Afrique subsaharienne

Bénin : Bilan de 4 années d’activités du Centre de convivialité Rehoboth

Depuis 4 ans, les « Hirondelles Club » du Bénin mènent une activité d’accompagnement humain et social des personnes LGBT+ en quête d’un hébergement. Fort de 4 ans d’expertise au sein du Centre de convivialité Rehoboth, ce sont près de 380 jeunes du Bénin et de la sous-région qui sont passés par les murs de ce foyer d’hébergement temporaire de 20 places. Pour 76crimes, Luc Agblakou, le fondateur de l’organisation, a accepté de nous livrer son regard, alors qu’un rapport dédié à l’accueil des jeunes en difficulté d’hébergement vient de paraître.

76crimes : « Comment les Hirondelles du Bénin ont vu le jour ? »

Luc Agblakou : « Je suis le président fondateur d’Hirondelles Club au Bénin et ce depuis le 09 mars 2013. L’organisation a été fondée lorsqu’un père a assassiné son fils après avoir appris son homosexualité. On est une organisation de défense des minorités sexuelles et de genre au Bénin. Aujourd’hui, nous sommes même devenu une organisation non-gouvernementale internationale, puisque nous avons des antennes dans d’autres pays de la sous-région (Togo, Burkina-Faso, Niger), ainsi que des sympathisants en France. C’est pour cela qu’à l’échelle de la Francophonie, nous nous sommes regroupés sous l’appellation « Hirondelles Club International ».

Depuis 2020, nous avons la gestion d’un refuge de 20 places qui permet d’héberger nos bénéficiaires pour une durée de 3 mois maximum. Ce sont des personnes que nous accompagnons au niveau sanitaire et social et également pour de courtes formations ».

76crimes : « Quel est le contexte en matière d’homophobie au Bénin ? »

Luc Agblakou : « Au Bénin, il y a autant d’homophobie qu’ailleurs en Afrique de l’Ouest, bien qu’il n’y ait pas de pénalisation. En revanche, on a plus de latitude pour faire nos actions de plaidoyer et de sensibilisation bien que la grande majorité des béninois soient homophobes. D’ailleurs, l’on déplore des violences ainsi que des lynchages qui sont légions. Encore dernièrement, Thomas Boni Yayi, l’ancien président de la république (2006-2016), a lancé un appel virulent à la haine vis-à-vis des personnes LGBT, en citant des passages du Lévitique invoquant Sodome et Gomorrhe sur sa page Facebook.

Luc Agblakou

Cependant à notre actif, nous avons quelques décisions de justice qui invite à faire réfléchir ceux qui en voudraient à l’intégrité physique des personnes LGBT+. Ainsi à ce jour, l’on comptabilise près de 3 décisions de justice en faveur des personnes que nous avons soutenues. Elles ont amené à diverses condamnations d’agresseurs plus ou moins dissuasives, avec respectivement, 6 mois de prison ferme, 6 mois de prison avec sursis ainsi que des amendes ».

76crimes : « Parmi les personnes bénéficiaires d’hébergement depuis 4 ans, on relève une surreprésentation des personnes transgenres, pour quelle raison ? »

Luc Agblakou : « L’on a recueilli un total de 171 personnes trans, sur les 380 jeunes que nous avons vu passer depuis 2020. Pour moi cela tient à la visibilité de l’expression de genre des trans. Cette communauté suscite énormément d’animosité ainsi que de la honte et du rejet de la part des familles. Cela nous oblige aussi à essayer de faire des médiations avec les familles, lorsque cela est possible. Enfin, parmi les personnes trans, nombre d’entre elles viennent des pays voisins en proie à des juntes militaires, aussi bien au Mali, au Niger, qu’au Burkina-Faso ».

76crimes : « On observe également une surreprésentation des personnes de confession évangélique parmi les hébergés, qu’en dites-vous ? »

Luc Agblakou : « La population est majoritairement croyante au Bénin, mais je relève que les évangélistes et les musulmans sont les plus hostiles aux personnes LGBT+. Aussi, les leaders religieux sont des leaders d’opinion influents au sein de la population qui les considère comme les représentants de Dieu sur Terre. Il y a énormément de prêches homophobes dans les mosquées et dans les temples évangélistes, néanmoins il nous arrive de temps à autre de pouvoir dialoguer avec des chefs religieux traditionnels animistes, autour de la localité de Dangbo dans l’Ouémé, au sud du pays.

Nous avons des moyens limités et nous n’avons pas encore dédié un programme à ce type d’activité, pour pouvoir nourrir des échanges avec des leaders de foi et de spiritualité ».

76crimes : « On remarque que vous accueillez de nombreux jeunes non-diplômés. Est-ce que vous travaillez sur cette vulnérabilité ? »

Luc Agblakou : « L’absence de formation de notre jeunesse nombreuse est un véritable fléau. On fait des formations de groupe durant le séjour de nos jeunes, afin qu’ils puissent avoir davantage de chance pour se prendre en main au terme de leur période d’hébergement.

Les formations de groupe que nous assurons touchent principalement à la décoration ou à la coiffure et il s’agit de formation courte. Néanmoins, même quand nos bénéficiaires quittent la structure d’hébergement au bout de 3 mois, nous les accompagnons dans leurs projets d’insertion professionnelle, puisque certaines formations durent jusqu’à 1 an : stylisme, graphisme, broderie ».

76crimes : « Comment voyez-vous évoluer le Bénin en matière de respect des personnes LGBT+ pour l’avenir ? »

Luc Agblakou : « Rien est acquis et gravé dans le marbre et au quotidien l’on résiste à l’homophobie ambiante. Toutefois, il est remarquable que le Bénin ait accepté 2 recommandations lors de l’examen périodique universel qui s’est tenu en janvier 2023.

Les items faisant l’objet d’une approbation du Bénin portent sur la lutte contre les discriminations affectant les personnes qui vivent avec le VIH (y compris quand elles sont LGBT+) et le fait de traduire en justice les auteurs d’agressions LGBTphobes ».

Les personnes souhaitant obtenir le rapport d’activité du centre de convivialité Rehoboth peuvent écrire aux Hirondelles Club du Bénin ici.

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