Afrique subsaharienne

Dépénalisation de l’homosexualité au Gabon : le Cameroun s’interroge

La dépénalisation de l’homosexualité au Gabon a été adoptée par le parlement à l’issue de trois semaines de débats, le 29 juin dernier. Au Cameroun, cette décision historique est saluée par la discrète communauté LGBT et par plusieurs associations, mais fortement critiquée par une partie de l’opinion publique.

Libreville, la capitale politique et administrative du Gabon.

Par Courtney Stans

La nouvelle continue de faire la une de la presse au Gabon, et le buzz sur les réseaux sociaux. La dépénalisation de l’homosexualité a été adoptée, lundi 29 juin 2020, par le sénat gabonais, après trois semaines de débats houleux. L’assemblée nationale avait déjà voté en ce sens le 23 juin. Cette décision historique du parlement est de toute première importance pour la communauté LGBT.

Depuis un amendement du code pénal voté au Sénat gabonais en juillet 2019, l’homosexualité était une « atteinte au mœurs » passible de six mois de prison et d’une amende de 5 millions de francs CFA, soit la somme considérable d’environ 7 600 euros. La modification de la loi, portée par le premier ministre Julien Nkoghe Bekale à peine un an après son adoption, est vécue comme une trahison et une injure par une partie de l’opinion publique. Les opposants affirment que le vote des parlementaires est loin de refléter l’opinion d’un grand nombre de Gabonais.

Dans plusieurs pays africains de la sous-région centrale, pourtant, des positions passionnées se déchirent sur cette évolution socio-humaine qui n’est rien d’autre qu’une question de respect des droits humains.

Au Cameroun, plusieurs leaders d’opinion ont participé à des débats médiatiques afin de donner leur opinion sur cette question : «il s’agit d’une perte de valeur africaine, une imposition coloniale d’une pratique étrangère connue et appréciée comme contre-nature par nous, les Africains», selon un des intervenants.

Carte de la Cemac, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Carte par APA News)

Ce vote surprise en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité du mercredi 24 juin 2020 par les députés gabonais inquiète les camerounais qui craignent que ce phénomène s’étende à tous les autres Etats de la Cemac (Cameroun, Congo, Guinée-Equatoriale, République centrafricaine et Tchad).

Les députés gabonais ont voté la dépénalisation de l’homosexualité à la majorité. 48 voix pour et 24 contre. 25 se sont abstenus. Il ne reste plus que le passage du texte au Sénat qui ne sera qu’une simple formalité.

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe au sein de l’opinion camerounaise. Si les activistes pro-LGBT estiment qu’il s’agit d’une « victoire des droits humains » sur la discrimination en Afrique, la majorité condamne.

L’avocate Alice Nkom, très impliquée dans la lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité au Cameroun, fait savoir qu’elle n’arrêtera pas son combat. « Je lutte contre toutes les discriminations, sociale, tribale, sexiste ou en raison de l’orientation sexuelle (…) les droits des LGBT sont des droits humains », soutient maitre Nkom.

Selon les mauvaises langues, le gouvernement gabonais aurait cédé à la pression de lobbies LGBT. « C’est la preuve que les institutions africaines sont otages des groupes puissants qui sont prêts à tout pour imposer l’homosexualité en Afrique », s’indigne un auditeur sur les ondes d’une radio privée de Yaoundé.

« Le Gabon est la honte de l’Afrique centrale », écrit Didier Ndengue journaliste blogueur camerounais bien connu. « Désormais le diable danse en talons en public en Afrique centrale. Cette région, convoitée par les plus grandes puissances du monde, se livre aux pratiques contre-nature », poursuit-il.

Rappelons qu’au Cameroun, l’homosexualité est punie depuis 1972. En effet, selon l’article 347-1 du code pénal de 2016 promulgué par la loi 2016/007 du 12 juillet 2016, « est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de vingt-mille FCFA à deux-cent mille FCFA, toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe ».

Les plus éclairés savent que ce n’est qu’une question de temps pour que saute le verrou de l’article 347 au Cameroun, et que le droit triomphe des discriminations dont sont victimes les groupes LGBT dans le pays.

L’auteure de cet article, Courtney Stans, est une journaliste camerounaise qui écrit sous un pseudonyme. Contactez-la à info@76crimes.com.

Article édité par Bruno Agar, membre du African Human Rights Media Network, docteur civilisationniste de l’université Paris-Saclay au Centre Universitaire de Mayotte. Bruno s’intéresse aux problématiques médiatiques contemporaines, en particulier dans le contexte africain.

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