Non catégorisé

Cameroun : face à la pression parentale, elle tente de se suicider

Ayant dissimulé son homosexualité à sa famille pendant près de cinq ans, Baby (pseudonyme), vivant dans la maison familiale, essaye de mettre fin à ses jours en avalant du raticide suite à la découverte de son orientation sexuelle par ses parents.

Par Steeves Winner

Centré sur ses lois condamnant l’homosexualité, le Cameroun est l’un des pays d’Afrique où les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont encore condamnées à ce jour. Cet état de fait entretien une homophobie ambiante dans tous les domaines de la vie dans ce pays.

DrapeauCameroun

Drapeau du Cameroun

Cette situation s’illustre tristement à travers le cas de Baby, victime du rejet familial à cause de son orientation sexuelle.

Baby, jeune femme de 26 ans, vit dans le cadre familial dans la ville de Yaoundé au Cameroun, avec ses parents et ses deux petits frères. Etant la seule fille de la famille, elle bénéficie d’une attention particulière de la part de ses parents qui ne cessent de lui rappeler qu’elle doit se trouver un mari.

A maintes reprises, déclare-t-elle, « mes parents ont trouvé des prétendants pour que je me marie, mais j’ai jamais voulu du mariage car dans ma tête je savais que j’étais attirée par les filles ».

Voici son histoire dans ses propres mots:

Tout commence à l’âge de 19 ans lorsque je rencontre ma première amoureuse, avec qui j’ai eu une relation de trois ans sans que personne ne nous soupçonne. Habitant le même quartier, je la faisais passer pour une simple copine. Notre relation s’est dégradée lorsqu’elle a quitté le Cameroun pour un autre pays afin d’y poursuivre ses études.

Avec ma nouvelle copine Coco (pseudonyme), nous sommes ensemble depuis près de deux ans. Le vendredi 22 mars 2019, alors qu’elle m’avait envoyé un message, l’une de mes cousines qui était de passage à la maison tombe sur ce message d’amour alors qu’elle utilisait mon téléphone.

Après m’avoir posé quelques questions indiscrètes, elle est allée passer un appel à l’émetteur du message. Elle a très vite compris qu’il s’agissait de ma petite amie, et a aussitôt décidé d’alerter mes parents à leur retour du travail.

Après avoir enduré les insultes et les paroles dures de ma mère, « je comprends pourquoi à ton âge, tu n’es pas encore mariée et tu ne fais pas d’enfant ! », mon père m’a jetée hors de sa maison !

N’ayant pas le choix, je suis allée chez un ami qui m’a offert l’hospitalité car ma copine habite aussi avec sa famille, et je ne voulais pas aller la rejoindre de peur de lui causer également des problèmes. De plus, je savais pertinemment que cette nouvelle avait déjà été partagée avec tout le reste de la famille (tantes, oncles, cousins, etc), et qu’il m’était donc impossible de leur demander de l’aide.

Pendant mon séjour chez cet « ami », que nous appellerons Max, il a abusé de moi sexuellement au milieu de la nuit alors que j’étais endormie. Le lendemain j’ai voulu porter plainte, mais j’ai eu peur qu’il parle de mon homosexualité au commissariat. J’ai donc finalement décidé de juste quitter son domicile, pour aller dans la rue.

Le lundi matin, j’ai rencontré ma copine qui m’a donné le contact d’une de ses amies vivant seule. Je me suis rendue chez elle le soir même, mais épuisée et nerveusement à bout de force, je me suis moralement effondrée, et j’ai voulu mettre fin à mes jours en buvant du raticide.

DepressedBlackWoman

Image fournie à titre illustratif

C’est à l’intervention de cette amie que je dois d’être encore en vie. Elle m’a conduite dans un centre de santé où j’ai été prise en charge et on m’a fait un lavage d’estomac. Les frais d’hospitalisation ont été payés par elle et par ma copine.

À présent, je suis retournée au domicile de cette fille qui a décidé de me donner deux semaines pour quitter son domicile, car elle a peur de ce qui pourrait m’arriver, étant déjà sous le choc de ma tentative de suicide.

Steeves Winner ajoute:

Voilà le genre de situation auxquelles les personnes LGBTI sont confrontées au Cameroun, encore aujourd’hui. Sans aucune défense ou protection des autorités du maintien de l’ordre ou encore de la société, les personnes LGBTI sont livrées à la « justice populaire » et abandonnées à leur sort.

Il convient par conséquent d’interpeller les autorités camerounaises pour un meilleur encadrement des personnes, et pour l’amélioration de leur environnement socio-juridique. Ces efforts permettraient à tous de vivre dans une société plus juste, plus épanouie, et plus prospère.

Steeves Winner, l’auteur de cet article, est un activiste pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme. Le contacter à steeves.w@yahoo.com.


Article édité par Bruno Agar, membre du African Human Rights Media Network, docteur de l’université Paris-Saclay Evry-Val-d’Essonne. Bruno s’intéresse aux problématiques médiatiques contemporaines, en particulier dans le contexte africain.

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