Afrique subsaharienne

Côte d’Ivoire : les défenseurs des droits humains cherchent à enrayer une vague de haine anti-LGBT

Les cibles sont les citoyens gays, lesbiennes et transgenres de Côte d’Ivoire, connus localement sous les noms de « woubis » et « lélés »

En Côte d’Ivoire, des influenceurs sur Internet profèrent des menaces contre les citoyens LGBT du pays, connus sous le nom de « woubis » (hommes gays et femmes trans) et « lélés » (lesbiennes et hommes trans). À gauche, Makosso Camille affirme que la « chasse » à leur encontre va bientôt commencer (photos issues de @Les Observateurs).

Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) de Côte d’Ivoire, en Afrique de l’Ouest appelle à mettre fin à une récente vague de violences homophobes et de haine en ligne visant les citoyens gays, lesbiennes et transgenres, connus localement sous les noms de « woubis » et « lélés »

Le CNDH « appelle la population à renoncer à l’usage de la violence face au prétendu « phénomène woubi » », a déclaré le conseil dans un communiqué de presse en date du 5 septembre. « Malgré leur orientation sexuelle différente et contraire à nos coutumes et traditions, les membres de cette communauté « woubi » restent avant tout des êtres humains et bénéficient des droits humains consacrés par la Constitution ivoirienne et les traités internationaux relatifs aux droits humains. »

En août, le pasteur homophobe Makosso Camille a lancé une pétition anti-LGBTQ en ligne et a déclaré qu’il organiserait une marche anti-LGBTQ lorsqu’elle atteindrait 100 000 signatures. Il a affirmé que plus de 56 000 personnes avaient d’ores et déjà signé la pétition, mais elle a été supprimée par Change.org qui a déclaré qu’elle violait les normes de la communauté.

Le journal Les Observateurs de France 24 rend compte de la situation dans l’article ci-dessous, qui a été résumé. Aussi, Makosso menace de poursuivre France 24 en justice pour l’avoir diffamé dans cet article selon ses dires :

“À bas les woubis !” : en Côte d’Ivoire, une vague de haine anti-LGBT en ligne et dans la rue

Dans ce pays réputé relativement tolérant envers les personnes LGBT, des comptes très suivis sur les réseaux sociaux attisent depuis plusieurs semaines des appels à la haine contre les “woubis”, un terme pouvant désigner les personnes homosexuelles ou transgenres. Cette campagne orchestrée a pour conséquence une hausse significative des agressions physiques et des atteintes au travail des organisations travaillant avec les minorités sexuelles et de genre. 

“En Côte d’Ivoire, les « woubis » se sentent trop sereins. […] Quand on va dire : la chasse est ouverte, vous n’allez pas y croire. […] Vous n’allez pas apprécier ce qui va venir, ce n’est pas bon !” Dans une vidéo, publiée sur TikTok le 21 août et vue 1 700 000 fois, le compte du « General Makosso Camille » menace directement les “woubis”. Ce mot, utilisé initialement par la communauté LGBT ivoirienne puis passé dans le langage courant, désigne aujourd’hui un homme homosexuel ou parfois certaines personnes transgenres. Pour l’influenceur, qui se présente également comme un “révérend” évangélique, ces derniers “violeraient des enfants dans des hôtels” et seraient responsables de la transmission de la “variole du singe” dans le pays. Le compte du « General Makosso Camille » a depuis été suspendu [mais il en a ouvert un nouveau où il déclare que « Le combat continue. » ]

“Il y a eu des rumeurs concernant une agression sexuelle sur un mineur de 15 ans”

Marie-Jo, chargée de programmes et de projets pour une organisation qui milite en faveur des droits humains des femmes lesbiennes, bisexuelles et queers en Côte d’Ivoire, raconte : 

« Sur les réseaux sociaux, ça a commencé durant le mois de juin avec Makosso Camille et quelques autres comptes, qui ont commencé à publier des appels à la violence. Dans le courant du mois d’août, les choses se sont envenimées : il y a eu des rumeurs concernant une agression sexuelle sur un mineur de 15 ans, et certaines personnes accusaient de jeunes gays.

Sans communication officielle de la police ni vraie couverture par la presse locale, difficile d’estimer la réalité de cette histoire. Mais les rumeurs sont néanmoins instrumentalisées par plusieurs comptes pour mobiliser la population contre les “woubis”, comme dans cette vidéo du TikTokeur Dady Chocolat, publiée fin août et likée près de 10 000 fois ». 

“Les Ivoiriens sont déterminés, ils disent qu’ils ne veulent plus du « woubisme » dans le pays”, assure-t-il. “Ils sont dans les rues actuellement. […] Ils ont commencé à dire “justice » pour certaines personnes qui ont été abusées sexuellement par des woubis.” À l’appui de sa vidéo, il montre cependant des rassemblements liés à une autre affaire du même type, remontant au mois de février. 

“Il faut une loi contre les woubis avec 5 ans de prison ferme !” 

Les influenceurs homophobes réclament également la pénalisation de l’homosexualité, alors que la Côte d’Ivoire est un des rares pays d’Afrique de l’Ouest à ne pas faire mention des relations entre personnes du même sexe dans son code pénal. “Il faut une loi contre les woubis et les lélés [un terme désignant les femmes lesbiennes, ndlr], comme au Togo, comme au Burkina, comme au Cameroun”, exige ainsi General Makosso Camille. De nombreux pays d’Afrique de l’Ouest ont par ailleurs cherché à durcir leur arsenal législatif visant l’homosexualité ces dernières années, comme le Ghana, le Mali ou le Burkina Faso

Le compte @DelphineSankara, favorable aux juntes militaires établis au Sahel,  a d’ailleurs qualifié la Côte d’Ivoire de “Woubiland” le 29 août dernier. “Le Sénégal a refusé cette affaire de Woubi, idem pour les Etats de l’AES [NDLR : Alliance des Etats du Sahel, une organisation régionale qui regroupe les régimes militaires maliens, burkinabés et nigériens], alors pourquoi en Côte d’Ivoire vos dirigeants […] ont accepté ?” (sic), commente l’influenceuse.

Les actions homophobes s’organisent aussi de manière plus confidentielle, à travers des groupes WhatsApp privés. La rédaction des Observateurs a pu avoir accès à des captures tirées de l’un d’entre eux : on peut y voir les membres organiser des campagnes de signalement contre des personnalités homosexuelles ivoiriennes et s’encourager mutuellement à la violence à travers le partage de vidéos dégradantes ou pornographiques. 

“On a déjà recensé plus d’une trentaine de cas d’agressions”

Selon Brice Andy, directeur de l’association Gromo de défense des personnes LGBT en Côte d’Ivoire, ces appels directs à la violence engendrent un nombre important de passages à l’acte. 

« On a déjà recensé plus d’une trentaine de cas d’agressions homophobes et lgbtphobes ces dernières semaines. Par exemple, samedi 31 août au soir du côté du marché de la Sicogi, à Yopougon [un quartier populaire d’Abidjan, ndlr], il y a eu une descente musclée contre des salons de beauté tenus par des femmes trans. Elles ont dû se calfeutrer dans leur salon pour y échapper ».

Namizata Sangaré, présidente du Conseil national des droits de l’homme de Côte d’Ivoire.

Réponse du CNDH

Dans le communiqué de presse suivant, le CNDH a appelé à la fin des violences et des discours de haine contre les Woubi. Le conseil a également appelé la communauté LGBTQ à « faire preuve de prudence afin d’éviter tout comportement qui puisse être perçu comme provocateur ou ostentatoire » :

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