par Colin Stewart

Le rapport du HRW «Not Safe at Home – Violence and Discrimination against LGBT People in Jamaica» (Pas de sécurité chez soi – La violence et la discrimination contre les personnes LGBT en Jamaïque)
Un récent rapport du Human Rights Watch (HRW – L’Observateur des droits humains) dresse un sombre tableau familier de la vie LGBT en Jamaïque homophobe, mais il parle avec optimisme sur les signes de progrès. HRW dit:
« La violence contre les personnes LGBT en Jamaïque aujourd’hui est expansive. La police, les écoles et les hôpitaux pratiquent la discrimination contre les personnes LGBT en Jamaïque. Mais les attitudes sont en train de changer et un vif débat public sur les droits des LGBT se déroule au sein du gouvernement, dans les églises, et dans deux blogs et dans les médias traditionnels. »
Lors d’un entretien publié par HRW, le recherchiste Rhon Reynolds parle du rapport, «Not Safe at Home – Violence and Discrimination against LGBT People in Jamaica» (Pas de sécurité chez soi – La violence et la discrimination contre les personnes LGBT en Jamaïque) et ce qui doit être fait pour protéger les LGBT Jamaïcains.
Ici sont des extraits de cette interview:
L’homosexualité est-elle interdite en Jamaïque?
Non, mais la Jamaïque a des lois coloniales britanniques sur la «sodomie» sur ses livres qui interdisent les hommes d’avoir des relations sexuelles anales avec des hommes. Il a aussi des lois de «grossière indécence» qui interdisent l’intimité physique entre les hommes, en public ou en privé. Il n’y a pas de lois visant les lesbiennes, mais ils sont toujours victimes de discrimination. Le Premier ministre Portia Simpson-Miller a parlé ouvertement de se débarrasser des lois sur la sodomie, mais elle n’a pris aucunes mesures concrètes importantes dans cette direction. Ses paroles sont un pas dans la bonne direction – d’autant plus que l’ancien Premier ministre de la Jamaïque, Bruce Golding, avait déclaré à la BBC que les homosexuels ne seraient pas autorisés dans son cabinet. Mais elle a besoin de faire plus.
Pourquoi la Jamaïque est-elle si homophobe?
La Jamaïque est une société fortement chrétienne, et les communautés évangéliques organisent des conférences et des marches autour de tout soupçon de renverser les lois sur la sodomie. Lorsque des rumeurs tourbillonnaient l’été dernier que Miller devait abroger les lois sur la sodomie, 25 000 manifestants anti-homosexuels et des chefs religieux sont descendus pour protester dans les rues.
Bien qu’il joue un rôle moins important aujourd’hui, depuis les années ’90 les grands artistes du reggae ont sorti des chansons incitant à la violence et à la haine envers les personnes LGBT – ce qu’on appelle la « musique du meurtre. » Je me souviens d’être adolescent en Jamaïque dans les années ’90 et d’écouter la chanson « Boom Bye Bye » par Buju Banton. Ce fut un énorme succès en Jamaïque et à l’étranger. Mais un ami de mes parents m’a arrêté. Il m’a dit que la chanson était sur le meurtre d’un homme gay et que je ne devrais pas la chanter. C’était la première fois que j’ai entendu quelqu’un dire cela.
Depuis ce temps, des associations – y compris celles de la diaspora jamaïcaine – ont commencé à mobiliser contre cette musique et par conséquent, les pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, et le Canada ont annulés des visites et refusés des visas de voyage pour certains artistes. Quelques-uns des artistes ont fait des excuses publiques. Mais les temps changent. La musicienne populaire du reggae, Diana King, s’est déclarée lesbienne, et l’artiste Mista Majah P a sorti un album pour appuyer les droits des LGBT en Jamaïque.
Pour du contexte, il est important de se rappeler que la Jamaïque a un taux élevé de meurtres, de criminalité et de pauvreté; nous ne pouvons pas regarder la violence anti-LGBT en isolement. Ce qui est unique aux crimes haineux en Jamaïque est que presque aucun des cas documentés dans le rapport ont conduit à une enquête de police ou à une arrestation. En raison de la quantité de rage qui aliment ces crimes, le gouvernement devrait prendre l’initiative d’élaborer et mettre en œuvre une loi contre les crimes haineux.
[Reynolds raconte alors deux histoires:
- Un jeune homme qui a été menacé par une foule, a perdu son emploi et a été expulsée de son chez-soi familiale parce qu’il était homosexuel; et
- Un couple de lesbiennes sont contraints de demander l’asile à l’étranger, laissant leurs enfants derrière, après avoir été forcé de se déplacer à cinq reprises, violées, et rejetées par la police alors qu’ils tentaient de déposer une plainte.]
Sur la base de ces deux histoires, la police fait partie du problème?
Oui. Bien que, pour être juste, il y a eu une amélioration au cours de la dernière décennie. Lorsque le Human Rights Watch a publié son premier rapport sur les droits des LGBT en Jamaïque en 2004, la situation était encore pire. Aujourd’hui, les policiers sont moins susceptibles d’être les auteurs de violences et sont un peu plus susceptibles de répondre. Je parlais avec un policier gay pour le rapport – il vit dans la terreur de la violence qu’il envisage si d’autres devaient connaitre sa sexualité – et il connaissait de nombreux cas où la police ont refusé de documenter, d’étudier, ou de procéder à des arrestations en raison de la violence homophobe. La grande majorité des personnes LGBT avec qui j’ai parlé disent que la police se moquait d’eux et les agressaient verbalement lorsqu’ils ont essayé de déposer une plainte. Beaucoup de gens LGBT trouvent difficile de faire confiance à la police, ou de leur demander de l’aide.
Avec l’homophobie si ancrée dans la culture, la modification des lois sera-t-elle assez?
Le gouvernement devra en faire plus. Il faut promouvoir un dialogue au sujet des droits des LGBT. Les écoles pourraient avoir des discussions autour de l’identité et de la sexualité. Les hôpitaux et les cliniques médicales doivent garantir la confidentialité. Actuellement, les homosexuels ne peuvent pas faire confidence aux médecins et aux infirmières sans avoir peur d’être démasqué dans leur communauté – et de la violence que peut suivre. Sans surprise, la Jamaïque a un taux élevé du VIH. Si les gens essaient de cacher leur identité, ils ne seront pas en mesure d’accéder aux informations importantes au sujet du VIH.
Le gouvernement doit faire preuve de leadership. Dans son passé, la Jamaïque a combattu le colonialisme et l’esclavage. Sa devise est «Tous différents, tous unis. » Ce sens de la diversité et de l’inclusion est supposé être l’éthique de la Jamaïque. Si la Jamaïque embrasse vraiment ces principes, le leadership dans le domaine des droits des LGBT devrait suivre.
Pour plus d’informations:
- Lire l’interview complète, « La vie des personnes LGBT en Jamaïque. »
- Lire le rapport complet, «Not Safe at Home – Violence and Discrimination against LGBT People in Jamaica » (Pas de sécurité chez soi – La violence et la discrimination contre les personnes LGBT en Jamaïque)
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