L’action d’activistes défenseurs des droits et le soutien de donateurs ont permis la libération des trois derniers prisonniers qui purgeaient une peine d’emprisonnement pour homosexualité dans le nord du Cameroun.

La prison à Guider au nord du Cameroun.
Par Steeves Winner et Colin Stewart
A et son ami I (identifiés par leurs seules initiales pour des raisons de sécurité), ont été libérés le 30 août dernier à l’issue de quatre années d’emprisonnement sur une peine de cinq ans prononcée à leur encontre. Ils avaient été dénoncés à la police par une réceptionniste d’hôtel le 24 juin 2015.
Leur libération a été rendue possible par la bienveillance de citoyens nord-américains qui ont versé une participation financière pour le paiement des amendes et des frais de justice à hauteur de 777$.
Par ailleurs, la libération de ces hommes a été rendue possible par un travail en réseau : se sont impliqués dans ce combat le journaliste de plaidoyer Steeves Winner qui écrit pour ce blog ainsi que pour 76crimes.com, l’association Jeunes Solidaires de Garoua (AJSG) pour la défense des droits Lgbt au nord du Cameroun, ainsi que les avocats Me. Stéphane Aboa et Me. Honoré Kenko de Défenseurs Sans Frontières (DSF). Ces deux avocats ont travaillé bénévolement lors d’un séjour d’une semaine dans le nord du Cameroun qui avait été financé par des dons d’une valeur de 1.300$.
Sur le long terme, la libération des deux hommes de la prison de Guider a été rendue possible par les personnes qui soutiennent le travail de la Fondation Saint Paul pour la Réconciliation Internationale qui appuie le journalisme de défense des droits des personnes Lgbt, tel que ce blog. En outre, les sept années de travail et de reportages par les médias en ligne Erasing 76 Crimes et 76 Crimes en français sur les droits des personnes Lgbt au Cameroun ont établi les bases de ce succès à Guider.
Après sa libération de la prison de Tcholliré dans le nord du Cameroun, un jeune homme homosexuel s’interroge sur son avenir en tant qu’homme libre. (Photo de l’AJSG)
En juillet dernier, la Fondation Saint Paul et les blogs 76 Crimes avaient également aidé à organiser la libération du troisième prisonnier gay de la région, qui était sur le point de terminer une peine de trois ans d’incarcération à la prison de Tcholliré. Il a été libéré avec plusieurs mois d’anticipation après que son amende de 243$ et les frais de justice ont été payés par un lecteur nord-américain du blog.
Les nouveaux libérés, A et I, ont été arrêtés en 2015 pour motif d’homosexualité et condamnés à cinq ans de prison ferme au pénitentiaire de Guider. Dans cette prison, les deux hommes ont subi un climat fait de discriminations et de violences homophobes.
Heureusement, de janvier à juillet 2019, une assistance mensuelle leur a été fournie sous la forme d’aliments et d’articles d’hygiène dans le cadre du programme Not Alone. Ces fournitures leur ont permis de lutter contre la gale et d’autres pathologies du lieu.
Par la suite, l’équipe de plaidoyer constituée des deux avocats de l’organisation Défenseurs Sans Frontières est entrée en jeu afin de saisir le procureur d’une demande de mise en liberté. C’est dans le cadre de cette démarche que Maître Aboa et son confrère ont pu découvrir que les deux prisonniers étaient condamnés à cinq ans de prison sur le procès verbal et non à six ans selon le rendu du juge.
A et I sont à présent installés dans l’est du Cameroun chez un ami musulman gay. A travaille comme chauffeur de taxi moto, un emploi qui leur permet de vivre et de se nourrir. I espère se mettre à son compte. Il était marchand d’arachides avant son arrestation. Les deux hommes souhaitent pouvoir quitter le climat homophobe du Cameroun, mais leurs ressources sont encore insuffisantes. Ils ne peuvent pas compter sur le soutien de leurs familles qui les ont rejetés.

Logo de l’ONG Défenseurs Sans Frontières
A parle de leur libération en disant que « c’était un miracle de savoir que nous serions bientôt libérés. Nous savons que les donateurs ont beaucoup fait pour notre libération, et nous les remercions grandement. Les livraisons de nourriture nous ont donné la chance de survivre et de manger normalement car la nourriture en prison est de mauvaise qualité. »
Les livraisons d’articles d’hygiène du programme Not Alone, ainsi que leur sortie de l’univers carcéral ont permis de faire disparaître la gale dont il souffraient. Toutefois, les menaces, le harcèlement et la violence qu’ils ont subis en prison restent des traumatismes.
Steeves Winner, un des auteurs de cet article, est un activiste pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme. Le contacter à steeves.w@yahoo.com.
Colin Stewart, l’autre auteur de cet article, est l’éditeur des blogs Erasing 76 Crimes (76crimes.com) et 76 Crimes en français (76crimesFR.com) et le président de la Fondation Saint-Paul pour la réconciliation internationale.
Article édité et traduit par Bruno Agar, membre du African Human Rights Media Network, docteur de l’université Paris-Saclay Evry-Val-d’Essonne au Centre Universitaire de Mayotte. Bruno s’intéresse aux problématiques médiatiques contemporaines, en particulier dans le contexte africain.