Bruno nous fait partager aujourd’hui son histoire relative à son désir d’adoption à Mayotte en tant que gay. Dans une série de deux épisodes, il va nous narrer son projet, ses démarches ainsi que ses espérances, en contexte mahorais.
- Première partie (cette épisode ici)
- Deuxième partie
Propos recueillis au téléphone par Moïse MANOEL, le 28 Novembre 2020.
Bruno, d’origine toulousaine, travaille à Mayotte depuis septembre 2019. Mayotte, le territoire où il vit, est une petite île de l’archipel des Comores qui a la particularité d’être revendiquée à la fois par l’Union des Comores et par la France. Les Nations-Unies parlent à ce sujet d’annexion illégale à la France, depuis l’indépendance des Comores en 1975. Mayotte est administrée par l’autorité française en tant que 101ème département français depuis 2011.
D’où vient ce désir d’adopter un enfant ?
« En 2005 déjà, alors que je vivais en métropole, j’avais entamé des démarches et des procédures en vue de pouvoir adopter un enfant, en tant qu’adulte célibataire. J’avais déjà reçu une visite des services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) en vue de la préparation de mon dossier de demande d’agrément. C’est une rencontre avec un nouveau compagnon ainsi que des changements dans ma vie professionnelle qui m’ont contraint à mettre mon désir de paternité en sommeil.
Arrivé à Mayotte pour des raisons professionnelles, j’ai découvert un territoire dont la population est issue d’un brassage de nombreux pays d’Afrique. Je pense ici notamment aux Comores, avec lesquelles les flux migratoires sont intenses. Ici, rencontrer un mineur isolé n’est pas rare et dans ce contexte, étant dans une situation professionnelle stable, je me suis rapproché de l’association « enfance et familles d’adoption » dont j’ai sollicité l’accompagnement pour ce projet de long terme ».

Comment as-tu fait la rencontré de J ?
« J’ai rencontré J. par le plus grand des hasards, peu de temps après mon arrivée à Mayotte, alors que je cherchais mon chemin dans le dédale des ruelles de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île.
En tant qu’européen, je trouvais J. très grand pour ses 16 ans. D’autre part, je ne suis pas très au fait des divers phénotypes est-africains et tout m’amenait à penser que J. ait pu être mahorais. J’étais loin de penser qu’il puisse être mineur et originaire de la République Démocratique du Congo. Par la suite, j’ai su qu’il n’était présent à Mayotte que depuis 4 semaines, soit à peine plus que moi.
Avec le recul, je dirais que J. est d’un naturel plutôt réservé, voire méfiant. Cependant, comme lui et moi n’avons pas d’attaches à Mayotte, nous nous sommes rapidement attachés l’un à l’autre, en parlant beaucoup et en partageant nos expériences.
Malgré nos différences de culture, d’âge, d’origine, de parcours migratoire et de couleur de peau, J. m’a très rapidement fait part de son récit de la traversée en kwassa-kwassa du canal du Mozambique, pour rejoindre Mayotte, en dépit du danger d’une telle traversée. Cela l’a probablement marqué à jamais. Il avait besoin de se livrer sans jugement auprès de moi qui suis natif de l’Hexagone, car à Mayotte, les illégaux sont mal-vus. En même temps, cela a conféré une certaine densité et une certaine intensité à nos échanges. En définitive, notre projet d’adoption est né de cette alchimie ».
Quelles démarches avez-vous entreprises ?

« Au lendemain de son arrivée à Mayotte, J. a été confié à l’ASE. Et c’est lui qui m’a suggéré de contacter son éducatrice, que nous appellerons Pek, pour lui faire part de notre projet d’adoption. Tout ça est intervenu très rapidement, dès la mi-octobre 2019.
Au cours de ce premier entretien, j’ai dû répondre à une salve de questions approfondies. Néanmoins, l’entretien s’est bien déroulé. Mon interlocutrice a dans un premier temps rédigé un rapport très favorable à notre projet, car j’ai émis le souhait de prendre en J. charge jusqu’à sa majorité, et J. semblait avoir trouvé en moi une figure paternelle de substitution. Rien au terme de ce premier échange ne laissait augurer les énormes difficultés administratives ultérieures, ni la haine personnelle à laquelle nous allions être confrontés ».
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