Europe

U.E : Les différentes approches de la transidentité en Europe

En 2017, la Cour Européenne des Droits de L’Homme (CEDH) a rendu une jurisprudence valable dans l’ensemble des États membres. On parle de l’arrêt A.P., Garçon et Nicot contre la France. Cette jurisprudence permet de faire valoir une transition de genre sans actes médicaux. Avant, l’on ne pouvait pas faire valoir un changement d’état civil en l’absence de preuve de vaginoplastie pour une femme trans, mais il a été constaté qu’il s’agissait là d’une violation manifeste de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit au respect dû à la dignité humaine, ainsi que le droit au respect dû à la vie privée.

Pour 76crimes, Maxime-Margaret de Stop Homophobie va nous dresser un état des lieux des droits des personnes transgenres dans l’Union Européenne, en s’appuyant sur quelques exemples.

Logo de la CEDH (image libre de droit)

Entretien avec Maxime-Margaret Loiry, « cheffe de pôle des transidentités » chez STOP homophobie.

76crimes : « Pourquoi parle t-on d’une approche française des transidentités ? »

Maxime-Margaret Loiry : « En France, le ministère de la santé a retiré en février 2010, «les troubles précoces de l’identité de genre» de la liste des affections psychiatriques, par décret au Journal officiel.

Maxime-Margaret Loiry (@maxime-margaret)

Cependant, jusqu’en 2016, c’était une approche psychiatrique de la transidentité qui prévalait, avec une obligation de suivi de transition auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue clinicien.

Concrètement, cela impliquait une obligation à devoir démarrer une vie sociale dans l’autre sexe, avant de pouvoir démarrer un traitement médical. Par exemple, pour une femme trans, il fallait être hyper féminine au risque de devoir se faire agresser sur la voie publique.

Cela avait pour inconvénient de restreindre considérablement la diversité des parcours de transition.

Aujourd’hui, grâce à la loi du 18 novembre 2016, il n’y a plus de délai entre la transition sociale et le début de la transition médicale, voire administrative. Ce sont 3 parcours qui sont disjoints mais qui peuvent être entremêlés si la personne en ressent le besoin.

De toute façon, il faut voir la transition comme un marathon. Et il advient de faire les choses à point nommé.

Autre point, depuis début 2023, pour pouvoir démarrer une transition, il n’y a plus besoin de certificat psychiatrique, puisque le médecin conseil de l’assurance maladie qui posait cette exigence a été condamné ».

76crimes : « Qu’en est-il ailleurs, dans les autres pays européens ? »

Maxime-Margaret Loiry : « En Espagne, il y a une libre auto-détermination de genre à partir de l’âge de 16 ans, avec une procédure déclaratoire pour pouvoir changer son genre depuis février 2023.

Carte de l’Union Européenne à 27 (@uefrance)

Plus loin à Malte, depuis 2015 ils ont abandonné tous les critères d’hormonothérapie et de psychiatrie ou d’interventions médicales pour pouvoir changer de genre. Il s’agit là d’une appréciation poussée du libre consentement qui a été retenue comme approche.

Ailleurs, chez nos voisins allemands, c’est toujours un psychiatrisation des transitions qui a cours, puisque 2 psychiatres doivent déterminer si la personne requérante pour un changement de genre au tribunal est apte. Toutefois, la ministre allemande de la famille a récemment affirmé que «le droit de vivre une vie autodéterminée est fondamental pour tous».

En Grande-Bretagne, où il n’existe pas de psychiatrisation, ce sont les transitions chez les mineurs qui divisent le Royaume-Uni. Depuis fin 2020, il faut avoir 16 ans pour pouvoir entamer une transition, puisque les juges britanniques estiment « qu’il est hautement improbable qu’un enfant âgé de 13 ans ou moins soit compétent pour consentir à l’administration d’inhibiteurs de puberté ». L’Ecosse qui souhaite voir autoriser les transitions de genre dès l’âge de 12 ans, en est empêchée.

En définitive, je m’interroge sur la nécessité de conditionner le changement d’état-civil en France, à une décision du tribunal, plutôt que de passer en mairie, comme d’autres pays, avec une simple procédure déclaratoire. Pourtant, il s’agissait là d’une recommandation forte du précédent défenseur des droits, Jacques Toubon, le 26 juin 2020 ».

76crimes : « Qu’en est-il des droits reproductifs ? »

Maxime-Margaret Loiry : « Quand on démarre une transition médicale, l’on prend des bloqueurs de testostérone quand on est une femme trans et les capacités reproductives de la personne s’en retrouvent altérées.

Mais pour avoir des enfants, c’est encore plus difficile. L’on peut faire conserver ses gamètes dans des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS), toutefois il n’y a pas uniformité dans la prise en charge des gamètes des personnes trans en France.

Parcours d’un couple français qui souhaiterait avoir recours à une GPA à l’étranger (@gpaproject)

Depuis 2013, avec le mariage pour tous, la question de la parentalité se pose de façon encore plus prégnante avec l’ouverture du droit à l’adoption pour les couples de même sexe. Néanmoins à ce jour, seuls 5 couples de même sexe ont eu réellement la possibilité de pouvoir adopter.

Ensuite, depuis 2022, la PMA a été étendue aux couples de femmes lesbiennes, puisque auparavant la procréation médicalement assistée n’est ouverte qu’aux femmes célibataires ou aux femmes vivant en ménage hétérosexuel. Cependant il existe bien une PMA fermée aux hommes transgenres pour des motifs arbitraires.

Enfin en Espagne, en Belgique et en Ukraine existe la gestation pour autrui (GPA) dont certains s’obstinent à parler de « location d’utérus ». Or, la GPA pose la question de la transcription de la parentalité en droit en France, bien qu’il existe une jurisprudence restrictive, puisque l’article 7 de la loi relative à la bioéthique du mois d’août 2021 dispose que « l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA réalisée à l’étranger ne peut désormais être transcrit que pour établir un lien de filiation à l’égard du parent biologique ».

A l’heure ou les pays voisins de la France s’emparent de ces enjeux de procréation et de parentalité, est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux que l’on songe à bâtir un parcours de GPA en France, avec des droits et des règlements afférents ? Bien entendu ici, je m’exprime en mon propre nom ».

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