Par Erin Royal Brokovitch
Impossible de travailler parce que différente, parce que femme masculine !
Thérèse, 28 ans, camerounaise, a jusque là subi plusieurs discriminations à l’embauche en raison de sa différence de genre, puisqu’elle a une allure jugée masculine. Malgré son niveau académique et ses compétences, la porte de l’embauche s’est encore refermée à son nez il y a deux mois.
L’histoire de Thérèse sonne fort dans les esprits, en faisant raisonner l’écho de ces nombreuses discriminations que les femmes à l’allure masculine subissent dans notre société. Au mois de février, c’est la compagnie d’assurance SAAR-Vie au Cameroun, bureau du quartier Hippodrome à Yaoundé, où elle avait postulé pour un emploi de vendeuse d’assurance, qui lui a honteusement refusé l’accès à cet emploi.
En fait, Thérèse est informée par sa petite sœur du recrutement qui se prépare à la compagnie d’assurance SAAR-Vie. Un système plutôt opaque d’ailleurs, puisque l’avis de recrutement n’a pas été rendu public. C’est par l’entremise d’un ami de sa petite sœur, chef d’agence dans cette compagnie, que Thérèse aura l’information. Alors qu’elle se décide à postuler pour ce poste de vendeuse d’assurance, elle apprend des recruteurs que la constitution du dossier se résume à n’envoyer que le curriculum vitae. C’est la seule exigence.
Thérèse dans un élan de générosité passe l’information sur ce recrutement à une copine, et motive celle-ci à postuler elle aussi.
Pour la suite du processus de sélection, apprend-elle aussi du recruteur, au moment où elle achemine son dossier, les candidates présélectionnées recevront des SMS, et seules celles là seront concernées par l’entretien.
Effectivement, Thérèse et sa copine reçoivent des SMS les invitant à venir passer l’entretien.
L’entretien de l’arbitraire…
L’on est le 28 février, quand Thérèse s’en va passer cet entretien. Elle raconte avoir été plutôt à l’aise avec les questions posées et le déroulement de l‘entretien. Une partie de l’entretien consistait à poser aux candidates (toutes d’expression française), des questions en anglais pour évaluer leur bilinguisme. Thérèse réussit le test puisqu’elle se montre à l’aise avec l’anglais.
Ce jour, Thérèse et sa copine qui avaient reçu des SMS les invitant à venir passer l’entretien, découvriront que beaucoup de filles qui n’y ont pas été invitées, sont là, et passent effectivement l’entretien. D’ailleurs, certaines n’avaient carrément pas déposé de dossier. Elles ont juste eu vent de l’entretien, et sont venues. Néanmoins, elles passent aussi l’entretien.
Sa copine au sortir de son entretien, raconte à Thérèse n’avoir carrément pas été à la hauteur quand il a fallu s’exprimer en anglais. Plus surprenant, elle révèle à Thérèse qu’au cours de l’entretien, le recruteur lui a littéralement fait la cour, et face à ses difficultés, il l’a rassuré, en même temps qu’il la courtisait, qu’elle serait retenue.
Les filles assistent aussi à une scène. Une candidate sort en effet du bureau d’entretien, toute en pleurs, et confie aux autres n’avoir pas été médiocre face aux questions posées lors de l’entretien. Les filles apprendront plus tard, que celle-ci avait en fait un handicap : son niveau académique bas.
A l’issue de l’entretien, Thérèse n’est pas retenue pour le poste. Sa copine elle, est retenue.
Elle continuera de faire des révélations à Thérèse, en lui disant que le recruteur, lui a confié, que l’allure de Thérèse était un handicap. Il révèle qu’être une fille « androïde » comme on dit au Cameroun, c’est-à-dire, sophistiquée, était le principal critère.
Or, cette exigence n’apparaissait pas dans les critères de sélection.
Plus troublant pour Thérèse qui ressort de cette expérience très frustrée, elle apprendra que la candidate qui est sortie de l’entretien en pleurs, fut retenue, puisqu’elle travaille présentement dans la compagnie. Pourtant, elle n’avait pas, même pas déposé de dossier. Et beaucoup d’autres qui s’étaient incrustées à cet entretien, ont-elles aussi été retenues.
C’est malheureusement Thérèse qui reste est écartée ! Écartée parce que n’étant pas féminine. Comme si au vu de son dossier consistant, le recruteur n’aurait pas pu la retenir, quitte à la faire travailler sa posture, au moins pour les besoins du poste. Ceci d’autant plus, que la compagnie d’assurance offrait des cours de maquillage et soins de beauté aux candidates retenues.
Thérèse dit n’avoir rien intenté pour dénoncer ce qu’elle a vécu comme une discrimination, parce que confie-t-elle, cela n’aurait servi à rien. De plus, elle a l’habitude, car ceci était un énième épisode de la série de discriminations qu’elle a eu à essuyer à cause de son genre différent dans sa quête d’emploi.
En effet, elle raconte qu’en 2013 déjà, alors qu’elle postulait pour un poste en maintenance informatique, le recruteur lui a fait savoir que son allure n’était pas commode, et adapté pour qu’elle soit retenue pour le poste ! Aberrant, car l’on ne comprend pas en quoi l’apparence joue t-elle pour travailler dans le secteur de la maintenance informatique ! Le recruteur, n’avait même pas pris la peine d’étudier le dossier de Thérèse, mais s’est borné à lui opposé un refus, en se limitant juste à son genre jugée différent.
Un revers assommant et déstabilisant pour Thérèse, car confie-t-elle:
« C’est pour échapper aux discriminations auxquelles je pouvais être confronté à cause de mon identité de genre, dans la quête d’un emploi, que j’ai fait le choix de la maintenance informatique, en suivant une formation dans ce domaine ».
Elle se souvient aussi de cette fois, en 2014, où un ami avait parlé de vouloir la recommander pour un poste de surveillante générale dans un collège. Il lui avait dans la foulée, exprimé ses réserves sur le fait que Thérèse ne soit pas indiquée pour un tel poste, à cause de son allure…masculine !
Ce type de discrimination n’est pas illégal au Cameroun. La loi interdit seulement la discrimination sur la base de la race ou la religion.
Yves, un ami de Thérèse, confirme ses compétences, notamment pour la maintenance informatique et sur le plan pédagogique. Il raconte qu’entre 2011 et 2012, alors qu’il venait d’avoir son baccalauréat, et que tous les deux étaient installés à Douala où ils se sont connus, Thérèse lui avait donné des cours particuliers pour savoir utiliser son ordinateur. C’est grâce à sa bonne méthode pédagogique qu’il maitrise l’outil informatique aujourd’hui. Il estime que Thérèse peut être efficace dans l’encadrement pédagogique, puisqu’il sait qu’à cette époque, elle était recruté de temps à autre par des particuliers ou des entreprises pour donner des cours, et que ça se passait plutôt bien.
Pour Thérèse, n’ayant jamais été trouvé d’emploi nulle part malgré son niveau d’études appréciable et son profil diversifié, elle s’essaye depuis, à l’auto-entrepreneuriat.
L’auteur de cet article est un militant pour les droits LGBTI au Cameroun qui écrit sous un pseudonyme.
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