Par Erin Royal Brokovitch

À Paris, Amnesty International a monté une protestation en 2013 contre l’assassinat en 2011 de la militante lesbienne Noxolo Nogwaza en l’Afrique du Sud dans le cadre d’un viol « correctif » . Aucune arrestation n’a été faite dans le cas. (Photo d’Amnesty International)
Lexa, 19 ans, élève, regarde de façon résignée et fâchée, un souvenir traumatisant de ce qui leur a été infligé à elle et ses copines, cette nuit du 18 au 19 octobre 2014.
C’est alors qu’elle et deux copines ont enduré des « viols correctifs » par quatre hommes qui pensaient qu’elles étaient lesbiennes.
Dans un viol « correctif », les femmes soupçonnées ou accusées d’être lesbiennes sont violées à la fois comme une punition et en la croyance erronée que le viol va changer leur orientation sexuelle. Ces viols, qui sont communs au Cameroun, ont également été signalés au Zimbabwe, à la Jamaïque, en Ouganda et fréquemment en Afrique du Sud, où le terme «viol correctif» est né.
Un autre viol « correctif » au Cameroun a eu lieu en novembre. La victime, qui s’appelle Sam, était une lesbienne dans la section Omnisport de Yaoundé. Cette femme, de 23 ans, a rapporté le crime à la police, mais ils n’ont pris aucune mesure contre le violeur.
Lexa et ses amies n’ont pas signalé leurs viols à la police par peur de représailles.
LE VIOL DE LEXA ET SES AMIES
Ci-dessous est l’histoire que nous rapporte Lexa de ce qui est arrivé le 18 octobre. Un des violeurs accusés a nié des parties de cette histoire, mais a confirmé d’autres parties.

Image d’une vidéo d’ESPN de l’Afrique de Sud en 2010 au sujet des athlètes sud-africaines qui souffrent coups et « viols correctifs » parce qu’elles sont lesbiennes. (Cliquer sur l’image pour voir la vidéo en anglais.)
Ce soir là, elle est invitée par sa copine Manuela, 20 ans, à la retrouver prendre un pot qu’un courtisant lui offre.
En fait, c’est le courtisant de Manuela qui souhaite que Lexa les rejoigne.
Cette dernière les retrouve donc dans un bar du quartier Obili à Yaoundé.
À son arrivée, Manuela, et son courtisant Daddy sont avec Clarisse, une autre amie de Lexa.
Il est 10 heures du soir. Autour de 1 heure du matin, la bande est rejointe par Stéphane, le cousin de Daddy, juste quelques minutes avant la fin de la soirée.
Parvenus au terme de leur virée, au moment de se séparer, les trois jeunes femmes qui vivent chacune encore en famille, sont angoissées, car à cette heure de la nuit, c’est très compliqué pour elles de rentrer.
C’est alors que Daddy leurs propose d’aller passer la nuit chez lui, et qu’il leur cèderait une chambre à part pour dormir tranquilles.
Lexa raconte qu’effectivement, arrivés au domicile de Daddy qui vit avec son cousin Stéphane à Obili, l’on donne une chambre aux femmes pour passer la nuit.
Cependant, quelques trois quarts d’heure plus tard, après que les uns et les autres se soient couchés, Stéphane vient frapper à la porte des femmes. À trois reprises, il revient proposer à Manuela, la favorite de son cousin Daddy, de faire l’amour avec lui.
Manuela refuse systématiquement toutes les fois cette demande qu’elle juge inappropriée et déplacée, vu comme elle lui répond, qu’elle est sensée être la petite amie de son cousin Daddy.
Quelques minutes plus tard, Stéphane devient insistant et n’accepte pas que Manuela lui résiste.
Il force alors la porte de la chambre et réveille les femmes. Il exige de faire l’amour avec elles.
Devant le brouhaha qui est suscité par la réaction des femmes et l’insistance de Stéphane, Daddy qui dort dans une pièce à l’extérieur, contigüe à la maison principale, se réveille.
Il demande ce qui se passe. C’est alors que Stéphane déclare qu’il a vu Manuela et Clarisse s’amouracher.
Ce que les femmes contestent naturellement car, disent-elles, elles dormaient. Stéphane devient violent, il trimbale Clarisse et Manuela jusqu’à la salle de séjour.
Il commence à leur porter des coups sévères.
Lexa, pendant ce temps, est attirée à l’extérieur par Daddy pour lui expliquer ce qui se passe. Alors qu’elle lui raconte ce qui s’est passé, Stéphane intervient brutalement et stoppe Lexa dans ses explications.
Au grand étonnement de Lexa, Daddy et Stéphane la trimbalent au sol sur quelques mètres pour l’intérieur de la maison.
Avec le bruit que cette situation engendre, deux voisins se réveillent et viennent voir ce qui se passe.
Pendant ce temps, Stéphane ne cesse de rouer les femmes de coups, rejoint désormais dans cette opération par Daddy. Ils insultent les femmes en les traitants de « sales lesbiennes ». On leurs demande pourquoi elles sont ainsi. Stéphane menace d’appeler la police pour dénoncer les femmes.
