.

Pourtant les questions demeurent, alors que la seconde édition de la marche des fiertés de Guadeloupe n’a réuni que 6 personnes, dont 5 alléchées par les visuels présents sur les réseaux sociaux qui ont scandé « ansanm nou pli fò » (plus forts ensemble en français) ou encore « divèsité sé fòs pou Gwadloup » (la diversité est une chance pour la Guadeloupe en français), dans des rues vides en début d’après-midi, en plein mois de juillet.

Auprès des participants, Lydie Siwsanker avance avec aplomb : « les gens se sont désistés pour la sécurité et la logistique, car il faut une attestation de responsabilité civile et si on n’est pas suffisamment riche pour s’en payer une, on n’a pas le droit de manifester ».

Jean-Michel (pseudonyme), 48 ans, un homme gay guadeloupéen qui n’est pas présent dans le milieu associatif LGBT avance d’autres explications : « Je ne savais même pas qu’il y avait cette marche. Je n’ai vu aucune communication en ce sens. Quel fiasco ! Je ne suis pas sûr que les gays soient malheureux en Guadeloupe même si une attention doit être portée à l’endroit des plus jeunes issus des quartiers sensibles qui découvrent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. De même, localement, il n’y a pas grand chose à revendiquer d’où peut-être l’absence de mobilisation ».

A contrario, le 1er juillet dernier, la « Gay Pride » de Martinique a pris ses quartiers comme chaque année sur la plage du Carbet pour la 5ème édition depuis 2017 et l’ambiance y était particulièrement festive, joyeuse et colorée.

Une foule nombreuse s’est déplacée pour la 5ème « Gay Pride » de Martinique (@jeanmariemonard)

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