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Danger au Cameroun pour 82 homosexuels supposés

Cameroun: Une nouvelle liste des personnes accusées d’être homosexuelles met 82 personnes en danger.

Une partie de la liste venimeuse des homosexuels presumés au Cameroun

Une partie de la liste venimeuse des homosexuels presumés au Cameroun

Par Erin Royal Brokovitch

Une liste venimeuse de 82 présumés homosexuels se répand au Cameroun, publiée anonymement et distribuée à la vitesse et à la puissance des réseaux sociaux modernes.

Mardi 11 décembre, comme une dépêche, les uns et les autres reçoivent dans leurs différentes messageries un document PDF portant le titre « LISTE DES GAYS DU CAMEROUN AVEC UNE PARTIE DE LEUR SALETE MISE A NUE ».

Le document vient 15 ans après la publication d’une liste similaire par le journal Anecdote, qui a ruiné la vie et la réputation de 50 citoyens camerounais homosexuels et de leurs familles. Dans ce cas c’était surtout la réputation des personnalités qui avaient été détruite. L’opprobre jeté sur eux. La polémique avait enflé au point où le président de la république avait dù prendre la parole.

Ce phénomène est repris maintenant comme un serpent de mer par des auteurs anonymes en utilisant les nouveaux moyens de diffusion plus percutants, rapides et à plus grande échelle — les réseaux sociaux pour la diffusion de leur sale besogne.

Les membres de la communauté LGBT se sont empressés de l’ouvrir pour voir si leur nom y figurait, pour savoir s’ils étaient devenus récemment vulnérables aux attaques homophobes contre leur vie, leur famille et leur carrière. Des hommes gais qui vivaient discrètement à Yaoundé et à Douala sans faire de vagues se sont retrouvés en danger.

La localisation de Douala sur la côté du Cameroun.

La localisation de Douala et Yaoundé au Cameroun.

La liste s’y attaque aux chrétiens et aux musulmans — employés de Camtel, MTN, Orange Cameroun, CUD et Intelcia. Un bijoutier, un banquier, un coiffeur, un médecin, un décorateur, un danseur, un gérant de boîte de nuit, un commerçant, un pharmacien, un photographe.

C’est l’émoi et la stupeur qui s’empare alors de toute personne de la communauté LGBT qui reçoit cette liste, et l’on se précipite de l’ouvrir pour vérifier avec l’espoir que son nom n’y figure pas, pour savoir s’ils étaient devenus nouvellement vulnérables aux attaques homophobes contre leur vie, leur famille et leur carrière.

‘’La main de l’ennemi’’ à l’initiative de cette liste est invisible. L’on ne peut savoir de quel cercle elle provient.

Toujours est-il que la liste se répand comme une trainée de poudre à travers le pays, à travers les continents. Elle est partagée toute la journée via les plateformes des réseaux sociaux. Toute la semaine, elle continue d’être relayée. L’on ne peut maitriser sa diffusion, entre les mains de qui elle peut tomber.

En termes de dommages, l’on ne peut encore évaluer bien car c’est récent. Mais la mesure du danger ce sont les jeunes qui continuent d’être rejetés de leurs familles une fois qu’on découvre leur sexualité. Ceux qui se retrouvent dans les maisons de refuge des associations.

La dernière du genre fut publiée et diffusée l’année dernière sur les mêmes canaux — surtout par WhatsApp — avec son lot de déstabilisation qu’elle a occasionné comme conséquences sur la vie des personnes citées. Aucune des personnes figurant sur la dernière liste ne figure à nouveau sur celle-ci. C’est des nouvelles personnes à chaque fois.

Ils ne voient jamais rien venir. Le drame de cette opération c’est le ‘outing’ des personnes prétendues ou réellement homosexuelles qui essaient dans un environnement d’homophobie ambiante et accru de vivre leur vie discrètement sans faire de vagues.

Cette nouvelle liste comporte à la fois les noms de personnes ordinaires et — nouvellement — les noms des personnes engagées dans la cause LGBT au travers des actions, qui de défense des droits humains, qui d’accompagnement des personnes vivant avec le VIH.  L’on y voit figurer les noms des personnes très engagées dans les organisations LGBT ou autres ONG qui fournissent des services d’accès aux soins de santé et en direction des personnes ayant des relations homosexuelles.

L’un d’eux, Yannick Ndomo, militant des droits humains réputé au sein de la communauté LGBT par ses actions menées depuis 2011 et qui a occupé une fonction de significative exposition au sein d’une ONG récipiendaire des financements du Fonds Mondial de lutte contre le Sida et la tuberculose, en tant que Chargé des Programmes MSM (Men who have sex with men= hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes).

Paie-t-il aujourd’hui le prix de son engagement qui l’a fortement exposé ? Toujours est-il qu’une telle liste avec le fichage qu’elle induit, ouvre la voie à des dérives non maitrisables, dans un contexte de diffusion à large échelle sur les réseaux sociaux. C’est donc la psychose qui règne car l’on ne peut véritablement évaluer la portée du danger, ses formes ou leurs sources.

Après la liste dernière, des gens avaient sombré dans la dépression. Un animateur radio s’était confié qu’il avait subi des commentaires négatifs de ses collègues et s’était vu retire quelques mois plus tard la tranche de l’antenne qu’il animait.

Le militant ougandais David Kato, tué en 2011 après qu'un tabloïd ougandais a publié son nom des une liste d'homosexuels présumés.

Le militant ougandais David Kato, tué en 2011 après qu’un tabloïd ougandais a publié son nom des une liste d’homosexuels présumés.

Un autre fait d’autant plus grave et préoccupant à propos de cette liste, c’est que des mineurs vivant encore sous l’autorité parentale et dépendants de leur prise en charge qui, une fois que leur sexualité présumée ou réelle sera révélée à leurs parents. Résultats vécus, des expulsions du nid familial, des jeunes sans moyens de survie qui se retrouvent seuls dans la nature face à leurs destins, des problèmes de santé mentale qui surviennent, se manifestant par une forte dépression notamment. Des vies brisées avec la scolarité qui s’interrompe brutalement. Des repères perdus ou troublés.

La nouvelle liste camerounaise est similaire aux listes homophobes publiées en Ouganda en 2010 et 2013 et au Kenya en 2015.

À la fin de 2010, le tabloïd ougandais Rolling Stone a publié les noms et les photos d’homosexuels présumés, dont David Kato, un militant des droits des LGBTI. Le groupe de défense des droits des LGBT, Sexual Minorities Uganda, a intenté une action en justice contre le journal. La Haute Cour ougandaise lui a ordonné de cesser de publier les noms d’homosexuels présumés et de payer à chacun des trois plaignants (les militants Kato, Kasha Jacqueline et Pepe Onziema) une amende de 1,5 million de shillings ougandais (environ 450 $). En janvier 2011, peu après ce verdict a été annoncé, Kato a été assassiné.

Au Cameroun, la liste n’a pas été publiée par un journal susceptible d’être poursuivi en justice. Elle a surtout été partagée sur les groupes WhatsApp. On ne sait pas comment arrêter une telle opération sur ce réseau social.

Erin Royal Brokovitch, l’auteur de cet article, est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.

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