Stéphane entraine alors Clarisse dans la chambre.
Il la demande de lui faire une fellation.
Dans la salle de séjour, les autres femmes sont empêchées de bouger par les deux voisins.
Quelques instants après, les deux voisins entrent dans la chambre. Tour à tour, ils violent Clarisse. Daddy s’y met aussi.
C’est le vacarme dans la maison. Une voisine se réveille alors. En découvrant ce qui se passe, Lexa raconte qu’elle s’exclame : « C’est d’ailleurs leur habitude, violer les filles ». Elle retourne se coucher.
Le cauchemar n’est pas terminé.
Après Clarisse, les garçons entrainent Manuela dans la chambre. Elle est sauvagement sodomisée par Daddy.
Lexa est la dernière à passer à la moulinette. C’est encore Stéphane qui passe sur elle. Elle raconte qu’au moment du viol, elle était vierge. Mais heureusement pour elle, estime-t-elle, le rapport est superficiel.
Il est presque 6 heures du matin quand ce cauchemar cesse. Les femme sont dépouillées de leurs bijoux.
Au petit matin, elles se rendent directement à l’hôpital, car Clarisse saigne. Consternant malheureusement dans cette affaire, les femmes ne veulent pas porter plainte de peur que leur réputation soit entachée auprès de leurs familles.
Aucune d’elles en effet ne veut intenter quoi que ce soit pour obtenir réparation pour ce que l’on leur a fait. Elles disent vouloir tourner la page. Malgré les encouragements pour qu’elles portent plainte, elles refusent.
Cependant, Stéphane dément la version donnée par Lexa. Il, dit-il, a été réveillé par son cousin Daddy qui lui a révélé ce soir là que les femmes sont lesbiennes. Ils sont alors allé guetter les femmes dans leur chambre, et se sont aperçus qu’elles étaient en plein ébat.
Il se rappelle simplement avoir interpellé les femmes pour leur demander pourquoi elles sont lesbiennes, et de les avoir conseillé « d’arrêter cette vie ».
Car, comme dit-il, verser dans des pratiques comme le lesbianisme, c’est « ne plus être de ce monde ». Autrement dit, c’est verser dans des pratiques occultes.
Au sujet des bijoux retenus, il reconnait les avoir confisqué pour un moment, avec leurs téléphones. Il dit avoir interrogé les femmes sur la provenance de ces bijoux, et elles lui auraient dit que c’était des signes de reconnaissance entre lesbiennes. Pour lui, c’était effectivement des « signes d’appartenance à leur secte » — la « secte » de l’homosexualité.
Il est vrai que Lexa raconte que leurs téléphones leur ont été remis plus tard. D’après Lexa, Daddy avouera après leur sale besogne qu’il avait fait la cour à Manuela parce qu’elle avait une allure de garçon, et qu’il avait estimé qu’elle est lesbienne. Son objectif dès lors, était de la violer.
Ceci dit, c’est là un phénomène qui a souvent cour au Cameroun. Des femmes soupçonnées ou accusées d’être lesbiennes qui sont violées par des bourreaux, en vu de les punir d’être ce qu’elles sont. Et de tenter de corriger leur orientation sexuelle, comme Daddy demandait à Lexa, « Pourquoi faites-vous ça, avez-vous déjà essayé avec des garçons ? ».
LE VIOL DE SAM
En effet, Sam, 23 ans, habitant le quartier Omnisport à Yaoundé, raconte elle aussi avoir été victime d’un tel viol au mois de novembre.
Un monsieur lui avait, en fait, fait la cour. Elle décline la proposition du monsieur de sortir avec elle, et lui fait comprendre qu’elle est lesbienne. Le monsieur fait fit de comprendre et de s’y résoudre.
Quelques jours plus tard, il insiste à inviter Sam à prendre un pot avec sa copine. Ce jour là après avoir pris le pot, il décide de raccompagner Sam et sa copine Van.
À mi-chemin, il leur demande de s’embrasser pour confirmer qu’elles sont effectivement lesbiennes. Pour faire entendre raison au monsieur, les deux femmes s’embrassent.
Plus tard, le monsieur demande à Sam de l’accompagner chez lui, qu’il va chercher un colis. Toute confiante, elle le suit.
Une fois chez lui, le monsieur se rue sur Sam et la viole. Elle en ressort avec des déchirures.
Il menace Sam de la dénoncer à la police et de publier partout qu’elle est « une grosse lesbienne », si jamais elle ose quelque chose contre lui.
Contrairement à Lexa et ses copines, Sam va le dénoncer à la police. Une fois là-bas, le monsieur nie et contre attaque en déclarant que Sam est homosexuelle.
Il est certes retenu au poste de police, mais cela semble être juste une volonté d’affichage, car quelques heures après, il est libéré. La police ne l’a chargé de rien.
L’auteur de cet article est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.
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