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L’association Shams (l’association tunisienne pour la dépénalisation de l’homosexualité) a publié aujourd’hui le témoignage d’un des 6 étudiants accusés pour homosexualité.
La cour d’appel de Sousse, en Tunisie, a décidé le 7 janvier de libérer les six étudiants accusés jusqu’à leur audience le 25 février.
Sur sa page Facebook, l’association Shams a écrit:
« Le jeune homme est revenu sur l’affaire et les circonstances de l’arrestation.
Le 1er Décembre, les six jeunes étaient au foyer universitaire. Sur les six, quatre seulement étaient résidents. L’un des deux autres visiteurs avait fugué, suite à une altercation avec sa famille. Sa famille avait donc signalé sa disparition aux autorités, qui avaient fini par retrouver sa trace au foyer.
La police a donc perquisitionné le foyer le 1er décembre 2015 où les six jeunes étaient en train de dîner. Les six jeunes ont été trouvés, leurs téléphones et ordinateurs portables confisqués, puis ils ont été arrêtés 3 jours suite à la découverte sur l’un des ordinateurs d’une vidéo porno gay.
“J’ai refusé de subir le test anal dans le cabinet du médecin, j’ai alors été roué de coups et torturé physiquement et mentalement. J’ai fini par abdiquer”.
C’est ainsi que raconte les faits un jeune de dix-neuf printemps. Il n’oubliera pas l’expression utilisée par le médecin “baisses-toi comme si tu allais faire la prière” avant d’introduire un instrument dans l’anus du jeune homme et procéder à son examen fatidique.

À la Tunisie, Kairouan est située à environ 150 kilomètres (100 miles) au sud de Tunis. (Carte de brittanica.com)
“La maison d’arrêt est une sorte de tombe collective”, continue le prisonnier, mais la prison fut encore plus cruelle.
“Ils nous ont enfermé dans une pièce qui comptait déjà 190 autres prisonniers, et les abus ont commencé dès la première minute de la part des matons.. Ils nous ont fait dormir à même le sol, sans couvertures ni matelas”. C’est ainsi que décrit le prisonnier de l’article 230 les circonstances inhumaines de son premier jour en prison, par un mois de décembre glacial et humide.
Le lendemain, les agents sont venus les emmener chez le barbier. “Ils nous ont rasés la tête tout en nous frappant et nous insultant”. Et encore, en termes de torture, ça n’était rien par rapport à ce qui les attendait les jours suivants..
“Je suis malade, et j’ai un traitement à prendre au quotidien. Chaque jour en m’accompagnant pour la prise, l’agent me harcelait, s’adonnait à des attouchements sur mon corps, et me frappait sur des endroits sensibles”, ce qui n’a fait qu’empirer la situation psychologique et médicale du jeune homme.
Mais le summum de l’horreur était pour lui les moments où les matons les convoquaient. “A chaque fois qu’ils s’emmerdaient, ils demandaient à ce qu’on nous amène à eux pour se divertir un peu… plus d’une quinzaine d’agents nous faisaient subir des passages à tabac avec des bâtons, nous obligeaient à nous agenouiller pour mieux pouvoir nous rouer des coups avec leurs pieds, nous insultaient, puis nous accrochaient et nous faisaient subir la torture par l’eau, et ne nous relâchaient que lorsque nous étions à bout.” Ainsi dépeint le prisonnier les scènes sanglantes dont il a été victime, illustrant l’horreur des conditions et des tortures qu’ils recevaient en guise de traitement spécial.
Il raconte aussi que les agents ont fait exprès d’ébruiter auprès des autres détenus la nature du délit les ayant conduit en prison, ce qui transforma leurs nuits en cellule en longs cauchemars.
“Les autres détenus nous battaient, nous touchaient dans nos parties intimes, nous enlevaient nos vêtements. Leur chef nous mettait au milieu, et disposait les autres prisonniers en cercle autour de nous, puis nous frappait avec un bâton afin qu’on danse. Ils nous posaient des questions très intimes. Si on répondait on nous frappait. Si on ne répondait pas, on nous frappait également”.
Leur détention s’est transformée en lutte féroce contre des tortionnaires bourreaux, des violeurs, … Ils ont été privés de sommeil, les menaces des co-détenus aidant: “Tu verras ce que je te ferais dès que tu auras les yeux fermés”.
“Après deux semaines d’horreur et de torture, j’ai pris les médicaments d’un autre prisonnier souffrant d’un problème de glycémie, parce que je voulais me suicider : J’ai haï la vie, j’ai perdu espoir, je ne pouvais ni dormir, ni vivre. Même la nourriture et les vêtements que nous ramenaient nos proches étaient confisqués”.
De graves tortures, et des conditions à la Guantanamo, que subissent des citoyens tunisiens recrachés par le système judiciaire dans les égouts de l’humanité et le marécage de l’injustice…
“Même après ma sortie de prison, je ne peux plus vivre : La vie s’est obscurcie pour moi, je n’arrive plus à communiquer avec ma famille, à sortir de ma chambre, mes études sont foutues, ma vie est foutue… Je ne peux plus affronter quiconque.. .Mon pays m’a détruit, oppressé, brisé. »
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