Afrique subsaharienne

Cameroun : l’ambassadeur français aux droits LGBT+ annule sa visite

Durant toute la semaine passée, une violente campagne anti-française et LGBTphobe menée sur les réseaux sociaux a conduit à l’annulation de la visite de Jean-Marc Berthon, ambassadeur français aux droits LGBT+, au Cameroun. Il était attendu sur place, à l’initiative des organisations de la société civile locales, pour parler des questions de genre.

Cependant, les autorités camerounaises n’ont pas permis sa venue. Face au tollé diplomatique et médiatique, elles ont tenu à justifier leur décision par l’interdiction de la pratique homosexuelle au Cameroun.

Jean-Marc Berthon (@albayane.press.ma)

Par Steeves Winner

Jean-Marc Berthon, ambassadeur français aux droits LGBT+ depuis le 26 octobre dernier, est le visage de la diplomatie des droits humains voulue et impulsée par Emmanuel Macron, dans la continuité du travail initié par d’autres pays occidentaux, en faveur des personnes LGBT+ qui sont particulièrement persécutées dans le monde.

Cette nomination rencontre une résonance d’autant plus singulière que la France a un passé tumultueux et complexe avec ses anciennes colonies dont nombre pénalisent parfois durement l’homosexualité, à l’instar de la Tunisie, du Maroc, du Sénégal, du Cameroun, du Tchad, de l’Algérie, de la Guinée ou encore, de la Mauritanie. Pour rappel, au Cameroun, l’homosexualité est punie de 6 mois à 5 ans de prison ferme et les amendes peuvent s’élever jusqu’à 200 000 francs CFA, au titre de l’article 347-1 du 12 juillet 2016.

Une affiche de défense de la famille et des enfants, contre la venue de Jean-Marc Berthon

Jean-Marc Berthon a ainsi la délicate mission de faire vivre une diplomatie des droits de l’Homme, dans la continuité d’une certaine idée de la France et surtout en dialogue avec les sociétés civiles africaines, en rupture avec les pratiques honnies de la Françafrique et des liens qu’elle impliquait entre les chefs d’États français et ceux des anciennes colonies.

Après avoir rencontré des militants camerounais et étant alerté des violations des droits humains sur place, c’est dans une approche moderne et non paternaliste que l’ambassadeur français aux droits LGBT+ a voulu se joindre à l’invitation d’organisations de la société civile camerounaise à Yaoundé, qui souhaitaient pouvoir le rencontrer, en vue d’une conversation portant sur la place des questions de genre. Ladite rencontre aurait même dû se tenir ce 30 juin, à l’Institut Français du Cameroun.

Pourtant, c’est un climat délétère d’animosité distillée sur les réseaux sociaux qui a précédé la venue de l’ambassadeur, avec des personnalités telles que Nathalie Yamb qui se sont évertuées pour pouvoir faire échouer sa visite. Sur diverses pages Facebook, l’on pouvait ainsi lire : « Berthon, Reste chez toi ! », «  Attention à nos enfants, pas d’homosexualité chez nous », dans des amalgames plus infamants les uns que les autres.

En outre, à travers les réseaux sociaux, le public a eu connaissance des positions du Ministre des Relations Extérieures du Cameroun, quant à la venue de Jean-Marc Berthon, puisque les autorités camerounaises ont opposé une fin de non-recevoir à la venue de l’ambassadeur aux droits des personnes LGBT+ au Cameroun. Aussi, dans un communiqué en date du 19 juin, il enjoint avec fermeté l’ambassadeur de France à se conformer à cette décision, tout en mettant en copie le Ministre de l’Intérieur et le Gouverneur de la région du Centre, afin d’empêcher toute activité portant sur les questions de genre.

Face à tant d’hostilité, finalement, Jean-Marc Berthon a dû se résoudre à annuler sa visite au Cameroun. Les organisations de la société civile sur place, elles, sont consternées de la tournure des évènements.

Steeves Winner, l’auteur de cet article, est un journaliste camerounais qui écrit sous un pseudonyme. Contactez-le par courriel à steeves.w@yahoo.com.

Ci-dessous, le communiqué du Ministre des relations extérieures, Lejeune Mbella Mbella.

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