Dominique Rebel Saint-Vil, le directeur exécutif de l’organisation des personnes trans d’Haïti (OTRAH) fait part de difficultés concernant l’accès au traitement pour les personnes vivant avec le VIH ou pour les personnes trans découvrant leur séropositivité en Haïti, dans le contexte actuel où le pays est dirigé par un conseil de transition extrêmement fragile, qui ne contrôle rien sur le terrain, mais qui bénéficie de l’appui de la communauté internationale, dans l’attente de futures élections. Pendant ce temps, la violence, le chaos et l’anarchie règnent dans l’agglomération de Port-au-Prince, la capitale, qui est mise à sac méthodiquement par les gangs.
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Dominique Rebel Saint-Vil : « La situation est très difficile et je vis dans les bureaux de mon organisation situé dans la ville de la Croix des Bouquets en périphérie de Port-au-Prince. Au total, à présent nous sommes 8, toutes et tous des personnes trans ou non-binaires ayant dû laisser et abandonner notre domicile, face à la montée de la violence.
Pour mon organisation, ça fait 8 bouches à nourrir matin, midi, soir, sans compter les autres charges. Nos locaux ne sont pas faits pour de l’hébergement, donc nous dormons sur des matelas à même le sol, dans le contexte sécuritaire exceptionnellement grave que traverse Port-au-Prince et sa région. (N.D.L.R. : en mars 2024, 1 haïtien sur 2 souffre de la faim selon les observateurs onusiens. En septembre 2023, le programme alimentaire mondial pointait déjà un « risque de famine » en Haïti).
J’ai entrepris des démarches afin que nous puissions obtenir des appuis de la part de bailleurs de fonds internationaux, mais dans l’attente, j’ai dû puiser dans mes économies et il existe un risque pour qu’à la mi-avril notre trésorerie soit asséchée.
Concernant les banques, elles n’ouvrent pas tous les jours et elles sont situées à Pétionville où il faut pouvoir se déplacer à mobylette, non sans risque. Pour une organisation comme la nôtre avec une trésorerie en tension, c’est un véritable casse-tête avec lequel on doit vivre.
Pour ce qui est de l’accès à l’eau potable, la situation s’est un peu améliorée par rapport à la semaine dernière et je dispose de gallons pour plusieurs semaines. Par contre, des pénuries d’essence ont toujours cours et ça freine tous les déplacements, en sus de l’insécurité omniprésente. Pour l’accès aux antirétroviraux des personnes que nous hébergeons et qui vivent avec le VIH, ce n’est pas sans conséquence ».
76crimes : « C’est à dire, pouvez-vous en dire plus ? »
Dominique Rebel Saint-Vil : « Il n’y a pas de pénurie d’antirétroviraux, mais pour les personnes qui ont terminé leur traitement et qui souhaitent le renouveler, l’accès aux médicaments n’est pas aisé, s’il est difficile pour les médecins, les soignants et les patients de pouvoir se déplacer pour se rencontrer et assurer ainsi un suivi médical de qualité.
Dans ce cortège de difficultés, heureusement, internet fonctionne encore et ça permet de garder contact, en organisant quelques activités en ligne avec des personnes qui vivent ailleurs dans le pays, où la situation moins dégradée ».

