
Aperçu du draft de l’article 360 du code pénal en projet en Côte d’Ivoire
Le code pénal ivoirien est en cours de révision depuis un peu plus de 2 années maintenant. Et du 27 au 29 juillet 2016, dans la cité balnéaire de Grand-Bassam, a eu lieu un atelier de validation du draft du nouveau code pénal proposé par les experts du Ministère de la justice. L’article 360 du code pénal actuel a été légèrement modifié. L’alinéa, qui fait des relations sexuelles entre personnes du même sexe une situation aggravante du délit d’outrage public à la pudeur, a été supprimé. L’article 360 du code pénal en projet est ainsi libellé :
Constitue un outrage public à la pudeur, tout acte commis dans un lieu public ou ouvert au public ou dans les conditions prévues à l’article 174, offensant les bonnes mœurs et susceptible de troubler l’ordre public.
Est puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs quiconque commet un outrage public à la pudeur.
Les peines peuvent être portées au double si l’infraction est commise en présence d’un mineur de dix-huit ans.
Cet article aurait été satisfaisant s’il avait conservé la référence à l’ « acte à caractère sexuel », ainsi que le proposait le draft joint aux termes de références (tdr) de l’atelier de validation. Malheureusement, lors des travaux en commission, l’on a trouvé qu’il n’était pas correct de restreindre l’outrage public à la pudeur uniquement à l’« acte à caractère sexuel ». L’outrage public à la pudeur a donc été élargi à « tout acte commis dans un lieu public ou ouvert au public ou dans les conditions prévues à l’article 174, offensant les bonnes mœurs et susceptible de troubler l’ordre public ».
Il est vrai qu’en préférant pareille définition de l’outrage public à la pudeur, la commission ne semblait avoir aucune visée homophobe. Mais il faut craindre que formulé de cette manière, l’article 360 nouveau ne soit la porte ouverte à toute sorte d’abus contre les Travestis, les Trans* ou encore les Queer (TQ). En effet, si les Lesbiennes et les Gays (LG) peuvent se réjouir de cette réforme, les TQ, quant à eux, pourraient être abusivement perçus, par les forces de l’ordre, comme offensant les bonnes mœurs. Ce d’autant que la notion de bonne mœurs elle-même n’est définie nulle part dans ledit code pénal.
En plus de l’article 360 nouveau qui laisse perplexe l’observateur attentif de la situation des LGBTIQ en Côte d’Ivoire, il y a encore l’article 199 nouveau qui suscite des inquiétudes. Cet article est relatif à la discrimination. Il n’y a que 5 formes de discriminations qui y sont pris en compte : le racisme, la xénophobie, le tribalisme, la discrimination raciale, la discrimination religieuse. Ainsi, l’article 199 nouveau ne réprime pas les diverses sources de discrimination que sont le genre, le sexe, le handicap, la situation sociale, l’opinion politique, la maladie, etc., encore moins l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre. Le fait est qu’à l’exception des discriminations basées sur l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre, il existe déjà dans l’arsenal juridique ivoirien, des lois qui interdisent toutes les autres formes de discriminations. Par exemple, les femmes; les handicapés, les personnes sont protégés par des textes de lois clairs. Il n’y a que les LGBTIQ qui soient laissés pour compte.
Pour cette raison, lors des débats en atelier, la Ligue Ivoirienne des Droits de l’Homme (LIDHO) a proposé une définition plus large afin que toutes les discriminations puissent être prises en compte. L’objectif était de faire en sorte que les LGBTIQ puissent aussi revendiquer l’article 199 pour leur protection. Car, il était difficile d’essayer d’introduire une référence claire aux discriminations homophobes sans risquer de braquer la partie homophobe de la commission sur l’article 360 et ainsi de mettre en péril la bonne petite avancée qui était contenue dans le draft du code pénal en projet. Hélas, les autres membres de la commission ont trouvé que la définition proposée par la LIDHO était trop générale pour trouver place dans un code pénal.
Il convient de préciser que les participants à cet atelier étaient composés de magistrats, d’universitaires et d’organisations de la société civile ivoirienne. Par ailleurs, le processus de révision du code pénal est encore long. Après l’atelier de validation, les experts du ministère de la justice intégreront les observations faites, et la version définitive devra d’abord être validée par le ministre de la justice. Le texte sera ensuite présenté en conseil des ministres avant d’aller au Parlement.
1° L’article 199 du projet a comme conséquence que les discriminations dont les critères ne sont pas identifiés parmi les 5 critères retenus par le projet ne sont pas pénalement sanctionnées. C’est donc en quelque sorte un « droit à la discrimination » qui est ainsi consacré. En réalité, toute discrimination « pour quelque motif que ce soit » devrait être pénalement condamnée.
2° Le nouvel article 360 du projet définit l’infraction de manière très floue un « acte » (plus aucune restriction alors que l’ancienne formulation restreignait la notion) « ordre public et bonnes moeurs » (notions fonctionnelles qui ne peuvent être définies). Le droit pénal est de stricte interprétation (personne ne conteste cela). Cela a plusieurs conséquences. L’une d’elles est que la loi pénale doit définir les éléments constitutifs d’une infraction de manière précise. Pas besoin d’être un juriste expérimenté pour se rendre compte que cette exigence n’a pas été respectée par le nouvel article 360. Il est donc potentiellement très dangereux car les juges pourront l’appliquer à toute espèce d »acte » .
Oui Pierre, c’est sur cette ligne que j’étais lors de l’atelier. Le fait est que ce nouveau code pénal veut être très exhaustif quand il s’agit d’incriminer, mais il est très restrictif quand il s’agit de protéger. C’était frustrant et rageant cher ami.
Cher Monsieur, il vous suffisait de faire campagne pour expliquer au public que l’on veut interdire aux femmes de porter le pantalon parce que c’est du travestissement. Et de faire campagne pour expliquer que l’on veut interdire les crucifix pour cause que le Christ y est représenté en slip. Ou encore que l’on veut interdire la communion pour motif d’incitation au cannibalisme.
Par contre je ne vois rien contre les marchands de miracles. Pourtant c’est du charlatanisme, non?
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