Afrique subsaharienne

RD Congo : Un défenseur des droits des personnes LGBTI+ menacé de mort

Activiste des droits des personnes LGBTI+ dans un pays en guerre, la République Démocratique du Congo (RDC), Jérémie Safari assiégé et reclus dans une maisonnée de Bukavu (sud-Kivu) lance un signal de détresse. Aujourd’hui, agressé, harcelé, menacé de crémation et poursuivi par une justice inquisitrice, sa vie est plus que jamais en danger. A travers lui dit-il, c’est l’organisation Rainbow Sunrise Mapambazuko/LGBTI dont il est le directeur exécutif que l’on vise, ainsi que le message de tolérance qu’elle délivre.

Logo de Rainbow Sunrise Mapambazuko

Entretien téléphonique réalisé le 18 Mars 2022.

Peux-tu aborder avec nous la situation juridique des personnes LGBTI+ en RDC ?

« Il n’y a pas de loi homophobe en RDC. Néanmoins, les personnes qui sont en charge du fonctionnement des institutions le sont : policiers attachés à la police judiciaire, magistrats, juges…Ainsi, l’interprétation de l’article 176 du code pénal qui porte sur l’atteinte aux bonnes moeurs sert à condamner les personnes LGBTI+ en lieu et place de condamner les atteintes à la pudeur par exemple. On condamne ici les gens purement et simplement sur la foi de convictions religieuses privées et personnelles ou de coutumes locales ».

Quelle est la situation spécifique au Sud-Kivu ?

« Le Sud-Kivu est une région qui reste en proie aux conflits armés depuis 1996. Aujourd’hui encore, les combats se poursuivent entre les milices interhamwe et les forces gouvernementales. Les Interhamwe ont fui le Rwanda en 1994 après avoir participer au génocide contre les Tutsis. A présent, ils participent à l’exploitation illégale des minerais du Sud-Kivu (or, colbalt, cuivre, diamant). Parmi les protagonistes de ce conflit l’on trouve également les Banyamulenge qui sont un autre groupe de rebelles d’origine rwandaise. Les conflits entre les groupes armés issus du Rwanda et les populations locales sont récurrents. Les rwandais sont régulièrement accusés de pillage, d’exactions et de vols de bétails et de terres par les communautés autochtones. On est dans un cycle infernal de violences et de représailles depuis presque trente ans sans que l’on puisse en entrevoir la fin ».

Qu’en est-il pour les personnes LGBTI du Sud-Kivu ?

« La région est devenu tristement célèbre à l’échelle internationale, car les viols et les violences sexuelles sont ici utilisés par les soldats comme armes de guerre contre les populations civiles. D’ailleurs le prix Nobel de la Paix 2018, décerné au gynécologue Denis Mukwege est venu illustré cela. En ce qui concerne les personnes LGBTI+, les femmes lesbiennes sont également concernées par le phénomène des viols correctifs. En outre on leur jette l’anathème en les tenant pour responsables du COVID-19, des désordres économiques et du retard de développement de la région. Dans les églises, les personnes LGBTI+ sont même associées à la figure de l’antéchrist ».

Qu’en est-il de ton parcours de militant au Sud-Kivu ?

Jérémie Safari

« Depuis 10 ans, je suis un activiste. En 2013, j’ai été arrêté une première fois car je parlais de diversité sexuelle et de genre à la radio. Cela m’a amené en prison où j’ai été torturé et violé durant mes 3 jours de détention. Après avoir été libéré, j’ai dû me faire soigner à Kigali au Rwanda où j’ai bénéficié de l’assistance d’un suivi psychologique. A mon retour au Sud-Kivu, au sein de mon foyer familial, je n’étais plus le bienvenu. Depuis cette époque, je me sens souvent déprimé et j’ai parfois des pensées suicidaires. Toutefois, comme je suis un défenseur des droits humains, je me bats énormément pour l’avancement des droits de mes semblables, malgré le harcèlement et les intimidations téléphoniques ».

Quelle est ta situation aujourd’hui ?

« Il y a encore quelques jours, je résidais au quartier Labotte à Bukavu. J’y étais depuis deux ans et ma présence dans ce quartier n’était pas de tout repos. Les menaces à mon encontre étaient omniprésentes. Cependant, en dépit de l’insistance de certaines riveraines, les propriétaires ne voulaient pas me voir partir. Les choses ont commencé à basculer il y a quelques jours, quand j’ai été l’objet d’un mandat de comparution. L’objet de cette missive est mon homosexualité et ma volonté supposée de vouloir pervertir la jeunesse. De toute façon, au même moment où la police judiciaire se pressait sur le pas de ma porte, un attroupement d’une foule haineuse et excitée était en train de se déchaîner sur la voie publique, dans ma rue, prête à en découdre avec moi. Sur les conseils de mon avocat, j’ai donc quitté le quartier pour pouvoir trouver refuge un peu plus loin chez un ami, tandis que j’ai soudoyé les policiers pour qu’ils me laissent tranquille. A l’heure où je vous parle, hier soir, le domicile de mon ami était encerclé par une bande de jeunes souhaitant attenté à mes jours ».

Vous pouvez soutenir Jérémie Safari en faisant un don sur le lien suivant : https://www.rainbowsunrisemapambazuko.org/donate

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