Si la récente passe d’armes du 16 mai dernier à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar concernant la communauté LGBT+ était très attendu entre Ousmane Sonko, le premier ministre sénégalais et Jean-Luc Mélenchon, ancien candidat malheureux à l’élection présidentielle française de 2022, l’on était loin d’imaginer la déflagration dans qu’elle allait provoquer dans le paysage politique sénégalais. En cause un extrait où Ousmane Sonko évoque que « le phénomène n’est pas accepté, il est tolérée au Sénégal », nonobstant de lourdes peines de prison encourues dans les faits, avec 5 ans de prison et de 1,5 million de francs CFA d’amendes (2500 euros). Pour 76crimes, Sadio Dupuy Des Islets (pseudonyme), un observateur de la vie politique sénégalaise, natif de Dakar nous décrypte tout cela.

Sadio Dupuy Des Islets : « La couverture médiatique des échanges entre Jean-Luc Mélenchon et Ousmane Sonko diffère grandement entre la France et le Sénégal.

Si en France, il ne fait aucun doute qu’Ousmane Sonko est homophobe et hostile aux droits LGBT+ et à toute forme de décriminalisation de l’homosexualité, il n’en est pas de même au Sénégal où certains mettent en doute sa promesse faite il y a 2 ans de durcir la pénalisation de l’homosexualité sur place ». (NDLR : Il était question dans une proposition de loi invalidée de surpénaliser l’homosexualité avec des peines pouvant atteindre jusqu’à 10 ans de prison et 7 600 euros d’amendes dans un pays où le salaire moyen est de 146 euros mensuels, à peine, en 2017).

Pour rappel, Ousmane Sonko lors de son allocution devant un parterre d’étudiants à réitérer que : « sur ce phénomène, le Sénégal et beaucoup de pays africains ne peuvent accepter une quelconque velléité de légalisation de l’homosexualité ».

76crimes : « Qu’en est-il des retours politiques au pays de la Teranga ? »

Sadio Dupuy Des Islets : « On assiste à une déflagration de la coalition politique d’Ousmane Sonko, entre des islamo-conservateurs nationalistes qui ont salué la tonalité souverainiste du discours du premier ministre sénégalais sur l’homosexualité, ainsi que sa fermeté, à l’instar d’Ababacar Mboup, ex-coordinateur d’un groupe de pression islamiste And Samm Jikko Yi (Ensemble pour la défense des valeurs en wolof), tandis que les islamistes les plus radicaux coalisés autour de Jamra, se sont empressés de dénoncer un excès d’indulgence vis à vis des groupes LGBT+ puisque l’homosexualité ne saurait être même tolérée, selon eux.

Parmi les chefs de file de cette scission figure en bonne place d’anciens compagnons de route d’Ousmane Sonko dont l’inénarrable Mame Mactar Gueye, chargé de communication et porte-parole de Jamra, une ONG panislamiste ayant des sympathies pour l’AKP de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan.

A l’autre bout du spectre politique des figures de l’opposition et proches de l’ancien régime ont sauté sur l’occasion pour mettre à mal l’actuel premier ministre accusé de pratiquer un double discours.

Ainsi, l’imam Cheikh Ahmed Tidiane Ndao et l’influenceur – un kamoken – Bah Diakhaté ont été placés en garde à vue et inculpés pour diffusion de fausses nouvelles et outrage au chef de gouvernement suite à des accusations d’homosexualité portées à l’encontre de la personne d’Ousmane Sonko».

76crimes : « Que doit-on attendre pour la suite ?»

Sadio Dupuy Des Islets : « Pour l’instant, les élections prévues pour renouveler la chambre des députés doivent se tenir en octobre prochain, mais des élections législatives anticipées pourraient avoir lieu bien avant.

Durant cette période de transition, Jamra compte peser dans le débat public auprès des imams et des autorités religieuses et morales du pays, afin de faire valoir ses positions en faveur d’un durcissement et d’un élargissement des sanctions en cas d’homosexualité.

Il est à craindre que tout ce beau monde ne se réconcilie sur le dos de la communauté LGBT+ sénégalaise, avec des lendemains très difficiles en perspectives ».