Au Cameroun, des homophobes violents ne sont pas satisfaits d’attaques contre les personnes LGBT. Ils attaquent aussi les familles des personnes LGBT.
L’activiste camerounais des droits LGBT, Dominique Menoga, s’est enfui en France pour sa vie en 2012 et y a obtenu l’asile. Maintenant, trois membres de sa famille sont menacés constamment et se cachent pour échapper à la persécution qu’ils subissent au Cameroun en raison de leur association avec lui.
Lire ci-dessous le premier des deux articles basés sur les récits des membres de la famille, écrit avec l’aide de leur ami XmoinY (un pseudonyme).

Joséphine Raïssa Ebie (Photo de XmoinY)
Joséphine Raïssa Ebie, née en 1996 à Yaoundé, Cameroun
À cause du combat militant de son oncle Dominique Menoga pour les droits humains des personnes LGBT, Joséphine Raïssa Ebie, a vécu la persécution familiale mais aussi des jeunes garçons à Yaoundé au quartier de Manguier/Etoudi, puis à Emana.
Elle était encore petite, quand elle se souvient d’avoir vu son oncle et se faire battre pendant des semaines puis enfermé dans une chambre sans boire ni manger parce qu’on avait découvert l’innommable : il était homosexuel. La jeune fille avait alors environ 5 ans et a été traumatisé par le tumulte familial que cela créait.
C’est alors qu’un jour, la grand-mère de Joséphine decida qu’elle irait vivre chez ses sœurs à Emana. Elle décida aussi que Guillaume Albert (le frère de Dominique Menoga), la suivrait aussi, car il était aussi en bas âge.
Joséphine a été adoptée officieusement (pas légalement) par Dominique.
Mais la famille voulait combattre «l’esprit malin de l’homosexualité » pour qu’il ne touche pas les autres enfants, sinon ces derniers deviendraient soit des pédés soit des lesbiennes. Ce sont les paroles que tout le monde dans la famille déclaraient.
Donc Joséphine et Guillaume, devaient être mis à l’abri de cet esprit. On disait aussi que cet esprit venait de la lignée de la maman de Dominique Menoga. Celle-ci devait donc se taire et suivre toutes les recommandations que la famille prenait.

Joséphine au fin de sa formation en hotellerie et restauration en 2016.
Vers l’âge de 15 ans, la plus grande des sœurs de sa grand-mère lui lance « Tu vas apprendre à devenir une femme ici ! À aimer les hommes. Si on te fait partir à Manguier chez ta grande mère, tu finiras comme ton oncle par ce que tu deviendras lesbienne et on ne veut pas ça ».
On l’interdisait de se laver avec ses tantes. « Il ne fallait pas que je les vois nues, de peur que je commence à aimer voir des femmes nues » , rapporte la jeune fille.
Elle se souvient:
« On surveillait si ma poitrine gonflait, pour voir si vraiment je devenais une femme.
« Une autre des sœurs de ma grand-mère avait fait venir un garçon qu’elle connaissait. Ce garçon a été hébergé à la maison et il dormait dans ma chambre.
« Il est resté trois mois chez nous, moi je faisais tout pour le repousser. Je ne voulais pas le voir mais je me sentais obliger de dormir avec lui tous les jours. J’avais peur de tomber enceinte, j’allais me retrouver à la rue si c’était le cas .
« Un soir après les fêtes de fin d’année il a commencé à me faire des attouchements. J’ai laissé faire pour ne plus qu’on me parle toujours d’être une femme, qu’une femme doit avoir des enfants » .
C’est à partir de ce jour qu’elle a été violée avec la complicité de sa famille. Violée pour qu’elle devienne une femme et échappe à « l’esprit de l’homosexualité» .
Quelques mois plus tard, quand les sœurs de sa grand-mère découvrent que Joséphine est tombé enceinte, elles étaient contentes. « Tu vas devenir une vraie femme, tu commences à faire les enfants ! C’est bien çà ». Alors que que la jeune fille se sentait salie, honteuse et avait peur qu’on la chasse !
Son fils nait en novembre 2016.
Joséphine a vécu à Emana jusqu’en 2018. Son oncle Dominique, devenu citoyen français par naturalisation, rentre au Cameroun pour une visite familiale et decide de la rapatrier au quartier de Manguier auprès de sa mère.
Joséphine raconte cette période:
« Il y avait chaque jour des bagarres tous le temps, les injures et les menaces à cause de mon père adoptif. On nous repetait et on crait à qui voulait l’entendre qu’il était «pédé» , que nous sommes une famille de pédés et de lesbiennes.
C’est ainsi que les voisins ont traité la famille.
Plusieurs fois j’ai failli me faire violer par les jeunes du quartier, qui cherchaient à me punir pour l’orientation sexuelle de mon oncle.
Un jour, en allant au marché du quartier, un jeune m’a attrapé par le bras en disant « Donne-moi ton argent, fille de pédé ! ». Il m’a frappé à la tête au point de me faire tomber à terre. Les gens autour riaient » .
Joséphine s’est alors mise à pleurer en rentrant à Manguier à la maison, honteuse. Cet argent venait de Dominique, qui le lui avait envoyé pour qu’elle fasse les courses de son fils.
Tous les jours elle prie pour sortir de ce quartier, de cette famille. Elle vit dans une peur qu’on jette sur elle toute la haine de qu’on a envers Dominique Menoga. Elle dit:
« Je veux vivre une vie normale, mais maintenant je crains de devoir à nouveau subir les persécutions que j’ai laissées derrière moi. Je crains non seulement pour moi, mais aussi pour mon fils de 18 mois, qui est resté dans ce quartier, et pour d’autres membres de la famille. »
Voilà comment au Cameroun en 2018, on peut vous voler votre vie dès le plus jeune âge à cause de l’homosexualité d’un membre de votre famille.

Des voisins ont menacé toute la famille
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C est quand même terrible. Des cas comme cette jeune fille, j en ai entendu parler mais la ! C est trop grave ! C est de la torture . J imagine ce qu elle a pu vivre ! On a du la harceler , surveiller ses moindres faits et gestes, la forcer a faire ceci cela de peur qu elle devienne lesbienne ! De l obscurantisme pur et dur !
On lui a volé véritablement sa vie ! J imagine déjà les cousins et autre memebres de sa famille lui faire des atouchements et autres, en se sentant légitimer pour la « corriger » comme il le dise !
Je soutiens ceux qui veulent partir du pays pour cela ! C est le seul moyen véritable pour se reconstruire, loin de toute menace!
Courage à elle.
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