Amériques/Foi et religion

Haïti : « Ma mère transgenre est une femme formidable ! »

Suite au webinaire portant sur les familles homoparentales et transparentales de foi et de spiritualité dans les Caraïbes, organisé à l’initiative du Global Interfaith Network, le 25 mars dernier, Yaisah puis son mari Richecarde s’étaient prêtés au jeu de l’interview. Aujourd’hui, c’est au tour de Cedrick, le fils biologique de Yaisah, de nous parler de son enfance dans un foyer avec une mère transgenre.

Yaisah à gauche et son fils Cedrick à droite (@unaids)

76crimes : « Comment as-tu vécu le coming-out trans de ta maman ? »

Cedrick Mehu : « C’est survenu quand je venais d’obtenir mon baccalauréat. J’avais 17 ans. Honnêtement, ça s’est bien passé. Forcément j’en suis venu à devoir poser des questions pour savoir comment j’avais été conçu, car je n’ai pas souvenance de ma mère avant sa transition de genre quand j’étais petit. Mais globalement à partir du moment où ma mère a fait son coming-out, nos relations se sont encore rapprochées et nous sommes devenus davantage complices qu’auparavant. L’on n’a moins de barrières entre nous pour pouvoir se dire les choses et en tant qu’enfant, je trouve ça vraiment génial. Pour moi, il n’y a eu que du positif dans ce coming-out.

Cedrick Mehu

Ensuite, c’est pour ma maman que les choses ont été plus complexes, car l’annonce de sa transidentité est devenue virale et en moins de 2 semaines, à peu près tout le monde était au courant dans la communauté où nous vivions. Pour ma mère, ça n’a pas été facile et c’est elle qui a dû endosser toutes les attaques. Néanmoins, c’est une femme solide et résiliente et elle a fait de son mieux pour nous à cette époque là, afin de nous protéger du qu’en-dira-t-on.

D’ailleurs, avec certains parents, ça a crée des frictions et ils ne voulaient plus voir leurs enfants jouer avec nous. Je sais que pour ma sœur, plus jeune, ça a été une épreuve, mais à mon niveau, je l’ai très bien vécu et c’est même une des meilleures choses qui ait pu nous arriver, afin de ressouder nos liens familiaux ».

76crimes : « As-tu pu faire connaissance de ta mère biologique ? »

Cedrick Mehu : « Oui, j’ai posé plein de questions à ma mère sur les circonstances de ma naissance et à vrai dire, j’avais déjà rencontré ma mère biologique étant jeune, mais je ne savais pas du tout qui elle était. Après le coming-out trans de ma mère, il m’a fallu un certain temps pour pouvoir me retrouver avec l’autre partie de ma famille, du côté des Cayes, en Haïti. Aujourd’hui, il m’arrive de leur rendre visite également, de temps à autre. Pour moi, ça m’a permis d’agrandir ma famille et je trouve ça bien ».

76crimes : « Ta mère est une femme chrétienne croyante, avec l’église comment ça s’est passé ? »

Cedrick Mehu : « A partir du moment où ma mère a fait son coming-out, ça a crée une cassure avec les membres de l’église que nous fréquentions. Cependant, ce n’est pas parce que l’on ne va pas dans une église que cela signifie que l’on n’a pas de spiritualité et dans ma famille, le coming-out trans de ma mère a permis de ressouder les liens entre nous, y compris spirituellement. A présent, l’on fréquente peut-être moins de gens, mais les personnes qui nous entourent sont plus authentiques ».

76crimes : « Qu’as-tu pensé du webinaire organisé par GIN-SSOGIE concernant les familles homo et transparentales dans les Caraïbes en début d’année ? »

Cedrick Mehu : « J’ai trouvé ça bien. Au moins, ça nous permet, nous enfant, de pouvoir prendre la parole et que les gens puissent nous écouter et savoir que l’on existe. L’on peut raconter nos trajectoires de vie en dédramatisant totalement ce qu’est une famille transparentales. Aujourd’hui, je suis père d’un jeune enfant de moins d’un an et je suis un jeune adulte bien dans ma peau et bien dans mes baskets dans la vie. Sans ma mère, jamais je n’aurais pu être l’adulte que je suis devenir aujourd’hui. Ma mère transgenre est une femme formidable ».

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