Amériques

Haïti : « On risque de passer IDAHOT au milieu des pénuries ! »

Sous pression de la communauté internationale et des États de la région inquiets de la vacance du pouvoir en Haïti, un nouveau conseil de transition censé organiser des élections générales en 2026 vient de se mettre en place, avec pour chef Edgar Leblanc Fils, après des semaines d’atermoiements. Il s’agit du second conseil de transition en 3 ans après celui qui avait vu le jour consécutivement à l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021.

Aussi, une force de police béninoise devrait venir en aide aux nouvelles autorités haïtiennes, afin de faire revenir l’ordre et la sécurité dans la capitale, Port-au-Prince, qui vit présentement sous la coupe réglée de gangs violents qui favorisent le transbordement de cocaïne à destination des États-Unis, tout en organisant la rareté des biens dans le pays grâce au contrôle des zones de fret portuaires.

En attendant, pour les communautés LGBT+ vivant sur place, l’approche de la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (IDAHOT) ne change rien à un quotidien de pénuries.

Vue aérienne du Cap-Haïtien (Instagram: @palmis_tour)

Pénuries de médicaments et émigration du personnel de santé

Dominique Rebel Saint-Vil (Directeur de l’organisation des personnes trans d’Haïti) souligne les difficultés à se procurer des hormones pour les personnes souhaitant effectuer des transitions de genre, car ce type de médicament est introuvable en Haïti et d’ordinaire, l’approvisionnement se fait en République Dominicaine, alors que les frontières entre les deux États sont à présent presque fermées. La République Dominicaine ne délivre plus de visa à des ressortissants haïtiens depuis plusieurs mois maintenant.

Johnny Clergé (Directeur de l’organisation Arc-en-Ciel d’Haïti) pointe une situation alarmante pour les patients souffrant de diabète avec des difficultés criantes pour pouvoir s’approvisionner en insuline.

Merlin Jean (Directeur d’Héritage pour les Droits Humains) dans le nord d’Haïti, observe qu’il n’y a pas de pénuries d’antirétroviraux pour les patients vivant avec le VIH, grâce à une bonne gestion des stocks dans le contexte de crise que traverse Haïti. En revanche, au niveau du système de santé, il observe une désorganisation au niveau de la prise en charge médicale des infections sexuellement transmissibles, telles que la syphilis. Dans certains endroits le dépistage est possible, mais les traitements sont introuvables, tandis qu’ailleurs les médicaments existent, mais pas le personnel de santé.

A cet effet, Johnny Clergé ajoute que l’émigration des ressources les plus qualifiées du pays se fait déjà ressentir dans les domaines de la prise en charge gynécologique ou de la dermatologie, malgré les prix prohibitifs des billets d’avion (1000 $) à destination de Miami située à 2 heures de vol, depuis le seul aéroport international ouvert du pays, dans la ville du Cap-Haïtien.

Pour rappel le salaire mensuel moyen en Haïti est de 134 $.

Carte des 10 départements d’Haïti (Instagram: @la_nati_ayiti)

Pénurie d’essence et de combustible et cherté de l’alimentation

Merlin Jean souligne que l’essence se fait de plus en plus rare et chère et que sa distribution à travers le pays s’organise à l’aide de circuits parallèles gérés par les gangs avec la complicité de fonctionnaires corrompus au niveau des autorités portuaires de la capitale. « Actuellement, le gallon d’essence coûte près de 1500 gourdes, soit 10 $ et se vend en bidon », déplore t-il.

Dans un pays où la fourniture d’électricité est d’ordinaire aléatoire, ce n’est pas sans conséquence non plus pour les nombreux propriétaires de groupes électrogènes qui fonctionnent au diesel.

Enfin cette situation se répercute sur les prix de l’alimentation puisque les prix des denrées de base, riz, huile ou maïs ont fortement augmenté, alors que 5,2 millions d’haïtiens connaissent une situation d’insécurité alimentaire chronique. « Par exemple, le sac de riz qui se vendait à 75 gourdes il y a quelques semaines se vend maintenant à 100 gourdes », explique Johnny Clergé.

Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie

Merlin Jean et Johnny Clergé évoquent tous deux un contexte plus que morose avant IDAHOT, néanmoins ils tiennent à marquer le coup pour le 17 mai prochain, « même si de grandes incertitudes sécuritaires et financières se posent », avancent-ils.

Tandis que les gangs n’entendent pas déposer les armes, Johnny réfléchit à organiser IDAHOT dans un grand hôtel sécurisé de Port-au-Prince. Néanmoins relève t-il « l’inflation concerne également les services hôteliers ».

Dans ce tableau triste et pessimiste, la possible réouverture de l’aéroport de la capitale semble autoriser une timide lueur d’espoir.

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