Amériques

Antilles françaises : Papillomavirus, les personnes non-hétérosexuelles sont les plus à risque parmi les patients atteints de cancers ORL

Dans une étude récemment publiée dans la revue BMC Cancer, intitulée « Association entre le comportement sexuel et le cancer de la tête et du cou aux Antilles françaises : une étude cas-témoins basée sur une population afro-caribéenne » (titre traduit en français), Dr Aviane Auguste -un jeune chercheur- traite des facteurs de risques associés à ces cancers encore méconnus aux Antilles.

Pourtant, certaines populations semblent plus vulnérables que d’autres et notamment les personnes non-hétérosexuelles.

Dr Aviane Auguste : « Je suis un épidémiologiste de formation et je suis un chercheur post-doctoral à l’Inserm à Villejuif, en région parisienne.

Aviane Auguste est un chercheur à l’Inserm (@avianeauguste)

J’ai la particularité d’être saint-lucien, mais je suis bilingue français / anglais et j’ai effectué ma these de doctorat en épidémiologie en Guadeloupe dans une unité de l’Inserm. Je m’intéresse à la santé publique sur nos territoires insulaires, car cette dernière à vocation à agir et à améliorer l’état de santé de toute la population. En outre, la population des Antilles françaises est peu étudiée de manière générale.

A mon niveau, j’ai décidé de me spécialiser sur la prévalence des infections au papillomavirus et par extension, je porte un interêt à la santé sexuelle, puisque chacun sait qu’il y a une forte association entre papillomavirus et cancers du col de l’utérus chez la femme.

Dernièrement, j’ai publié les récents développements de mes travaux de recherche, en lien avec le centre hospitalier universitaire de Guadeloupe et celui de la Martinique, quant aux facteurs de risques pour les cancers de la sphère ORL (oto-rhino-laryngologie) ».

76crimes : « Tout ceci est très intéressant, mais est-ce que l’on se sent écouté quand on est épidémiologiste, aux Antilles ? Est-ce que les agences régionales de santé et les différentes tutelles tiennent comptent de vos travaux quant aux priorités de prévention en santé publique, en Guadeloupe et en Martinique ? Et êtes-vous en relation avec des associations de malades ? »

Dr Aviane Auguste : « Je ne suis pas en contact direct avec les tutelles. Et il n’existe pas aux Antilles d’associations de malades des cancers liés à des infections au papillomavirus ou HPV (human papillomavirus), car il n’y a pas de stigmate social associé à ces cancers, sauf peut-être chez la femme, quand il y a une infertilité.

Le plus souvent les infections liées au papillomavirus sont asymptomatiques et par conséquent hélas, les gens n’ont pas connaissance de leur statut infectieux.

A mon niveau, je me suis intéressé aux comportements sexuels associés aux cancers de la sphère ORL en posant pour hypothèse que le papillomavirus soit un médiateur, c’est à dire que l’infection à papillomavirus favoriserait statistiquement plus les probabilités d’avoir un cancer de la zone aéro-pharyngée.

Le facteur identifié le plus significatif pour réduire l’incidence de ces cancers semble être le port du préservatif. A contrario le risque d’avoir une infection à HPV oral semble accru chez les patients  ayant plusieurs partenaires simultanément, ainsi que chez les patients non-hétérosexuelles.

Les populations vivant avec le VIH semblent d’ailleurs être particulièrement vulnérables. A cet effet, l’on émet l’hypothèse qui devra être testée aux Antilles Françaises lors de nouvelles études que le papillomavirus se développe telle une infection opportuniste chez les personnes séropositives; d’où peut-être une plus forte prévalence des cancers des voies aéro-aériennes chez cette population ».

76crimes : « Ce n’est pas très rassurant tout cela, on fait comment pour pouvoir se protéger du papillomavirus et par extension des cancers qui y sont associés ? »

Dr Aviane Auguste : « Outre le préservatif, il existe la vaccination, mais aux Antilles, nous sommes de mauvais élèves puisque la couverture vaccinale n’est pas suffisamment satisfaisante pour pouvoir assurer d’une protection de toute la population antillaise ». [NDRL : 25,1 % et 16,9 % des filles âgées de 15 ans nées en 2006 étaient vaccinées contre le papillomavirus en Guadeloupe et en Martinique (Santé Publique France ; 2022)]

D’autre part, il apparaît de plus en plus qu’une transmission non-sexuelle du papillomavirus existe, à travers le toucher d’objets par exemple. Il semble même que l’on puisse s’auto-inoculer le virus, en se touchant le visage et notamment les muqueuses nasales, au travers de gestes très anodins.

Enfin, si cela peut atténuer l’inquiétude de certains, au cours de mes derniers travaux, aucune association significative n’a été trouvé entre la transmission du papillomavirus et les comportements sexuels dans la population générale, indemne de cancer, en Guadeloupe et en Martinique ».

Actuellement en France hexagonale, mais aussi dans les Outre-mer, la vaccination HPV ne fait pas partie des 11 vaccinations obligatoires mais est fortement recommandée pour : Toutes les jeunes filles et également tous les garçons âgés de 11 à 14 ans révolus. Ainsi une vaccination généralisée pour les élèves de 5ème est envisagée à partir de septembre 2023 sur l’ensemble du territoire français.

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2 réflexions sur “Antilles françaises : Papillomavirus, les personnes non-hétérosexuelles sont les plus à risque parmi les patients atteints de cancers ORL

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