Réputé parmi les Etats africains les plus homophobes, le Cameroun représente le jardin des discriminations homophobes et transphobes et offre le spectacle de nombreuses violences fondées sur l’orientation sexuelle et l’expression de l’identité de genre.

Le carrefour Bouba à Simbock, à Yaoundé, le lieu de l’agression de MP. (Photo de dailymotion.com)
Par Steeves Winner
Parmi l’ensemble des communautés LGBTI du Cameroun, les personnes transgenres sont celles qui sont les plus persécutées tant physiquement que psychologiquement à cause de la visibilité de leur identité de genre. Ces agressions ont engendré des élans de mobilisation communautaire au travers d’organismes tels que Transamical et Transigeance Cameroon dans la capitale Yaoundé.
Dans ce contexte, MP (un pseudonyme) exerce un véritable leadership communautaire forte de son expérience, et incarne tout à la fois une figure d’engagement et de détermination autant qu’une figure de combat et de résistance face aux transphobies. Néanmoins, cette vaillante guerrière des droits des personnes transgenres du Cameroun qui milite depuis des années au travers de son organisation Transigeance Cameroon est aujourd’hui menacée.
Le dimanche 30 juin 2019 aux environs de 23 heures, MP est victime d’un guet-apens transphobe qui a failli lui coûter la vie au lieu-dit SIMBOCK dans la ville de Yaoundé. Elle déclare peu après : « je me rends compte que la transphobie ne disparaîtra jamais dans cette société, pourtant nous sommes tous des êtres humains et tous égaux. Une fois de plus, j’ai failli y laisser ma vie alors que je me bats pour en sauver d’autres. »
Selon les informations recueillies, de retour d’une soirée chez une amie, elle est subitement apostrophée par sept inconnus aux visages cagoulés sur le chemin menant à son domicile au carrefour BOUBA, dans le quartier de SIMBOCK. La rue étant déserte, elle ne trouve aucun secours face à ses agresseurs. Ces derniers lui intiment l’ordre de leur remettre tous les objets de valeur en sa possession, notamment son téléphone mobile, son ordinateur portable de travail, mais aussi son portefeuille où se trouvent ses papiers d’identité, ainsi que son sac en bandoulière. Elle est alors injuriée : « pédé, fille-garçon, enfant du diable ! », et l’un de ses agresseurs lui demande même pourquoi elle s’entête à vouloir rester dans ce quartier, alors qu’elle a déjà reçu des menaces l’enjoignant à partir. Voulant se défendre verbalement, elle est alors l’objet d’un lynchage en règle par ses sept agresseurs, qui la laissent pour morte, dénudée.

Près du carrefour Bouba à Simbock à Yaoundé, le lieu de l’agression de MP. (Photo de dailymotion.com)
Après avoir repris conscience, MP se rhabille et regagne rapidement son domicile sans toutefois ressentir à ce moment-là une quelconque douleur. C’est une fois rentrée dans sa modeste chambrée qu’elle se rend compte des différentes lésions et traumatismes corporels subis. Criant à l’aide sous le coup d’une douleur atroce, c’est l’un de ses voisins qui parvient à l’emmener dans un petit centre de santé pour qu’elle reçoive les premiers soins.
Au cours de sa prise en charge médicale, elle est soutenue par les diverses organisations de défense des droits des personnes LGBTI du Cameroun, notamment Transamical, Humanity First Cameroun, Affirmatives Action et Alternatives Cameroun.
Logée dans un appartement meublé à sa sortie du dispensaire, car ne pouvant plus retourner à son domicile, elle sera une fois de plus chassée et éloignée de cet hébergement par les propriétaires en raison de son identité de genre. Un des propriétaires lui dit, « cet appartement n’est pas un refuge pour les pédés. Je tiens à ma réputation et à la moralité des lieux ».
Actuellement, la survivante occupe un hébergement temporaire mais a fortement besoin d’une assistance psychologique et d’un relogement définitif dans un quartier sécurisé où elle puisse vivre loin des regards transphobes. En outre, elle sollicite également un accompagnement pour une demande d’asile vers un pays où elle puisse vivre en toute quiétude.
Steeves Winner ajoute:
Faites un geste pour sauver la vie de cette vaillante activiste transgenre qui est en danger au Cameroun.
Steeves Winner, l’auteur de cet article, est un activiste pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme. Le contacter à steeves.w@yahoo.com.
Moïse Manoel, le rédacteur de cet article, vit a Paramaribo au Suriname ou il effectue ses recherches. Il est en doctorat de sociologie de l’Université des Antilles. Son champ d’études et de recherches sont les homophobies et les néocolonialités dans l’aire du Plateau des Guyanes en Amérique du Sud.
Article édité aussi par Bruno Agar, membre du African Human Rights Media Network, docteur de l’université Paris-Saclay Evry-Val-d’Essonne. Bruno s’intéresse aux problématiques médiatiques contemporaines, en particulier dans le contexte africain.
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