Europe

Noirs d’Europe : « Les enjeux autour de la lutte contre le VIH ne doivent pas être pensés sans nous »

(Credit : Global Black Gay Men Connect)

Global Black Gay Men Connect (GBGMC) dont le siège social est situé à New-York, était en conférence à Paris du 12 au 13 juillet dernier pour parler du VIH et de la Prophylaxie pré-exposition (Prep) auprès d’un public afropéen et européen de l’est principalement. Des participants d’Arménie, d’Ukraine, de Biélorussie ou de Grèce étaient présents notamment, dont des hommes majoritairement, mais aussi des femmes.

Logo du Global Black Gay Men Connect

Il faut dire qu’en Europe de l’Ouest, les communautés LGBT+ migrantes sont particulièrement touchées, notamment au sein des communautés afro-descendantes et métis, tandis qu’en Europe de l’Est la Prep est peu ou pas remboursée par les différents mécanismes de couverture sociale et de santé.

Pour 76crimes, quelques participant.es ont accepté de nous livrer leur ressenti, ainsi que leur parcours militant.

76crimes : « Micheal Ighodaro, parlez-nous du Global Black Gay Men Connect et de vos attentes ici à Paris ? »

Micheal Ighodaro : « Global Black Gay Men Connect a été fondé en 2017, afin de travailler à l’avancement des hommes noirs et gays à travers le monde, car nous sommes l’une des communautés les plus discriminées et les plus stigmatisées dans le monde, en Afrique ou ailleurs.

Nous portons notre intérêt à des sujets aussi variés que la santé, la lutte contre le VIH, mais aussi l’avancée économique de nos membres ou encore la lutte contre les violences policières.

Micheal Ighodaro (Instagram @micheal.igh)

Nous sommes un mouvement global, international et mon parcours du Nigéria aux Etats-Unis l’illustre. Je travaille au coeur des intersectionnalités de race, de migration et d’orientation sexuelle en faveur des personnes noires réfugiées, tout simplement parce que je fais partie de cette communauté, en tant que membre du conseil d’administration du Global Black Gay Men Connect.

Concernant notre présence à Paris, elle s’inscrit dans une perspective plus large qui vise à aller à la rencontre des publics minorisés en Europe, afin de parler des nouveaux modes de prévention disponibles tels que la Prep injectable qui est disponible en France depuis peu. Ce qui est loin d’être le cas ailleurs en Europe ou dans les pays issus de l’ex-Union Soviétique, malgré les efforts des fabricants pour rendre le Cabotégravir injectable plus accessible.

Cette année, on est heureux d’apprendre que l’Espagne compte faire de la lutte contre le VIH une de ses priorités durant sa présidence de l’Union Européenne, mais à présent l’on aimerait que l’ensemble des groupes minorisés en Europe soient également assis à la table des discussions ».

76crimes : « Dinah, en tant que française, qu’est-ce qui t’a amené à te joindre à ce sémaire organisé par Global Black Gay Men Connect ? »

Dinah Bons : « Je suis une femme trans et je suis fille d’artiste. Je vis entre la France où je suis travailleuse du sexe et les Pays Bas où je suis une politicienne. Je suis affiliée au parti politique BIJ1 qui est classé à l’extrême-gauche de l’échiquier politique à Amsterdam. C’est un parti antimonarchiste, féministe, égalitariste, antiraciste et anticapitaliste.

Dinah Bons (Instagram @dinahbons)

Pour moi cet engagement est important, car je suis une enfant adoptée et j’ai toujours été considérée comme « noire » dans ma famille. D’ailleurs, mes parents adoptifs ont toujours tenu à ce que je puisse me sentir proche de mes racines ancestrales polynésiennes où il existe un troisième genre. Cela m’a véritablement ouvert le champ des possibles et j’ai été immédiatement attirée par cette acceptation de la féminité chez les personnes nées de sexe masculin.

Devenue adulte, j’ai voulu recréer cela et faire ressortir quelque chose que le christianisme a voulu rendre tabou. C’est pour cela que je fais partie de Trans United Europe qui est un réseau européen qui vient en aide aux personnes trans et non-binaires migrantes, travailleuses du sexe, notamment sur les thématiques en lien avec le VIH et les nouvelles méthodes de prévention, telles que la Prep injectable.

Or souvent, les personnes trans déplorent le fait que leurs spécificités soient insuffisamment prises en compte par les différents systèmes de soins nationaux, en Europe. Néanmoins, à l’aide de nos partenaires comme Acceptess-T en France, l’on remarque que l’on arrive de plus en plus à travailler avec des médecins et des infirmières que l’on forme à notre public cible ».

76crimes : « Quel est ton ressenti aux termes de cette conférence de 2 jours à Paris ? »

Harvey Kennedy-Pitt : « J’ai fondé une organisation à but non-lucratif « Black Beetle Health » qui s’adresse aux personnes LGBT+ noires et à leur santé dans une approche holistique (santé mentale, santé sexuelle, lutte contre les discriminations de santé, prévention des maladies chroniques, bien-être, agir sur le cadre de vie). D’autre part, je partage aussi mon expertise sur des sujets de justice et d’inclusion auprès du cabinet de consultance Unstukk dont je suis le directeur. Aussi, en tant qu’intervenant, je donne des cours à l’université en santé publique.

Harvey Kennedy-Pitt (Instagram @thejambrican)

Ayant découvert la santé publique en Corée du Sud, lors de mes études universitaires et vivant aujourd’hui au Royaume-Uni, j’ai vraiment pu apprécier l’approche globale et paneuropéenne de la conférence. D’ailleurs à travers mes échanges avec Valeriia Rachynska, j’ai pu en apprendre beaucoup sur l’Ukraine qui est un des rares pays issu de l’ex-URSS où la Prep est largement accessible, malgré la guerre qui fait rage sur son territoire.

Cependant, dès qu’il est question d’inégalités raciales les gens se crispent, alors que c’est tellement évident quand on voit la différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens blancs et les réfugiés issus de pays africains et arabes qui ne jouissent pas du tout des mêmes facilités d’accès aux soins dans les pays de l’Union Européenne, à quelques rares exceptions. C’est particulièrement choquant et il semble que les gens ne s’en rendent pas toujours compte dans leur élan de solidarité et de compassion racialisée avec l’Ukraine.

Aussi, cela vient atténuer le regard que l’on porte sur l’Europe de l’est qui est souvent présentée comme une région défavorisée. Plus largement concernant cette région du monde il advient de réfléchir pour savoir s’il faut de nouvelles solutions pour freiner les cas de contaminations dus au VIH ou s’il faut dupliquer des solutions déjà existantes dans d’autres pays. La réponse appartient aux acteurs de terrain, localement ».

Pour clôturer ces 2 jours de rencontre, en écho à la présidence espagnole de l’Union Européenne qui a fait acte de reconnaissance du mouvement communautaire de lutte contre le VIH, le 3 juillet dernier, Bisi Alimi eut ces mots : « les personnes noires et en particulier les hommes noirs gays sont parmi les plus touchés par le VIH en Europe et les enjeux autour de la lutte contre le VIH ne doivent pas être pensés sans nous ».

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