Amériques

Haïti face au démantèlement de USAID

Dominique Rebel Saint-Vil est le leader de l’Organisation Trans d’Haïti (OTRAH), une organisation non-gouvernementale locale en qui œuvre en faveur des personnes transgenres à Port-au-Prince, la capitale.

Pour 76crimes, il livre ses impressions et inquiétudes suite à la récente suspension des fonds d’aide internationale décrétée par le nouveau présent des États-Unis, Donald Trump, le 20 janvier dernier, alors que la situation politique et sociale du pays reste caractérisée par une grande instabilité politique et l’insécurité, ainsi qu’une population abandonnée par les autorités au niveau sanitaire.

Dominique Rebel Saint-Vil est le directeur exécutif et le fondateur d’OTRAH (photo de @JonathanRémy)

Un coup de massue qu’on n’attendait pas

Dominique Rebel Saint-Vil : « On avait été habitué au premier mandat de Donald Trump entre 2017 et fin 2020 et l’on connaissait le personnage sans que cela ait remis en question les outils de l’aide au développement des États-Unis d’Amérique, avec USAID qui continuait à poursuivre ses missions aux côtés de ses partenaires régionaux et nationaux en Haïti ».

Dans le domaine de l’aide au développement, c’est souvent une évaluation des actions qui peut aboutir à la suspension d’un programme ou à son recadrage en fonction de nouveaux objectifs politiques et sociaux.

Néanmoins, cette fois-ci, l’on sent que c’est plus profond, c’est brutal et c’est une décision purement idéologique qui fait fi des crises humanitaires dans l’étranger proche des États-Unis, puisque Haïti est à moins d’une heure d’avion de Miami en Floride.

Sur place, beaucoup de gens vont se retrouver au chômage, car les organisations chargées de redistribuer les fonds et les financements ont d’ores et déjà reçu pour consigne officieuse de ne plus travailler avec les associations s’intéressant aux publics transgenres. Mais comme on dit, qui finance gouverne ».

Des recherches d’alternatives

Moïse Manoël-Florisse : « Quelles sont vos stratégies d’adaptation ?« 

Dominique Rebel Saint-Vil : « Pour l’instant l’aide américaine est suspendue pour 3 mois, donc on attend la suite, sachant que certaines activités ont déjà repris, telles que la délivrance de médicaments auprès des femmes enceintes vivant avec le VIH. Néanmoins, il n’y a pas de nouveaux dépistages. En ce sens, c’est un recul clair et net par rapport à des progrès de santé publique que l’on pensait acquis depuis une vingtaine d’années.

Dans un pays comme Haïti dont la gouvernance est défaillante depuis des décennies, la puissance publique ne peut pas prendre le relais des bailleurs internationaux pour l’achat d’anti-rétroviraux génériques et l’on se retrouve complètement démunis. L’on craint une reprise de l’épidémie du VIH/sida, là où l’on envisageait la fin du sida à l’horizon de 2030 de concert avec les objectifs du développement durable des Nations-Unis et de l’Onusida.

Aujourd’hui, pour une organisation comme OTRAH, faire du plaidoyer contre le VIH sans faire du plaidoyer en faveur des droits des publics marginalisés et contre les discriminations est un véritable crève-cœur. Dans ce contexte l’on s’oriente vers d’autres partenaires qui ne posent pas ce type d’exigences, bien que les questions de santé ne soient pas les seules à notre agenda ».

Devenir autonome de l’aide des pays de Nord

Moïse Manoël-Florisse : « Est-ce que ce tarissement des financements n’est pas l’illustration de rapports de dépendance qui ont pris le pas sur la recherche d’autonomie des communautés transgenres ?

Par exemple quand j’étais au conseil d’administration d’une organisation à but non lucratif québecoise en 2020, j’insistais sur l’accès au micro-crédit des communautés LGBT dans les Caraïbes et singulièrement en Haïti, comme levier d’empowerment et de sortie de la pauvreté ».

Dominique Rebel Saint-Vil : « Le démantèlement en cours de USAID, l’agence américaine de développement et de coopération internationale montre surtout le caractère extrêmement discrétionnaire de l’allocation des ressources au niveau de l’aide humanitaire, nonobstant les drames se déroulant y compris dans les pays situés dans le voisinage immédiat des États-Unis. Pour moi, c’est irresponsable.

Concernant l’accès au micro-crédit, dans un pays en proie aux gangs armés comme Haïti, il est difficile d’envisager de créer une affaire sur le moyen terme, car l’instabilité est bien trop grande.

Toutefois, c’est un vide énorme qui est en train de se créer et plus que jamais les associations venant en aide aux personnes transgenres en Haïti sont sur le qui-vive ».

Vous pouvez aider OTRAH en faisant un don ici.

Une réflexion sur “Haïti face au démantèlement de USAID

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